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Critique du film
RARE EXPORTS 2010

 

Il existe une petite société de production française qui a le don de mettre son nez dans des projets improbables et délicats, à savoir Agnès B. productions. La boite a mis son grain de sel dans le TRASH HUMPERS d'Harmony Korine, mais également dans la revisitation finnoise de la légende du Père Noël, RARE EXPORTS. Et le film remet en cause de manière significative la notion de film familial tel que le courant «grand public» français ou a fortiori américain a pu nous en imposer ces dernières années. Une sorte de nivellement des idées et de leur représentation à l'image. Un vrai choc culturel a lieu sur les écrans !

En pleine toundra finnoise, un jeune gamin nommé Pietari vit avec son père qui travaille dans un abattoir de rennes. Ils découvrent que les rennes ont été mystérieusement éventrés. En parallèle, une société américaine effectue une découverte incroyable au creux du Mont Korvatunturi : le véritable Père Noël qui possède en outre une nature maléfique. La connexion est vite faite lorsque Pietari réalise que les autres enfants aux alentours ont disparu.

A l'instar de TROLLJEGEREN, la mythologie du personnage en question (le Père Noël) et sa perception occidentale s'avèrent différentes de la réalité finlandaise. Lorsque le cinéma de genre s'attaque au mythe du gros barbu, cela donne DOUCE NUIT, SANGLANTE NUIT ou encore SANTA'S SLAY. Il existe rarement de juste milieu aux Etats-Unis. C'est tout guimauve ou tout saignant. Reprenant le casting de ses courts-métrages web de 2003 et 2005, Jalmari Helander en profite pour développer de manière intelligente (et pas trop longue) son sujet de domestication de Pères Noël destinés à l'exportation.

RARE EXPORTS rejette nommément le «Père Noël Coca Cola» et en vient aux racines d'une légende Same. Les fondements même du personnage ventripotent sont ceux de notre bon vieux Père Fouettard. Les enfants désobéissants ou au comportement discutable seront donc transformés en mannequins vidés de leur force vitale. Le Père Noël repasse à l'attaque. En clair, il revient et il est pas content. Et ce n'est pas la représentation emprunte de bonhomie consumériste que tente de nous refourguer le réalisateur.

Ensuite, exit les gentils petits enfants et l'ambiance des maisons abondamment décorées et préoccupations bourgeoises néo-puantes à la CHRISTMAS WITH THE KRANKS ou encore DECK THE HALLS. Ici, les enfants finissent par prendre les armes, des vraies. Pire encore... Les elfes sont à poil ! Imaginons juste l'espace d'un instant Will Ferrell vieilli de 50 ans à poil dans un hypothétique ELFE 2. Sans sa bêtise intrinsèque, les blagues pipi-caca régressives, et la méchanceté en plus. Puis multiplié par une bonne centaine. Ca donne une vague idée de ce que peut être un spectacle familial finlandais, agrémentée de nudité frontale gériatrique. Juste impensable en nos contrées.

RARE EXPORTS sait, en outre de l'humour clin d‘œil, combiner un style visuel assez excitant et un rythme rapide qui laisse peu de temps au spectateur de s'ennuyer. Le métrage navigue ainsi sans cesse entre les rivages de la parodie et de l'aventure fantastique qui tourne à l'horreur. 77 minutes emballées de manière parfois majestueuse, à voir comment le cadre en Scope (le film a été tourné en Super 35) capte merveilleusement les paysages d'au-delà du cercle polaire. A noter par ailleurs que les splendides plans en extérieur ont été tournés en Norvège. On sera gré au metteur en scène d'avoir choisi une action linéaire et surtout lisible. Pas d'effets gratuits, de jump cuts ou autres artifices visuels pour masquer un certain vide narratif comme dans beaucoup de produits américains récents.

Si les hordes d'elfes courant dans la neige prêtent à sourire de par le côté naïf et singulièrement raté de l'effet, le reste des effets spéciaux demeurent plus qu'honorable. Le dernier quart comporte un lot de scènes d'actions tonitruantes et explosives. Ce tout connexe à des maquillages réussis : celui de l'elfe capturé dans l'abattoir vaut le détour de la menace qui plane. Ajouté au champ de rennes éventrés, ce qui rappelle par ailleurs un autre film nordique pour enfants, DUGGHOLUFÓLKIÐ, qui voyait des scènes d'égorgements d'animaux. Très curieuse conception du spectacle familial. Mais là aussi, les cultures françaises et nordiques s'opposent assez diamétralement sur ce sujet de la famille.

Autre curiosité : la structure narrative emprunte le chemin de THE THING (version Carpenter). Avec quelques poussées de suspense bienvenus et un final de haute voltige, on pourrait facilement s'abandonner à l'idée d'un spectacle fun et rentre-dedans. Mais, en filigrane, on voit poindre le récit d'un jeune garçon en train de grandir, d'une équipe de villageois en train de résister à une grande corporation et la contre-offensive menée contre l'exploitation consumériste par des américains d'un trésor local, fusse-t-il un exterminateur d'enfants.

RARE EXPORTS se destine à bénéficier d'une aura de film-culte pour aficionados, mais qui n'a, a priori, rien de l'étoffe d'un succès populaire sur le territoire français. RARE EXPORTS a cependant remporté un énorme succès en Finlande fin 2010, devenant le second film local en terme d'entrées, après le très fun VERY COLD TRIP sorti récemment en France. Il épouse par moments le ton adopté par certaines productions à gros budgets destinées à ce que le spectateur se sente bien en phase avec l'action lors de la confrontation finale et du but atteint par le jeune héros. Nul doute qu'il engendrera une suite vu le final. Mais c'est effectué avec ce goût acidulé, parfois sombre et presque politiquement incorrect que la Scandinavie nous offre régulièrement. Un vrai cadeau à infliger aux sales mômes qui empoisonnent l'existence, tout comme aux adultes bien pensants.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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