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Critique du film
PARANORMAL BAD TRIP 3D 2014

 

Le phénomène des films dits de «found footage», quasiment à 100% concernant le genre horreur et/ou fantastique, remonte à pas mal de temps. On pourrait presque en trouver les origines dans CANNIBAL HOLOCAUST. Puis un succès monumental avec LE PROJET BLAIR WITCH. Mais c'est dans cette dernière décade qui s'achève que le filon prit véritablement son essor. Avec aussi bien des budgets microscopiques comme PARANORMAL ACTIVITY et sa caravane de séquelles que de projets plus ambitieux. Moins chers à produire donc avec un amortissement espéré meilleur et retour sur investissement plus rapide. Catalysant des peurs jouant sur le réel des situations, chaque studio américain s'est mis à lancer sur le marché leurs propres productions

En France, on se la joue pépère. Rien de tout cela à l'horizon, le système de production national et son marché ne se préoccupant que trop peu de ce sous-genre. Déjà que le genre fantastique n'a pas bonne presse, que les films français se comptent sur les doigts de la main - et dont aucun ne connait de succès fracassant sur notre territoire. Alors, quoi?

Alors un éditeur de DVD (Artus Films) et le réalisateur Frédéric Grousset se sont alliés hors des circuits officiels pour monter PARANORMAL BAD TRIP 3D. Officiellement, le premier film de «found footage» tourné en 3D au monde ! Pour une expérience immersive à la première personne doublée de la troisième dimension. Et curieusement, l'exercice ne sera pas à proprement parler un film horrifique ou fantastique, mais glissera graduellement de l'enterrement de vie de garçon du héros (Julien Masdoua) vers quelque chose de surnaturel... Voire pire?

Emballé amoureusement pour un budget qu'on imagine dérisoire, il s'agit du troisième film de Frédéric Grousset. Déjà auteur de l'intéressant AQUARIUM et du plus ambitieux mais très inégal CLIMAX, PARANORMAL BAD TRIP 3D surfe ainsi sur la mode actuelle du «found footage» qui apparait inépuisable. On pensait qu'elle mourrait rapidement, mais cette mode perdure assez inexplicablement comme on a pu le constater encore dernièrement avec CATACOMBES. Le public répond présent de manière régulière, donc pourquoi s'arrêter en si bon chemin ?

On retrouve quelques habitués des deux premiers métrages de l'auteur. Qu'il s'agisse de Johan Valette à la partie technique ou de des acteurs, on a comme l'impression de retrouver une famille qui s'active à la tâche. Comme pour «la dame blanche» qui n'est autre que Marion Trintignant, héroïne de CLIMAX ! La forme très «film de potes» se ressent rapidement, dès la première scène, où les choix délibérés de mise en scène tranchent avec les suaires des films de genre français. Autant certains cinéastes effectuent tout ce qu'ils peuvent pour gommer l'aspect français de leur production (le récent AUX YEUX DES VIVANTS est un exemple flagrant). Autant ici Grousset rentre franchement dans le franco-français. PARANORMAL BAD TRIP 3D est à la limite de la critique sociale et de la célébration des rites sociétaux de passage à l'âge adulte. Tout en faisant de ses héros des icônes de beaufitude, de franchouillardise, de couardise et de potes décérébrés. La première scène dans la voiture, une 4L, et le long monologue demeure un exemple parmi tant d'autres, comme la scène de ménage (un peu plaquée et surjouée, par contre). L'enterrement de vie de garçon semble lui aussi être perçu comme une rupture de vie. Un voyage obligé, bordé de beuveries, de surprises débiles, de détours glauques et de strip-teaseuse/prostituée grotesque. Comme une prolongation dérisoire de PROJECT X, mâtiné de fantastique. Drôles d'endroits pour des rencontres !

Le fait que l'ensemble des dialogues soient improvisés apporte un grand naturel à l'ensemble. Ce qui paralysait quelque peu CLIMAX dans un jeu ampoulé, les acteurs sont ici plus libèrés. Jamais Julien Masdoua ne fut meilleur ! Et l'on suit avec curiosité, plaisir et un brin de frustration les pérégrinations affligeantes des trois compères. Jusqu'au bout d'une nuit sans fin, où les événements se dérèglent et échappent à tout contrôle. Car en bon amateur de film de genre, on se demande où va enfin débuter la partie proprement fantastique du film. La durée étant là aussi un atout : 71 mn , à l'instar de ses deux précédent opus, permettant une action resserrée, un rythme fonctionnel et une solide montée en puissance du climax.

On pourra reprocher quelques fautes inhérentes au sujet. Le rite de passage du statut de célibataire à homme marié s'accompagne de celui du monde réel à celui plus paranormal et horrifique. Il existe un moment très long dans le film, où les héros marchent vers un véhicule accidenté - et en temps réel. On peut comprendre le fait que le montage respecte le plan, aucune obligation de couper la caméra, mais l'attente ne génère aucune pression, aucune peur. Un ennui poli qui ruine quelque peu les efforts précédents. Puis le final qui tente de déplacer le spectateur de sa zone de confort et qui y parvient. Même si d'autres films connexes ont déjà suivi un schéma similaire, l'efficacité reste de mise.

L'ajout de la 3D présente à la fois un avantage et un handicap. Avantage car il devient un argument de vente inédit pour un film de ce calibre et une première technique. Handicap car subir la vision d'un film où la caméra s'agite en permanence et en 3D est l'assurance d'un mal de crâne pour une grande partie des spectateurs. Heureusement, le résultat à l'écran s'avère bien meilleur que redouté. Une 3D fluide, stable, peu intrusive et de qualité. Une véritable réussite dans une collaboration à l'innovation, doublé d'un travail d'orfèvre. Certains métrages récents américains peuvent donner le tournis via une 3D inutile ajoutée en post-production. PARANORMAL BAD TRIP 3D prend la direction opposée, prenant le parti du naturel et de la simplicité – voire un peu d'inutilité quand à la narration, l'indéniable limite du procédé. Mais cela ne gêne en rien la qualité de la direction photo, le cadre technique ayant été particulièrement soigné. La 3D et la photographie immergent parfaitement le spectateur dans cette aventure de prime abord ressemblant à un montage grossier de saynètes collées à la hussarde. Pour virer vers un n'importe quoi salutaire et palpable. Au final, on pourrait presque valider à travers PARANORMAL BAD TRIP 3D une critique à peine masquée du mariage. Comme une fonction pluraliste vouée au carnage ?

PARANORMAL BAD TRIP 3D va rencontrer plusieurs soucis pour sa diffusion. De par son caractère bicéphale : mi comédie de situation tendance film de mariage et velléité de glissement progressif vers l'horreur. Les films jouant sur plusieurs tableaux sont rarement plébiscités par le public. Pas suffisamment drôle pour certains, jouant sur un registre moqueur de comédie dont le second degré risque d'échapper. Le côté «film de potes» risque d'en rebuter plus un. Et le tout n'est pas assez horrifique/fantastique pour d'autres, ce pan de l'histoire arrivant relativement tard dans le film. Il faudra donc que PARANORMAL BAD TRIP 3D construise sûrement sa réputation, via par exemple divers festivals où il pourra amplement fonctionner. Car une distribution salles parait hautement improbable, tout comme sera très délicate l'exploitation en vidéo. L'argument 3D devrait pouvoir peser dans la balance pour les spectateurs sans pour autant être vraiment sûr du résultat, le marché étant déjà hélas saturé et pas forcément demandeur.

On ne peut que souhaiter bonne chance au film. Et c'est peut-être aussi le moment pour le réalisateur et son équipe de passer à la vitesse supérieure et de nous proposer un long-métrage aux ambitions plus avouées !

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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