Header Critique : TRON L'HERITAGE (TRON LEGACY)

Critique du film
TRON L'HERITAGE 2011

TRON LEGACY 

Kevin Flynn disparaît mystérieusement alors qu'il est le dirigeant d'une grosse entreprise informatique très novatrice. Quelques décennies plus tard, un étrange appel téléphonique provenant d'une salle de jeux fermée depuis bien longtemps va mener son fils à lever le voile sur sa disparition…

Au début des années 80, ceux qui ont pu découvrir TRON sur grand écran se sont pris une véritable claque ! En effet, le film de Steven Lisberger proposait aux spectateurs de l'époque un film profondément novateur sur le fond comme sur la forme. Bien que l'intrigue ne soit pas spécialement exceptionnelle, le métrage transportait le public à l'intérieur d'un ordinateur pour lui donner une représentation tangible. A une époque où les ordinateurs dans un cadre domestique et le jeu vidéo n'en étaient encore qu'à leurs balbutiements, il s'agissait donc là d'une aventure hors du commun et réellement avant-gardiste. Outre une schématisation finalement assez convaincante des éléments d'un ordinateur (le bit, les ports d'accès, les programmes de défense...), TRON touchait aussi du doigt les univers virtuels, un concept déjà usité en littérature mais plutôt rare, à ce moment là, au cinéma. Pour donner corps à tout cela, le métrage se dotait de techniques et d'effets spéciaux tout aussi peu commune dans le cadre d'un divertissement. Devenu un véritable classique de la science-fiction, TRON conserve toujours, une trentaine d'années plus tard, son aspect résolument unique et atypique. L'univers de Tron ne se limitera d'ailleurs pas au cinéma puisque au moment de la sortie du film original, une machine d'arcade est mise en place avant d'être remplacée par un second jeu l'année suivante. Dans le même temps, TRON s'invite aussi sur les consoles de jeux alors en pleine gloire (Atari 2600 et Intellivision). L'affrontement de «light cycles» devient un classique maint fois adapté de manière non officielle sur de nombreux ordinateurs. Bien plus tard, l'univers du film revient à la charge grâce au jeu Tron 2.0 sur PC et Xbox. C'est plus ou moins à ce moment là que les rumeurs qui traînent depuis la fin des années 90 sont officialisées par l'annonce d'un nouveau film produit par Disney. Il faudra tout de même patienter encore quelques années avant que le projet ne se concrétise réellement… Près de trente ans plus tard, il est donc possible de découvrir TRON : L'HERITAGE sur écran géant. Et le premier quart d'heure du film provoque un véritable frisson tant cette suite fait office de spectacle fantasmé pour ceux qui ont grandi avec TRON. Les premiers plans du métrage et l'écriture du titre sont un pur bonheur. Malheureusement, le soufflet retombe au fur et à mesure que cette suite se déroule…

Bon point, TRON : L'HERITAGE reprend une partie des personnages originaux et crée un véritable lien avec le premier film. L'idée de départ est d'ailleurs plutôt astucieuse et si le monde informatique est absent de ce prologue, il faut bien aussi reconnaître que, bizarrement, c'est là où les scénaristes semblent s'être réellement creusés la tête. L'entreprise Encom a donc prospéré durant toutes ces années ce qui permet de faire un parallèle avec une grosse boîte informatique devenu, durant ce même laps de temps, un incontournable des ordinateurs, Microsoft. Une séquence durant un conseil d'administration s'amuse ainsi à croquer de manière amusante la commercialisation de système d'exploitation qui se confronte avec l'idée des logiciels proposés en open source. Moment de nostalgie, le film nous emmène sur les traces du premier métrage en retournant dans certains décors de l'original comme la porte blindée du laboratoire Encom et surtout la salle d'arcade de Flynn. Hélas, dès lors que le héros est envoyé à l'intérieur de l'ordinateur, TRON : L'HERITAGE entre dans un mode oscillant entre la suite hésitante et le remake. Pour s'en convaincre, il suffit de faire un parallèle avec le TRON original. Le héros débarque, n'a pas d'identité et est donc envoyé à la section jeux pour combattre quasiment dans le même ordre que TRON : L'HERITAGE. Pourquoi pas, après tout, les affrontements avec les frisbee et les motos sont des séquences si emblématiques qu'il apparaît difficile de s'en passer. Néanmoins, là où le film original prenait le temps d'expliquer, même sommairement, de manière claire ce qui se déroule à l'écran, le parti pris de TRON : L'HERITAGE est de privilégier l'action à un tel point que ces passages semblent expédiés, voire peu compréhensibles. Par exemple, le terrain du combat avec les frisbee était nettement défini et l'élimination de morceaux de l'espace devenait finalement plus que logique. Dans TRON : L'HERITAGE, cela perd de sa lisibilité et de sa compréhension en supprimant l'aspect purement géométrique de l'environnement. Bien sûr, cette refonte graphique est certainement liée à l'évolution technologique. De nos jours, les graphismes en fil de fer et les représentations 3D aux facettes limitées font partie de la préhistoire de l'imagerie numérique. Pourtant, c'est justement ce qui rend aujourd'hui TRON : L'HERITAGE visuellement un peu anecdotique. Paradoxal puisque le film datant d'une trentaine d'années conserve un aspect novateur là où le film le plus récent peine à surprendre. Il faut dire, tout de même, qu'il n'y a de toutes façons pas eu un gros travail de recherche. Le métrage se limitant à recycler ce qui existait déjà à l'origine, parfois avec succès comme les motos mais le plus souvent de façon peu satisfaisante. Ainsi, le voyage en voilier solaire dans TRON nous permettait de découvrir un véhicule fin et racé pour une séquence de voyage plutôt jolie. On retrouve ici une sorte de voilier prenant des allures de char d'assaut, perdant donc ses formes gracieuses pour un design peu convaincant. Quelques ajouts sont tout de même au menu mais jamais sans retrouver l'inventivité du TRON original. Ainsi, on sent bien que les concepteurs du film tentent de raccrocher leur film aux duels aériens très inspirés par la saga de LA GUERRE DES ETOILES avec des évolutions volantes des motos. Le métrage fait quelques rares clins d'œil aux fans en plaçant par exemple ce que l'on suppose être des «bits» dans les mains de Jeff Bridges (on les retrouvera sur une cheminée dans un état inverse).

L'intégration des éléments informatique, de manière vulgarisée, au sein de l'intrigue est évacuée de TRON : L'HERITAGE pour ne conserver qu'une intrigue simpliste et n'ayant rien de très enthousiasmante. L'univers s'étoffe d'une nouvelle idée avec une sorte de nouvelle race au sein de l'univers informatique mais ce concept n'est pas vraiment exploité au sein de l'histoire. Au mieux, on l'interprétera lors de l'épilogue du film comme l'évolution de l'intelligence artificielle, prête finalement à vivre en harmonie (ou pas) avec l'humanité. Jusque là, TRON : L'HERITAGE semble pourtant surtout critiquer les univers virtuels en exposant le danger de s'y perdre ou de s'y emprisonner. Ce n'est pas totalement faux mais les aspects positifs ne sont jamais vraiment mis en avant. L'ambiance générale du film étant assez sombre, voire dépressive, cela donne une image carrément inquiétante des nouvelles technologies, contrastée davantage encore par le biais d'une balade à moto, dans le soleil levant de notre monde bien réel. A cela, il faudra encore ajouter l'aspect douteux d'un personnage tenant une boîte de nuit, sorte de mix entre le Merovingien de MATRIX et le timbré de ULTIMATE GAME. Un personnage qui apparaît franchement aussi déplacé dans l'univers TRON que l'apparition gratuite des membres de Daft Punk. D'ailleurs, la participation musicale du groupe a beaucoup servi à la promotion du film et le résultat n'est pas vraiment heureux. En effet, la musique s'intègre assez bien lors de certains passages alors que des morceaux paraissent très déplacés à pas mal d'autres endroits. Il est intéressant, à ce propos, de noter que lors du montage du film original, des morceaux musicaux avaient été retirés, la sobriété fonctionnant bien mieux.

TRON : L'HERITAGE n'est pas la baffe attendue, pas plus que le métrage ébouriffant que l'on pensait découvrir. Même en faisant table rase des attentes suscitées après les trois décennies le séparant de TRON, cette suite se montre assez souvent hésitante, développant beaucoup trop certaines évidences pour laisser dans le flou des idées à peine exploitées. Le rythme du film ne se montre pas non plus très bien dosé. Il a tout de même réussi à nous faire vibrer lors de ses premières minutes et, même si la suite paraît bien décevante, on préfère rester sur le souvenir de ce frisson cinématographique éphémère plutôt que continuer à décompiler TRON : L'HERITAGE.

Rédacteur : Christophe Lemonnier
Photo Christophe Lemonnier
Ancien journaliste professionnel dans le domaine de la presse spécialisée où il a oeuvré durant plus de 15 ans sous le pseudonyme "Arioch", il est cofondateur de DeVilDead, site d'information monté en l’an 2000. Faute de temps, en 2014, il a été obligé de s'éloigner du site pour n'y collaborer, à présent, que de manière très sporadique. Et, incognito, il a signé de nombreuses chroniques sous le pseudonyme de Antoine Rigaud ici-même.
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