Header Critique : ROOM 237

Critique du film
ROOM 237 2012

 

ROOM 237 débute par un plan, sur une avenue new-yorkaise, de Tom Cruise figé devant une affiche de SHINING. Dès lors, le métrage va partir à la recherche d'un signifiant oublié. Mi théorie du complot, mi exégèse de fan illuminé du film, pour comprendre le langage de Stanley Kubrick et celui, plus secret, derrière SHINING. A moins qu'en fait, il n'y ait.. Rien du tout ! Au lieu de se farcir de multiples visions et révisions du film, le réalisateur et monteur Rodney Ascher propose une méthode pour le moins originale, logique dans notre perception cinématographique et cinéphilique du XXIème siècle, où il nous est possible de voir des oeuvres à l'infini.

ROOM 237 est donc un documentaire s'articulant autour des récits de collaborateurs, proches, amateurs ou critiques qui ont tous une vision ou une idée de ce que SHINING est ou a pu être. Des logiques imparables, des passionnés fous furieux et surtout une analyse jusqu'au-boutiste de chaque théorie, plus ou moins fumeuse, sur ce que révèle les trésors de mise en scène du métrage. Qu'on aime ou pas ce film ou Stanley Kubrick en général, là n'est pas la question. Ces aspects sont purement accessoires tant il s'agit de décortiquer ce que cache, au final, cette fameuse chambre 237. Le réalisateur Rodney Ascher a eu un mal fou à élaborer et monter son film. Un vrai labeur d'amour et de précision horlogère qui influe sur la structure même du métrage, éminemment cinéphile mais aussi rageusement labyrinthique.

Le propos est illustré par des voix-off et extraits d'autres films qui viennent ponctuer les propos et les souvenirs de chacun. Les choix de Rodney Ascher sont alors très subjectifs. Ainsi pour illustrer les propos du premier intervenant et situer l'action de son souvenir des premières projection du film, le cinéaste emprunte les images du cinéma Metropolis projetant un film d'horreur : on reconnaît DEMONS de Lamberto Bava ! ROOM 237 reprendra d'ailleurs pas mal d'extraits de cette oeuvre majeure du cinéma horrifique du milieu des années 80. Entre autres car les cinéphiles les plus ardus pourront tout au long de la projection jouer à un jeu de chat et de la souris avec la pelletée d'emprunts aux diverse oeuvres du 7ème Art, tous genres confondus. On y aperçoit également LA LISTE DE SCHINDLER, LA REVANCHE DE LA CREATURE ou encore JESUS CHRIST SUPERSTAR à des degrés divers. Mais il faut reconnaitre que pour avoir le culot d'insérer du Lamberto Bava au sein d'un documentaire sur Stanley Kubrick, l'auteur mérite déjà à la base tout notre respect. Mêler le ludique au grave, voila qui désamorce en premier toute peur d'un pensum universitaire poussiéreux.

Car non seulement le film possède une approche intelligente mais il n'oublie pas non plus d'amuser son auditoire. Sa construction au final très clippesque multiplie les angles d'analyse : filmique, de style, des couleurs, des choix architecturaux... Tout est sujet à caution et à débat à propos des supputations concernant les désirs et volontés qu'auraient voulu imprimer Kubrick dans son oeuvre. Cela part d'éléments anodins comme une boîte de conserve dont le logo est une tête d'indien vue de profil et qui apparaît en arrière plan derrière Jack Nicholson... Et c'est parti pour dix minutes d'élucubrations qui semblent malgré tout se tenir ! Oui, selon l'intervenant, même la poudre à cuisiner en conserve possède un sens dans SHINING. Car l'hôtel, principalement, serait construit sur un cimetière sacré indien. Et le film deivent alors une parabole sur le massacre des indiens natifs.

La grande qualité de ROOM 237, hormis le fait de proposer une nouvelle (re)lecture de SHINING, est de se maintenir tête haute pendant ses 102 minutes sans jamais fléchir sur les thématiques exposées. Suivre la logique des participants, leurs recherches du sens caché... Qu'il s'agisse de voir le film de la première à la Dernière minute. Ou même de le regarder a l'envers. Car, là aussi, il est possible de comprendre SHINING. Toutes les personnes interviewées se prévalent d'un point de vue rigoureux et sérieux afin de décortiquer le film. La prédominance du chiffre 42 dénote une lecture du film sur deux niveaux, le récit terrifiant centré autour de Jack Torrance et un référentiel sur l'holocauste. 42 étant le chiffre marqueur des nazis, année d'implémentation de la funeste "solution finale". Autre idée : l'analyse de l'espace de l'hôtel. Par exemple sur le parcours a tricycle de Danny Lloyd, élabore la visualisation d'une cartographie de l'étage qui amène a penser que nous nagerions en plein surnaturel puisque la logique ne parait pas avoir de prise sur ce qu'on considère comme réel. Puis cette chambre 237 serait en outre une référence au numéro du plateau du studio ou AURAIT été tourne l'alunissage de 1969 commandé par la NASA, théorie du complot parmi d'autres. 237, 42, 1969... SHINING, oeuvre numérologique ? Surinterprétation ? Génie Kubrickien ? Les théories les plus folles se télescopent avec aisance dans ce documentaire hors du commun et chacun y verra ce qu'il a bien envie d'y voir.

Entre le numéro du magazine Playgirl que lit Jack Nicholson dans le hall de l'hôtel, jusqu'aux déplacements à l'intérieur de l'édifice et leurs significations, en passant par l'altération de la structure originelle du lieu de tournage du film, il en ressort qu'au final, Kubrick se serait amusé avec le genre pour le tordre. Voir lui tendre un miroir afin d'en distordre l'image. Tout comme le fait Rodney Ascher qui prend un malin plaisir a monter les interventions pour les rendre a la fois passionnantes mais aussi régulièrement saugrenues tout en restant dans le domaine du possible. Un brillant travail d'équilibriste qui parvient a amuser autant qu'a interpeller. ROOM 237 devrait rencontrer un succès de niche en cas de sortie cinéma, mais il saura également régaler et exciter la curiosité de tout amateur cinéphile qui sommeille en chacun de nous.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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