Alors que le maire discute dans la cave de son château avec quelques-uns uns de ses co-citoyens, une explosion retentit à l'extérieur. Bien qu'à l'abri, ils ressentent une atroce chaleur et éprouvent des difficultés à respirer. Après avoir retrouvé leurs esprits, ils découvrent qu'une catastrophe sans précédent a dévasté la région et il se pourrait bien qu'ils soient les seuls survivants...
Si Robert Merle reçoit le très sérieux Prix Goncourt pour son roman Week-end à Zuydcoot, l'écrivain a plusieurs fois utilisé la science-fiction et l'anticipation dans ses ouvrages. C'est le cas de Un animal doué de raison où des scientifiques établissent une communication avec des dauphins avant que le projet ne soit perverti par l'armée. Le livre sera d'ailleurs adapté au cinéma dans LE JOUR DU DAUPHIN de Mike Nichols. Mais Robert Merle va aussi s'intéresser par deux fois à la fin de notre société et à sa reconstruction. Une pandémie va modifier radicalement notre monde dans Les Hommes Protégés où la majeure partie des hommes meurent laissant la place à un pouvoir féminin. Auparavant l'écrivain proposait sa vision de la vie de survivants après une catastrophe apocalyptique dans Malevil. Une fois traduit en anglais, le livre va d'ailleurs mettre sur un pied d'égalité son auteur et Arthur C. Clarke. En effet, ils vont se partager la même année un prix ex-aequo du meilleur ouvrage de science-fiction décerné, entre autres, par Brian Aldiss et Harry Harrison.
Curieusement, l'adaptation de Malevil au cinéma coïncide avec le début d'une vague de films post-apocalyptiques au début des années 80, la plupart motivés par le gros succès de MAD MAX et surtout MAD MAX 2. Mais le film de Christian de Chalonge ne s'inscrit pas sur le même registre. En effet, MALEVIL ne privilégie pas l'action et se rapproche beaucoup plus des métrages datant des années 50 et 60 comme CINQ SURVIVANTS, DAY THE WORLD ENDED ou THE LAST WOMAN ON EARTH. En effet, le film suit la vie des survivants d'une catastrophe tentant de s'adapter à de nouvelles conditions de vie et, par la même, d'instaurer une nouvelle société. Si la plupart des films ayant traités le sujet auparavant se focalisent sur un panel très restreint de survivants de manière à étudier leurs réactions à un niveau individuel, MALEVIL se montre plus ambitieux en se fixant sur des communautés plus «importantes». Dans ce domaine, il y avait déjà eu les très bizarres L'ULTIME GARCONNIERE et ZARDOZ ou encore NEW YORK NE REPOND PLUS, des métrages une nouvelle fois très éloignés de MALEVIL sur le fond et la forme. Christian de Chalonge tend vers une certaine idée du réalisme et adopte donc un ton dramatique. Même lors de l'explosion qui ravage la région où se trouve les personnages, le cinéaste fait preuve d'une grande sobriété qui renforce la crédibilité de l'événement. Plutôt que montrer les dégâts en temps réels, la production n'en avait peut être pas les moyens, le métrage suggère la catastrophe. La scène s'en trouve renforcée par des détails ainsi que les réactions des survivants qui en resteront sans voix, choqués par ce qui leur arrive. Du coup, lorsqu'ils refont surface, le changement de d'environnement est un nouveau choc, frappant autant les protagonistes que les spectateurs ! MALEVIL avait d'ailleurs reçu, à l'époque, le César des Meilleurs Décors.
Au milieu des décombres, les survivants vont devoir s'organiser, faire preuve d'initiative et ne pas baisser les bras. Naturellement, une microsociété se met en place autour de l'ancien maire du village, un homme pragmatique et altruiste. Mais les bonnes volontés et la morale ne tarderont pas à se heurter à des choix difficiles lorsque d'autres survivants feront leur apparition. Sur une grande partie de sa durée, MALEVIL, le film, fait le choix de continuer à suggérer plutôt que souligner lourdement les dérives des groupes de survivants, les choix moralement douteux ou les extrêmes. Forcément, aujourd'hui, le film perd un peu de sa force brute, d'autres sont passés par-là de manière plus frontale. Ainsi, on retrouve le personnage interprété par Jean-Louis Trintignant dans THE POSTMAN mais incarné de manière bien plus brutale par Will Patton. De même, les horreurs perpétrées par les survivants sont bien plus abominables dans des métrages comme LA ROUTE ainsi que la plupart des films post-apocalyptiques vus dernièrement. Toutefois, MALEVIL ne date pas d'hier et il est bon de garder à l'esprit qu'il s'agit d'une production française plutôt ambitieuse au début des années 80. De plus, le film se montre plutôt subtil en évoquant les dérives au détour de quelques rares lignes de dialogues. Un peu comme si les personnages n'osaient pas parler ouvertement, tout comme ils étaient restés silencieux après la catastrophe. MALEVIL continue sur une même lancée jusqu'à un énigmatique épilogue plutôt osé et qui sera laissé à l'interprétation de chacun.
MALEVIL est une œuvre atypique en France. La vision d'une catastrophe post-apocalyptique dans le terroir hexagonal n'avait rien de banal, particulièrement avec sa distribution prestigieuse : Serrault, Dutronc, Villeret, Trintignant... D'autres français se risqueront sur les terrains de l'apocalypse mais en cherchant à rouler dans les traces de MAD MAX 2 comme les invisibles, aujourd'hui, TERMINUS ou DIESEL. Mais aucun, en France, ne s'est montré depuis aussi subtil, aussi contemplatif et aussi sérieux que MALEVIL pour dépeindre la continuité de l'humanité après l'apocalypse.
Le film de Christian de Chalonge était déjà disponible en Allemagne et nous avions d'ailleurs chroniqué cette édition DVD à l'image dégueulasse mais qui était, à ce moment là, la seule opportunité de revoir le film dans ce format. Le disque français édité par Tamasa Distributions n'est heureusement pas issu de la même source. Mais au début du générique, il y a tout de même une méchante crainte car les titrages sont aussi instables que l'image. Mais une fois que le film commence réellement, l'image est le plus souvent très détaillée, arbore des contrastes performants ainsi que des couleurs respectant la photographie assez dure du film. Seul bémol, l'aspect numérique du DVD se fait sentir par instants. On notera aussi des défauts probablement dus aux prises de vues originales comme les côtés de l'image flous sur certains plans. Quoi qu'il en soit, il y a un gouffre monumental entre le DVD allemand et cette nouvelle édition française qui utilise clairement un nouveau transfert du film au format cinéma respecté. Seule la piste originale française nous est présentée, encodée sur deux canaux et plutôt plate, mais nous n'y trouverons rien à redire. Par contre, curieusement, à la 57ème minute, nous avons perçu une coupure sonore d'une fraction de seconde peut être dû au changement de couche. Difficile à dire !
Le DVD allemand ne proposait rien de folichon en terme d'interactivité, le disque français ne fera pas spécialement mieux. En effet, les suppléments se limiteront à des filmographies (sélectives) du réalisateur et de certains des comédiens, le tout présenté sur plusieurs pages à faire défiler. Il aurait peut être été intéressant d'approcher certaines personnes ayant participé au tournage de manière à en apprendre plus sur la création de MALEVIL. En tout cas, ce DVD nous permet de redécouvrir de manière plutôt satisfaisante le film de Christian de Chalonge.