Trip, fan de Metallica, a la chance de faire partie de l'équipe qui s'affaire autour d'un concert du groupe. Mais le concert vient à peine de commencer qu'on lui demande de faire une course urgente à l'autre bout de la ville. Pendant que Metallica continue de jouer sur scène, il s'engage alors dans un périple étrange…
Avant les années 80 et la démocratisation des cassettes vidéo, les personnalités du rock ont tenté de capturer leurs éphémères prestations scéniques en utilisant le cinéma. Alice Cooper présentait ainsi ses shows grandiloquents au travers de GOOD TO SEE YOU AGAIN, ALICE COOPER puis WELCOME TO MY NIGHTMARE, ce dernier s'offrant même une petite participation de Vincent Price. Led Zeppelin lâchait THE SONG REMAINS THE SAME et Martin Scorsese filmait The Band dans LA DERNIERE VALSE. Des Français filmaient aussi une prestation de AC/DC pour LET THERE BE ROCK. Mais la plupart des concerts de rock seront surtout diffusés à la télévision avant de connaître de nouvelles perspectives avec l'arrivée de la vidéo grand public. Aujourd'hui, en DVD et Blu-ray, la plupart des groupes de rock proposent des «live». Metallica n'y échappe pas bien que le groupe ne se soit laissés tenter par la vidéo que tardivement. Tout d'abord avec CLIFF' EM ALL, documentaire contenant des extraits de concerts et assemblés en hommage à Cliff Burton. Des extraits «live», on en trouvait aussi dans le documentaire de quatre heures dédié à la création du «Black album», A YEAR AND A HALF IN THE LIFE OF METALLICA, et qui fut commercialisé, à l'époque, au Japon dans un luxueux coffret Laserdisc et en VHS dans le reste du monde. Le groupe sortira par la suite une énorme boîte, LIVE SHIT : BINGE & PURGE, contenant pas moins de deux concerts en vidéo et un troisième en CD. Un événement puisque jusque là, le groupe n'avait jamais proposé de concerts en plus de dix ans de carrière. Depuis, Metallica s'est rattrapé et a sorti pas mal d'albums et vidéos «live» : CUNNING STUNTS, S&M, FRANÇAIS POUR UNE NUIT... Mieux, le groupe enregistre depuis plusieurs années tous leurs concerts et les propose sur leur propre plate-forme de téléchargement sur internet, moyennant finance et même avec une sélection gratuite. Du coup, on peut se demander où se situe l'intérêt de proposer un nouveau concert... Le plus gros groupe de métal suit, en quelque sorte, le même sillage que les vedettes de pop adolescentes du genre de Justin Bieber qui, lui aussi, s'était montré en 3D dans les salles de cinéma avec le docu-musical JUSTIN BIEBER : NEVER SAY NEVER.
METALLICA : THROUGH THE NEVER n'est pourtant pas un simple concert filmé. Le groupe avait l'ambition de proposer une expérience unique et le métrage se pare donc d'un fil narratif qui s'écoule en parallèle de la prestation scénique du groupe. Le film démarre avant le concert et cela commence de façon pour le moins étrange. Car l'une des premières séquences dévoile le parking de l'arène où va se dérouler le concert de Metallica. A la nuit tombée, le parking est désert, pas une voiture, ni âme qui vive. Pour le moins étonnant pour qui s'est déjà rendu à un concert avec la difficulté de trouver une place pour se garer et les hordes de fans qui évoluent autour de la salle. Mais cela devient encore plus bizarre avec l'arrivée d'un fan, véritable caricature du métalleux bas de plafond. Il grimpe sur son véhicule et beugle à tue-tête « Metallica» avant de se vautrer. Une saynète difficile à comprendre. Ironique, elle ne donne pas vraiment le ton de ce qui va suivre. Elle aurait même tendance à se moquer ouvertement de certains fans. Une entrée en matière curieuse qui permet de nous présenter le personnage principal, un jeune roadie qui vient prêter main forte en coulisse. Fan du groupe, il va croiser chacun des quatre membres de Metallica de manière furtive. Une façon de présenter les musiciens mais, une nouvelle fois, on sera surpris par la façon dont ils sont décrits car ils n'apparaissent pas vraiment d'aspects sympathiques. Hormis l'humour parodique du parking, à partir de là, le film enterre définitivement la légèreté et va nous proposer un spectacle plutôt sombre ! Le métrage s'aventure même ouvertement dans l'univers du «Fantastique», offrant quelques images surréalistes dont la finalité restent assez floue. Il faudra donc accepter de suivre la mésaventure du personnage interprété par Dane DeHaan sans trop se poser de questions. Cela dit, en lui donnant comme nom «Trip», les auteurs révèlent que le fil du narratif du film ne s'ancre pas vraiment dans la réalité. De plus, puisque le personnage prend de la drogue, il ne faut pas s'étonner que ça se transforme en «bad trip». Le souci, c'est que l'histoire du roadie s'éloigne assez vite de la salle de concert. Même si son boulot lui a été donné par le staff de Metallica, cela provoque une scission très marquée avec le show du groupe. A l'arrivée, ces inserts fictionnels cassent pas mal la fluidité et l'immersion dans le spectacle de Metallica ! En voulant créer un concert filmé différent, le groupe tombe en réalité dans le même piège que Led Zeppelin avec THE SONG REMAINS THE SAME. Partant en gros du même principe, les morceaux enregistrés pendant un concert étaient entrecoupés de passages fantasmés où Jimmy Page, Robert Plant, John Bonham et John Paul Jones se mettaient en scène. Dans les deux cas, il apparaît difficile de comprendre où cela veut réellement en venir et cela vient surtout amoindrir l'impact de la prestation musicale ! METALLICA : THROUGH THE NEVER se montre aussi un peu immature dans les images exposées. Le film évoque la drogue laissant à penser que si l'on est fan de rock, il y a de fortes chances pour que les substances illicites soient à portée de main. Le métrage dépeint une violente émeute entre de jeunes casseurs à capuches et les forces de l'ordre. Des clichés qui ne servent pas un discours clairement exposé et qui sera donc à prendre avec des pincettes. Metallica nous explique peut être que notre société est en train de s'écrouler ? Difficile à dire ! Surtout que les morceaux musicaux sont déjà souvent bien marqués. Par exemple, «One» est un titre qui est, à l'origine, inspiré par le film JOHNNY S'EN VA-T-EN GUERRE mais il est utilisé ici dans un contexte complètement différent au point de ne pas réellement s'accorder aux images. Le même constat se fait sentir sur d'autres titres qui se rattachent aux images parfois de façon très diffuse. Néanmoins, il s'agit surtout de contexte car la plupart du temps, la partie narrative du film n'apparaît qu'entre les morceaux. Lorsque la musique est jouée par le groupe, on profite alors d'un véritable concert filmé. Tout cela renforçant l'impression de suivre deux spectacles différents, s'imbriquant le plus souvent assez mal !
Emettons aussi quelques réserves sur le concert filmé avant de parler des vraies qualités de METALLICA : THROUGH THE NEVER. Avec un tel titre, il apparaît logique que le morceau «Through the Never» apparaissent dans la sélection de titres joués par le groupe. Etrangement, il est totalement absent ! Tout comme l'un des titres phares de Metallica, celui qui est joué à tous les concerts. Aussi incroyable que cela puisse paraître, «Seek & Destroy» brille par son absence. Dernier point de discorde, le film reprend un truc de manière à provoquer une surprise pendant leur concert. Si cela peut paraître très étonnant en vrai, cela tombe un peu à plat sur grand écran. Tout du moins, si vous avez déjà assisté à la chose lors de l'un des concerts de Metallica même si le résultat est plus impressionnant que ce que l'on pouvait voir à la fin des années 90 !
Heureusement, METALLICA : THROUGH THE NEVER a aussi des qualités. Car si Nimród Antal s'égare dans la partie fictionnelle du film, le cinéaste réussit à nous placer au cœur du spectacle. La 3D est réellement époustouflante et livre une profondeur de champs qui s'accorde à merveille avec la disposition d'une arène. Ou plutôt de deux puisque le concert est un amalgame de deux shows enregistrés au Canada durant le mois d'août 2012. On partage donc le point de vue du groupe avec en toile de fond les gradins où se situent les fans de Metallica. Cela génère une véritable immersion qui est un peu brisé par les intermèdes de «Trip». Pas de surprise côté son, car même si l'on note des absences, dont une très notable, la sélection remplit allégrement son office. Le monumental «Master of Puppets» mais aussi «Ride the Lightning», «For Whom the Bell Tolls» ou encore «One» prouvent ici la finesse et la complexité d'une musique souvent caricaturée avec beaucoup de préjugés comme du bruit... Le film se termine même sur «Orion», un instrumental qui enfonce le clou d'une musique métal qui a définitivement autant de classe que de panache ! Finalement, c'est un peu rageant que METALLICA : THROUGH THE NEVER ne se soit pas contenté de l'essentiel en proposant de la musique, sans esbroufe, joué en «live» par l'un des plus grand groupe de métal en activité !
Pour terminer, il apparaît important de préciser que le film a été vu le 10 juillet 2013 sur le grand écran d'une salle parisienne dans une copie de travail qui n'était pas entièrement finalisée (générique et quelques effets spéciaux)...