Critique du film et du Blu-ray Zone B
LA CASA DEL FIN DE LOS TIEMPOS 2013

Dulce (Ruddy Rodriguez) revient dans la maison qui a vu la mort de son mari (Gonzalo Cubero) et la disparition de son fils Leopoldo. Accusée et condamnée, elle parvient à y être assignée à résidence après 30 ans de prison. tentant de comprendre ce qui arriva, des événements surnaturels se produisent, comme si des personnages du passé et du futur s'entrecroisaient.

Un film fantastique vénézuélien, ça ne court pas les rues. D'ailleurs, à de très rares exceptions comme le Brésil ou les récents PC-1 ou LA CASA MUDA, l'Amérique du Sud en général reste avare en films de genres et à fortiori pour le peu qui existent, ils arrivent au compte-goutte jusqu'à nous. A noter qu'il fut également présenté au Marché du Film de Cannes 2014 sous le titre THE HOUSE AT THE END OF TIME, alors que déjà sorti sur le Blu Ray espagnol dont nous parlons.

Cette «maison de la fin des temps» reprend un principe posé par LE JOUR DE LA FIN DES TEMPS, à savoir un événement particulier qui fait se rencontrer passé, présent et futur dans un seul et même endroit. A partir de là, le scénario s'éloigne radicalement de la SF pour proposer un film oscillant entre fantastique et horreur (timide, certes, mais quand même). Maintenant, le thème du temps sacrifié et chamboulé revient de manière récurrente au cinéma, qu'il s'agisse de films aussi divers que CAMP DAZE, LOOPER ou encore TERMINATOR. On vient de vous parler récemment de TIME LAPSE qui joue sur ces presque mêmes terrains paradoxaux.

Pendant près de la première moitié, la narration suit un chemin balisé, presque banal. Une sempiternelle histoire de fantômes, d'enfants disparu et de culpabilité maternelle. Rien de nouveau sous le soleil. On pense inévitablement à la cargaison de longs métrages espagnols ayant trait à la mémoire, aux enfants comme SIXIEME SENS, L'ECHINE DU DIABLE, L'ORPHELINAT ou encore LES AUTRES auquel LA CASA DEL FIN DE LOS TIEMPOS fait irrémédiablement référence. A savoir un retournement de situation qui fera basculer l'ensemble vers une autre interprétation des images qui nous ont été présentées depuis le début. Et ça ne manque pas puisqu'on y a droit sous la forme d'un puzzle temporel des plus adroits. Pas de spoilers ici puisque le titre assez maladroit annonce clairement la couleur. Maintenant, Guillermo del Toro ou encore Alejandro Amenabar étant déjà passé par là, LA CASA DEL FIN DE LOS TIEMPOS apparaît singulièrement inférieur en originalité, qualité et suspens. Il ne fait que marcher sur des plates-bandes bien empruntées, le seul twist qui diffère étant la boucle de temps.

Le réalisateur/scénariste Alejandro Hidalgo élabore cependant un récit aux imbrications temporelles faisant tout pour éviter les incohérences propres au sujet. Il y parvient la majeure partie du temps, et le labyrinthe aussi bien émotionnel ou physique que subit Dulce transparait magnifiquement à l'écran. Les éléments de l'énigme se révèlent graduellement, poussant le vice jusqu'à générer des révélations jusque dans les cinq dernières minutes. Certes, tout ceci apparait singulièrement éventé au final car on a compris depuis belle lurette ce qui est arrivé à Dulce et ses enfants, mais l'essai demeure largement appréciable.

La direction d'acteurs n'apparait pas toujours de bon niveau. Si Ruddy Rodriguez s'en tire avec les honneurs, on n'en dira pas autant à la fois du pauvre maquillage qui la vieillit et qui ne parait pas très crédible. Idem pour les enfants au jeu singulièrement plaqué. les autres personnages étant traités à la va-vite comme seconds rôles fantôches, il ne reste guère que Guillermo Garcia qui s'acquitte du rôle religieux avec aisance.

J'ai toujours tendance à me méfier d'un auteur qui remercie Dieu dans le générique de fin. Pas de méfiance, car malgré les aléas et errements du scénario souhaitant perdre le spectateur, il s'agit bien d'une bondieuserie. L'autre héros est un prêtre (Guillermo Garcia) qui vient aider Dulce dans son enquête. Fervente croyante, elle se sent abandonnée par Dieu de par la tragédie qu'elle subit. Et d'ailleurs en rentrant dans sa maison après ses années d'emprisonnement, n'y croit plus. Mais dans la grande tradition des horreurs s'abattant sur un personnage en crise de foi (SIGNES, entre autres), Dulce va retrouver tout cela vite fait. Ce qui semble faire partie du décorum vénézuelien, le scénario se perdant aussi régulièrement dans les affres du mélodrame familial. Ca sent l'influence des croyances et autres soaps operas locaux. Mélange de catholicisme, de culte de la Santeria et de narration préprogrammée visant à faire rencontrer des destins contrariés.

Filmé en avril 2012, le cadre fixe bien les couleurs printanières à la faible luminosité extérieure, les arrières-plans nébuleux d'une grisaille quotidienne reflétant l'état d'esprit de Dulce. La caméra opte pour sa scène d'ouverture un cadre serré sur l'action, les visages, la plongée dans les ténèbres et la descente aux enfers psychologique d'une femme au bord de la crise de nerf. Hidalgo esquisse un parallèle (facile mais habile) avec le secret dans les tréfonds de la maison et le coeur de l'intrigue. Ce qui rappelle d'ailleurs LA CASA MUDA par bien des aspects de mise en scène, bien qu'il ne s'agisse pas ici de found footage. Le plus important demeurant qu'Hidalgo ne perd jamais la main sur les différentes sous-intrigues qui composent le film et qui s'enchevêtrent inextricablement. Ceci de manière très intelligente pour montrer subrepticement des éléments à priori banals tout en prenant une importance capitale quelques moments après. Faire apparaitre passé présent et futur dans un seul plan sans rien révéler au spectateur fait office de tour de force!

LA CASA DEL FIN DE LOS TIEMPOS démarre comme un film de fantômes mariné de morts et disparitions pour se révéler bien plus élaboré et ambitieux qu'au premier abord. Ca n'en fait pas un grand film car l'exécution reste attendue pour ce type de production en terme de pression que veut faire subir le réalisateur au spectateur (effets trouille, clairs-obscurs, lumière à la bougie dans la cave, personnages surgissant de nulle part…). la direction photo est en droite ligne avec ce que les métrages espagnols récents offrent, comme LES YEUX DE JULIA. Mais le scénario reste malin, jouant sur les flash-backs de manière habile car les intégrant directement à la narration de façon à déstabiliser à la fois le spectateur et l'héroïne traumatisée. Nul doute que les américains s'attarderont sur le film afin d'en produire un remake, mais il vaut mieux découvrir avant tout par vous même LA CASA DEL FIN DE LOS TIEMPOS, cette maison où le temps semble venu à son terme

Le Blu Ray de chez Tema d'une durée complète de 100mn54 offre une unique piste espagnole en DTS HD Master Audio 5.1, dynamique, jouant beaucoup sur les ambiances et les voix arrières. Si vous possédez un caisson de basses : surgit moment de l'allumer, il en sera très heureux (et vos murs aussi). Le grand avantage de cette édition est de proposer non seulement des sous-titres anglais mais également français. Une chance car le film n'a pas de prévision de sortie sur notre territoire à ce jour. Bon, il ne faudra pas être regardant sur l'orthographe et la grammaire qui ont quelques ratés, mais on ne va pas bouder notre plaisir.

Le visuel est stable, donnant corps aux choix de photographie qui oscillent entre les couleurs chaudes (en intérieurs, la cave) et délibérément froides (celles avec le prêtre, les extérieurs) qui tendent vers le gris/bleu. Les détails sont agréables sans pour autant donner dans la précision. Les plans d'ensemble trahissent un certain flou, certains contrastes ne sont pas toujours maitrisés - notamment dans les scènes de ténèbres où certains noirs apparaissent singulièrement bouchés -mais qui n'altèrent en rien la vision du film. L'ensemble demeure plus qu'honorable, étant par ailleurs éclairé de manière très professionnelle - et restituée en HD avec adresse.

Les bonus proposés, tous en HD, auront pour but premier de tester votre niveau d'espagnol. SI la maitrise de la langue de Cervantes vous fait défaut, vous reviendrez rapidement au menu principal car il n'y a aucun sous-titre français pour vous aider. Pleurer ne sert à rien. C'est comme ça et pas autrement et, à vrai dire, cela paraît très normal puisque ce disque est d'origine espagnol !

Le making of (5mn10) s'avère surtout une interview du réalisateur entrecoupée de scènes du tournage. Les interviews durent 30mn41, avec surtout Rosmal Bustamante face caméra (environ 15mn), à nouveau le réalisateur Alejandro Hidalgo (6mn), Guillermo Garcia (5mn) et Ruddy Rodriguez (2mn58). ceci d'une seule traite : les entretiens sont d'une pauvreté technique affligeante, avec un son enregistré extrêmement bas et coupés brutalement en pleine phrase (le cas de G. Garcia, justement). Ces deux bonus sont en DTS stéréo. Un film annonce efficace (enregistré en LPCM et de qualité médiocre)et deux fiches techniques à minima complètent l'édition.