Après la réussite d'AQUARIUM, un des rares films français vraiment indépendant, on attendait le réalisateur/scénariste/producteur Frédéric Grousset au tournant. Ceci combiné au fait que le film de genre français s'essouffle sérieusement, qu'il n'existe qu'à travers d'éruptions caricaturales dans son rendu dans la grande majorité. Voici donc CLIMAX, thriller qui a le mérite d'annoncer la couleur.
Par CLIMAX, on pourrait rattacher également ce polar à suspens à EMBRASSE-MOI IDIOT de Billy Wilder. Qui fit scandale aux USA en son temps, se déroulant dans la ville de Climax (qui veut dire aussi orgasme dans la langue de Shakespeare). Point de débordement sexuel ici, puisque le sujet vient à construire le suspens jusqu'à un certain sommet.
Un jeune couple au bord de la rupture part quelques jours en vacances dans le cadre d'un échange de logement. Ils arrivent dans une maison isolée qui va être le théâtre d'un meurtre dont ils vont se trouver mêlés à leur insu.
Amateur de format et look cinéma, passez votre chemin. Les allergiques au format HDV et grain numérique feront la fine bouche. CLIMAX n'a pas été tourné en 35mm, il faut s'y faire. L'avenir du film de genre passe aussi peut-être par cela : la facilité actuelle de pouvoir monter un projet sans passer par la case pellicule et la caméra qui va avec.
On retrouve la même thématique qu'AQUARIUM : un endroit clos, un focus sur les personnages et la montée graduelle de la tension. Là aussi, un gage de maîtrise d'un budget excessivement réduit et des conditions de tournage spartiates : savoir développer une histoire et son évolution propre au sein d'un décor unique.
Le film bénéficie d'une scène d'ouverture ingénieuse. Montrer le déroulement sous forme de film dans le film. A partir d'un débat télévisé parlant d'une affaire policière non résolue, une fiction en a été tirée… et le sujet de CLIMAX est justement cette mise en abîme. Un petit clin d'œil (pour les plus de 30 ans) à la fameuse émission télévisée d'Armand Jamot Les Dossiers de l'Ecran et le tour est joué.
On sent, par rapport à AQUARIUM, que l'écriture s'est concentrée à construire plus méthodiquement la structure du scénario, à développer des traits de caractère bien étudiés pour la plupart des personnages. Le tueur demeure muet tout le long de la nuit et on n'en comprendra la raison qu'au final. Le mutisme apparent renforce le côté incompréhensible de son action, et c'est plutôt bien vu. La volonté de proposer une lecture à plusieurs niveaux témoigne aussi de l'ambition du propos. Tout comme d'utiliser la géographie du lieu comme moteur du récit, et de s'en tenir aux trois quarts du métrage sur cet aspect vase clos à deux niveaux. De jouer également sur la mécanique des sons : l'aboiement du chien semble être considéré comme une pierre blanche dans l'élaboration du déplacement des acteurs dans l'espace filmique. Un peu comme un jeu de plate-forme, dans la mesure des moyens (qu'on sent extrêmement réduits) du métrage.
Le choix du noir et blanc pour la scène d'agression initiale s'avère un choix parfait. Cela renforce son côté soudain, sa brutalité et l'ajout d'un ralenti font progresser l'idée d'urgence, de suspens et d'instantanéité de l'action. Reprenant à son compte au passage l'idée du temps du récit cinématographique qui corresponde au temps réel, cher à certaines séries B des années 50 du type NOUS AVONS GAGNE CE SOIR de Robert Wise.
Toutefois, hormis ses qualités d'éclairage, d'écriture rigoureuse, le film pêche curieusement par manque de tension. En fait, l'impression que CLIMAX marche sur des chemins déjà largement empruntés se développe au fur et à mesure. Certains trucs scénaristiques ne passent pas très bien : le méchant du film oublie EVIDEMMENT un objet crucial qui le refera revenir sur les lieux du crime, au grand dam des héros. De voir cela encore ici est assez agaçant dans le côté déjà-vu. Si bien que l'on suit sans ennui les péripéties du couple, le manque progressif de confiance, la découverte du cadavre, mais sans réelle passion non plus.
Il y a aussi des événements quelque peu inutiles à l'action qui surviennent tout au long du film sans qu'on comprenne réellement pourquoi. Lorsque Julien Masdoua revient de l'étage après avoir découvert le cadavre, il ment à sa femme sur ce qu'il s'est passé. On devine aisément qu'il souhaite ne pas la choquer avec la nouvelle mais quel enjeu derrière ce mensonge ? Aucun. Comme un travers de psychologie créé pour une couche de suspense supplémentaire, sans qu'on y prête vraiment attention car il n'existe aucun impact sur le reste de la narration. Egalement à la 49ème minute, pourquoi repartir s'enfermer dans la maison plutôt que de fuir directement ? Pas très logique comme progression scénaristique.
Certes, on a envie d'être indulgent eu égard au côté «no-budget» de l'entreprise. Donc lorsque arrivent les effets spéciaux numériques (à la 38ème minute, par exemple), on reste partagé entre le côté résolument amateur (voire pire) du résultat à l'écran et celui du coup de chapeau pour l'avoir tenté. Malgré cela, hormis le fait que l'effet soit inutile à l'action, il plombe quelque peu la crédibilité du métrage. Cela tente bien d'ajouter à l'ambiance curieuse du film. Mais ce type de plans a déjà tellement été fait (DEAD END, entre autres) que l'impact là aussi est à l'inverse de celui espéré.
Si l'ensemble du film apparaît trop long pour son sujet et finalement assez convenu dans son déroulement, c'est du côté technique qu'il faut aller chercher les meilleures qualités du métrage. Les qualités remarquées dans AQUARIUM se retrouvent ici. Les éclairages, le soin apporté au cadre, la photographie élaborée, les sources de lumière maitrisées. D'autant que le moteur principal reste les scènes de nuit, l'ensemble démontre un grand professionnalisme dans le rendu à l'écran. Même si les limites de la HDV apparaissent rapidement. La volonté de créer une ambiance «brute» telle qu'on pouvait les trouver dans certains métrages des années 70 (on pense à CANI ARRABIATI de Mario Bava, dans le concept et le visuel) ne saurait franchir la barrière du rendu trop lisse du matériel utilisé. Dommage.
Clins d'œil en rafale aux auteurs chers comme George A. Romero, remercié au générique de fin par la même occasion, Gerard Kargl et pour les plus audiophiles, Alan Silvestri. Mais également une imagerie enracinée dans les années 70, du giallo au film de zombie. Des films se déroulant par ailleurs souvent en lieu fermé (LA POLIZIA BRANCOLA NEL BUIO, L'ASSASSINO HA RISERVATO NOVE POLTRONE), ne s'ouvrant à l'extérieur que pour le final. Ils tirent également parti de cette manière au mieux de leur budget minimal.
Le DVD édité par Artus est proposé dans une édition très complète. CLIMAX se présente sous son format originale de 1.77:1 et dans un transfert 16/9ème. La plupart des scènes se déroulant de nuit, on a affaire à des contrastes la plupart du temps réussis et à une bonne fixité des couleurs. Certaines scènes (à 5mn37) souffrent d'un mauvais contraste et restent trop sombres à l'écran, mais c'est extrêmement minimal par rapport au reste du métrage. La piste sonore offre un mixage en stéréo ; Volonté ou non de l'auteur, on aurait aimé être plus enveloppé par l'aspect sonore du film. Un upgrade en 5.1 n'aurait pas été de trop afin d'accentuer la pression. Ceci dit, les dialogues se détachent bien de l'ensemble, la musique n'est pas trop envahissante et l'action apparaît claire et précise.
Le menu fixe apporte une certaine élégance au packaging et on constate avec plaisir que le chapitrage en 9 parties est animé. La galerie de photos (1mn30) alterne images du film et de tournage, couleurs et noir et blanc. On y trouve également une scène coupée avec l'acteur Laurent Pit – l'explication est donnée astucieusement en début de ce bonus. La scène dure 1mn20, et se trouve couplée avec la fin alternative montrée via le story-board.
Le gros plus demeure le commentaire du film, objet passionné de la part des intervenants sur la genèse, le rythme et les velléités de chacun quand au produit fini. De la recherche du gîte initial pour couvrir à la fois l'équipe et le lieu du tournage, des conditions difficiles, de l'adaptation au lieu et l'hommage très caché à Brigitte Lahaie... Pas de langue de bois, une certaine humilité dans l'approche du travail : on aimerait ce genre d'investissement personnel à la fois sur l'écran et dans les commentaires beaucoup plus souvent. Un petit bémol: la jaquette du DVD est trop obscure, dans tous les sens du terme, et peu vendeuse. Plutôt dommageable car on distingue mal ce que cela représente... Notons enfin que l'éditeur a la bonne idée de reprendre le premier film du cinéaste, AQUARIUM, en supplément !