Header Critique : MA FEMME EST UNE SORCIERE (I MARRIED A WITCH)

Critique du film et du DVD Zone 2
MA FEMME EST UNE SORCIERE 1942

I MARRIED A WITCH 

Réalisateur très populaire durant les années vingt et trente, René Clair quitte l'Europe au moment de la débâcle de la France et, comme d'autres cinéastes français, trouve refuge à Hollywood où des ponts d'or lui sont faits. Il dirige d'abord LA BELLE ENSORCELEUSE, une production Universal avec Marlene Dietrich. Puis il embraie sur la comédie fantastique MA FEMME EST UNE SORCIERE. Ce film Paramount se base sur une histoire de Thorne Smith, dont l'œuvre est déjà la source littéraire d'une autre comédie fantastique fameuse, à savoir LE COUPLE INVISIBLE. Le studio impose sa jeune vedette Veronica Lake, que le succès de MA FEMME EST UNE SORCIERE contribuera à populariser. Sa contrepartie masculine est incarnée par Fredric March, oscarisé en 1932 pour sa magistrale composition du double rôle-titre de DOCTEUR JEKYLL ET MR HYDE, le classique de Rouben Mamoulian.

Au XVIIèmes siècle, quelque part en Nouvelle Angleterre, des puritains brûlent la sorcière Jennifer et son père Daniel. Jennifer lance alors une malédiction sur le maître d'œuvre de ce lynchage : lui et ses descendants ne seront jamais heureux en mariage à moins qu'une mystérieuse condition ne soit remplie... De nos jours, les esprits de Jennifer et Daniel sont libérés par accident. L'ensorceleuse se réincarne dans le corps d'une jolie jeune femme et les circonstances lui font croiser la route de Wallace Wooley, descendant de son bourreau ! Le jeune Wooley, politicien ambitieux, se destine à épouser par calcul politique la belle mais peu commode Estelle Masterson...

Comme nous vous l'avons rappelé dans notre chronique de LE CORBEAU, le cinéma fantastique hollywoodien horrifique voit son essor tari aux alentours de 1936, après une série de fabuleux chefs-d'œuvre comme KING KONG, LA FIANCEE DE FRANKENSTEIN ou L'HOMME INVISIBLE. Le fantastique était-il temporairement mort ? En fait non, car il renaît de ses cendres aussitôt, sous une autre forme, aimable et souriante, celle de la comédie fantastique appelée à connaître une belle série de succès durant une quinzaine d'années.

Le coup de départ est signé par un français, monsieur René Clair puisqu'il s'agit de lui, avec FANTOME A VENDRE qu'il tourne en Grande-Bretagne. Dans ce classique du rire insolite, un château écossais est démonté pierre par pierre par un riche américain qui le fait rebâtir aux États Unis. Le fantôme traditionnellement associé à la demeure se trouve alors exilé malgré lui dans un pays bien différent de ses Highlands natales ! Hollywood se met au diapason de ce succès avec LE COUPLE INVISIBLE de 1937 dans lequel Cary Grant et Constance Bennett forment un joyeux couple revenant d'outre-tombe. La suite est à l'avenant grâce à une série de classiques mettant en scène des anges (HONNI SOIT QUI MAL Y PENSE, LA VIE EST BELLE évidemment), des revenants et défunts sympathiques (LE DEFUNT RECALCITRANT, LE FANTOME DE MADAME MUIR, LE CIEL PEUT ATTENDRE), voire des meurtriers plongés dans des situations comiques (ARSENIC ET VIEILLES DENTELLES). Dans ce défilé surnaturel, Jennifer la petite sorcière malicieuse s'avère à sa place.

Comme FANTOME A VENDRE, MA FEMME EST UNE SORCIERE consiste à confronter un terrifiant phénomène du passé (les sorciers) à la réalité contemporaine en vue d'obtenir des situations comiques. Ce basculement de la terreur vers la bonne humeur s'affiche dès la première scène du métrage. Devant les cendres fraîches d'un bûcher, un sinistre pèlerin récite l'avis d'accusation de la sorcière carbonisée ; puis la caméra glisse et nous découvrons un jovial marchand de friandises vendant des confiseries à la criée aux badauds venus assister à la sinistre mise à mort !

L'absurdité des temps modernes s'incarne dans Wallace Wooley, ambitieux politicien sur le point de se marier avec la fille d'un homme riche afin d'assurer le succès de son élection. Cette mascarade hypocrite, Jennifer et son père la bousculent à l'aide de filtres d'amour, de sortilèges et de maléfices pour rire. D'abord présentés comme des nuages de mystérieuses fumée, ils s'incarnent dans des corps et se livrent à toute sorte de fantaisies pour tourmenter les hommes – en particulier Wallace Wooley. Les choses tournent de façon imprévue lorsque Jennifer s'éprend malgré elle de sa proie favorite ! S'en suit une série de quiproquos où se croisent balai ensorcelé et voiture volante, où les personnages meurent et reviennent à la vie... Mais où en fin de compte l'Amour triomphe.

Tout n'est pas égal dans MA FEMME EST UNE SORCIERE, l'humour politicien américain des années quarante nous paraît un brin étranger tandis que les péripéties chaotiques ne se montrent pas toutes d'un intérêt égal. Certes, René Clair se montrera plus convaincant avec ses deux films américains suivants, à savoir le très astucieux C'EST ARRIVE DEMAIN (troisième classique de la comédie fantastique en moins de dix ans pour son metteur en scène !) et DIX PETITS INDIENS, adaptation soignée de «Dix petits nègres» d'Agatha Christie. Cependant, l'ambiance de fantaisie souriante qui plane sur MA FEMME EST UNE SORCIERE, le charme mutin de la menue Veronica Lake et l'ahurissement constant de Fredric March donnent un cachet très sympathique à ce métrage placé sous le signe d'une gaieté et d'une malice intemporelles !

Bien que produit par Paramount, MA FEMME EST UNE SORCIERE est cédé pour sa distribution à United Artists qui le sort avec un grand succès. La carrière de René Clair aux États Unis se voient alors bien lancée. Mais une fois la France libérée, le réalisateur retourne dans l'hexagone pour y reprendre une carrière dans laquelle le fantastique tient toujours une place de choix, avec LA BEAUTE DU DIABLE et LES BELLES DE NUIT notamment.

Enfin, MA FEMME EST UNE SORCIERE essaimera : dans L'ADORABLE VOISINE de 1958, James Stewart découvre que sa voisine (Kim Novak) est douée de pouvoirs de sorcellerie, tandis qu'en 1964 commence «MA SORCIERE BIEN AIMEE» série télévisée fantastique à la popularité immense sur un sujet proche de MA FEMME EST UNE SORCIERE. Le même principe est repris dans une version adolescente avec «SABRINA L'APPRENTIE SORCIERE» dans les années quatre-vingt-dix, tant et si bien qu'il paraît assurée que la formule (magique, bien sûr!) de monsieur Clair n'a pas fini de faire des étincelles au cinéma et à la télévision !

En France, MA FEMME EST UNE SORCIERE a été publié en DVD par StudioCanal d'abord dans sa collection «Classique» en 2004, puis à nouveau en 2011 avec une autre jaquette. Nous avons pour notre part consulter l'édition de 2004, servie dans un digipack reprenant la signature visuelle de Canal+ et StudioCanal de l'époque.

Si cet éditeur nous offre souvent des copies très satisfaisantes de titres classiques, celle fournie pour ce métrage s'avère décevante : la copie 1.33 (4/3) montre constamment des signes de rayures, souffre d'une résolution moyenne et d'une image peu nuancée. Ce télécinéma semble avoir été conçu à partir de plusieurs copies cinéma, certains passages étant plus abîmés que d'autres. L'ensemble reste tout de même regardable et il est difficile de savoir si un meilleur résultat est possible pour ce titre ancien.

La bande son est disponible en version originale anglaise mono (1.0), pour un résultat qui laisse là aussi partagé. Le son s'avère étouffé, certains passages étant à la limite de l'audible, avec un souffle très présent. A nouveau, nous restons un peu sur notre faim, même en prenant en compte l'ancienneté du métrage. Des sous-titres français sont disponibles, tout comme un doublage français d'époque.

Ce DVD se distingue par une sélection de bonus sympathique. Nous trouvons une petite galerie de deux affiches, des filmographies de Veronica Lake, René Clair et Fredric March, et surtout un documentaire de 26 minutes baptisé «René Clair sous les toits d'Hollywood», produit pour l'occasion, qui retrace de façon très instructive la carrière du cinéaste en se concentrant bien entendu sur sa période américaine.

Bref, ce DVD s'avère une manière correcte de découvrir ce petit classique d'un sympathique réalisateur français. Si la copie n'est pas extraordinaire, il semble que ce métrage n'a jamais été gâté pour le moment en cinéma domestique, et ce quel que soit le pays (il reste inédit aux États Unis par exemple). Nous ne ferons donc pas trop la fine bouche devant cette galette au contenu tout de même alléchant.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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L'édition vidéo
I MARRIED A WITCH DVD Zone 2 (France)
Editeur
Support
DVD (Simple couche)
Origine
France (Zone 2)
Date de Sortie
Durée
1h13
Image
1.33 (4/3)
Audio
English Dolby Digital Mono
Francais Dolby Digital Mono
Sous-titrage
  • Français
  • Supplements
    • René Clair sous les toits d'Hollywood (26mn)
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