Souffrant d'amnésie, une jeune femme consulte un psychiatre qui décide de lui injecter du pentothal de manière à tenter de déverrouiller ses souvenirs. Néanmoins, l'histoire qu'elle va dévoiler paraît très difficile à croire… En effet, alors qu'elle vient de se marier, son mari disparaît sans laisser de trace. Avec comme seul indice le nom d'une bourgade isolée dans les marais, elle décide de faire le voyage en espérant trouver son époux ou, au moins, en apprendre plus sur les raisons de sa disparition…
A la fin des années 50, LA MOUCHE NOIRE rencontre un certain succès ce qui mène la 20th Century Fox à rapidement financer une suite, LE RETOUR DE LA MOUCHE. Plutôt que le développer en interne, le studio délègue auprès d'une structure de production plus modeste, API (Associated Producers Inc.), dont la Fox s'occupe déjà de la distribution de leurs séries B. Et quitte à faire un film avec une créature, API va lancer en parallèle THE ALLIGATOR PEOPLE qui sera proposé dans la foulée à la Fox. LE RETOUR DE LA MOUCHE et THE ALLIGATOR PEOPLE vont ainsi partager plusieurs points communs et, en premier lieu, un tournage en CinemaScope donnant à ces deux films d'horreur un aspect plus fortuné que les œuvres du genre produites à la même période. Par contre, de manière à réduire les coûts, et ce même si les deux films sont cadrés en écran large, ils seront tournés en noir et blanc. Le scénario de THE ALLIGATOR PEOPLE est confié à Orville H. Hampton qui, depuis le début des années 50, écrit pour de petites productions cinématographiques et pour la télévision. Western, guerre ou film policier, le scénariste s'adapte à tous les genres et il signera même le scénario de JACK LE TUEUR DE GEANTS, réalisé par Nathan Juran au début des années 60. Avec THE ALLIGATOR PEOPLE, Orville H. Hampton se montre fonctionnel et propose une intrigue relativement simpliste. On sera même surpris par le prologue et l'épilogue qui semble n'être là que pour allonger la durée d'un film pourtant déjà fort court. Bien que cela ne serve finalement pas grand chose, l'idée est, en tout cas, plutôt astucieuse. L'histoire nous sera donc racontée par une jeune femme qui souffre d'amnésie. L'occasion, en fin de métrage, de proposer une intéressante pirouette, laissant planer le doute sur l'histoire qui vient d'être racontée tout en exprimant le dilemme du psychiatre.
La construction de l'intrigue impose un certain mystère. De prime abord, le film prend des allures de thriller à l'ancienne avec une disparition inexpliquée, menant l'héroïne à se lancer dans une enquête dans une région isolée qu'elle ne connaît pas du tout. L'aspect purement Fantastique de THE ALLIGATOR PEOPLE ne s'installera qu'au milieu du métrage. Entre-temps, le film passe du thriller à une curieuse ambiance gothique lorsque l'héroïne arrive dans une vieille demeure isolée qui camoufle, à l'évidence, d'effroyables secrets. C'est à partir de ce moment que THE ALLIGATOR PEOPLE commence à devenir intéressant. En effet, la première partie du film se montre un peu anecdotique et même si le mystère plane, il n'y a pas de quoi s'enthousiasmer. Par contre, une fois que la caméra s'installe autour du vieux manoir, entouré par des marais embrumés, le réalisateur Roy Del Ruth se montre bien plus inventif. Rien d'exceptionnel pour autant mais le cinéaste chevronné propose une mise en image très soignée en tirant partie du CinemaScope.
Difficile d'évoquer en détail l'intrigue de THE ALLIGATOR PEOPLE sans risquer d'éventer ses rares rebondissements ou révélations. Mais il apparaît impossible de passer sous silence la présence d'une créature qui renoue, en quelque sorte, avec LA MOUCHE NOIRE. Les effets de maquillage sont même plutôt réussis à l'exception des dernières séquences où l'on peut voir une créature dont la combinaison n'a rien de très naturel. On discerne même les bords du masque sur quelques plans. Toutefois, cela ne dérange pas vraiment pour peu que l'on soit pris dans l'histoire à ce moment. Si la créature est loin d'être parfaite, la bestiole ainsi que les maquillages sont le fruit d'un débutant qui deviendra, plus tard, l'un des grands noms des effets spéciaux, Dick Smith, très connu, entre autres, pour de saisissants vieillissements d'acteurs (LITTLE BIG MAN, AMADEUS...). THE ALLIGATOR PEOPLE rassemble aussi une distribution de comédiens ayant beaucoup tournés, même si ce sont devenus aujourd'hui des inconnus. L'actrice Beverly Garland tient, par exemple, une partie du film sur ses frêles épaules en partageant la vedette avec Richard Crane et Frieda Inescort. On peut même y retrouver George Macready, comédien qui tourna auparavant pour Stanley Kubrick, Charles Vidor ou encore Robert Aldrich. Enfin, il ne faut pas oublier Lon Chaney Jr. qui, curieusement, est au cœur du pire et du meilleur de THE ALLIGATOR PEOPLE. Ses premières scènes dans le film sont plutôt décevantes surtout que l'on ne comprend pas bien, à ce moment là, où THE ALLIGATOR PEOPLE nous emmène. Par contre, son personnage de rustre vivant isolé dans les marais prend une véritable ampleur en essayant de soutirer des faveurs à l'héroïne. La séquence est d'ailleurs très surprenante pour un film des années 50 puisque son personnage y est clairement décrit, à ce moment là, comme un prédateur sexuel.
THE ALLIGATOR PEOPLE n'est assurément pas un chef d'œuvre. Toutefois, passé une première partie peu engageante, il s'agit d'un spectacle plaisant et plutôt soigné alors qu'il s'agissait à l'origine d'une simple série B dont la vocation première était sûrement d'occuper les écrans des Drive In ou bien de faire office de complément de programme. Pour peu que l'on apprécie les charmes des films de science-fiction et d'horreur des années 50, THE ALLIGATOR PEOPLE mérite donc amplement d'être redécouvert surtout que, à notre connaissance, ce métrage n'est pas sorti dans les salles en France et, de fait, il s'avère relativement peu connu.
La Fox a sorti une édition DVD de THE ALLIGATOR PEOPLE en 2004 du côté des Etats-Unis. Mais ce disque ne propose aucune option française et n'a que des bandes annonces en supplément. C'est du côté de l'Europe, avec un DVD Zone 2, que l'on trouve l'édition la plus intéressante de THE ALLIGATOR PEOPLE. Commercialisé par l'Atelier 13 en Espagne sous le titre LOS HOMBRES CAIMAN, ce DVD dispose de sous-titrages en français ce qui donne l'opportunité de gommer toute barrière de langage pour ceux qui ne comprennent pas parfaitement la langue anglaise. La piste audio est codée sur deux canaux mais il s'agit très certainement du mixage mono d'origine. Car si le son est plutôt clair, il n'y a pas vraiment de dynamique stéréo.
L'image de ce DVD propose de voir le film dans son format cinéma respecté (2.35) avec un transfert 16/9. Il y a fort à parier qu'il s'agit du même transfert que celui du DVD américain. L'image est très détaillée et, hormis quelques défauts de pellicule, on en a clairement pour notre argent ! Par contre, il est bon de noter que ce DVD comporte un bug qui est, heureusement, possible de contourner. Au lancement du disque, on vous demande de choisir entre des menus «Français» ou «Espagnol». Si vous choisissez «Français», vous ne pourrez pas voir les deux dernières minutes du film car, bizarrement, la lecture s'arrête brutalement pour retourner au menu principal. Par contre, si vous choisissez «Espagnol», avec donc des menus en langue espagnole, le film se déroule correctement jusqu'au générique final et permet donc de voir l'épilogue de THE ALLIGATOR PEOPLE.
Côté supplément, on peut voir la bande annonce originale, en Scope et 16/9, et consulter quelques filmographies. Mais on peut aussi y découvrir un deuxième film. Il s'agit de CURSE OF THE SWAMP CREATURE, un téléfilm produit pour la télévision par AIP (American International Pictures) au milieu des années 60. Nous essayerons d'aborder prochainement ce film en particulier au travers d'une autre chronique. Pour l'instant, il est tout de même bon de préciser que ce film est, lui aussi, proposer avec des sous-titrages en français !