Un passage de la Bible relate l'histoire de la Tour de Babel, que les
hommes, par vanité, firent construire pour s'élever au
rang de Dieu. Ce Dernier ne vit pas cette initiative d'un très
bon il, et pour punir les hommes et les empêcher de poursuivre
leur construction, il les dispersa sur la Terre et leur donna a chacun
un langage différent...
Par la même occasion, il condamna les Babels à vivre sous terre et à protéger les humains enfin, ça, c'est le début du scénario de Gérard Pullicino qui a voulu introduire dans cette légende biblique, l'existence d'un peuple appelé Les Babels. Pourquoi pas, après tout. Laissons libre cours à l'imagination et retombons émerveillés dans une enfance que nous ne goûterons plus. Sauf que là, le charme a du mal à opérer. Explication : BABEL a l'ambition de plaire au plus grand nombre de spectateurs, qu'ils soient petits ou grands. Pour ce faire, les scénaristes ont saupoudrés des scènes tout droit inspirées du cartoon , tandis que d'autres sont plus à la portée des adultes, comme celles faisant référence à des séries télé comme La Quatrième Dimension ou Les Envahisseurs. Le problème de BABEL, c'est qu'il ratisse bien trop large pour trouver son public. Ainsi, le film s'égare et devient difficile pour les uns, limite ennuyeux pour les autres. Oscillant entre l'univers du conte merveilleux et un monde très actuel, il se perd dans les méandres d'une réflexion pseudo-philosophique sur les travers de l'humanité.
Pourtant, il est indéniable que le propos de BABEL est honnête, et que Gérard Pullicino, dont c'est le premier film, a fait son travail en toute bonne foi. Et autant dire que la tâche était lourde, puisqu'il porte les casquettes de réalisateur et de scénariste, mais aussi de compositeur de la musique. Il s'est donc investi plus que de raison dans BABEL, trop si l'on en juge par le fait que les acteurs semblent avoir été livrés à eux-mêmes. Le fait qu'il s'entoure d'une équipe solide, composée de Jacques Gastineau et Louis Craig, qui vont travailler sur des effets spéciaux recherchés, entre animatronics et effets numériques, n'aura pas suffi à leurrer le public qui a boudé le film.
BABEL n'est pourtant pas dénué de bonnes idées, et on se surprendra à rire de certaines situations bien amenées. Les décors ont eux aussi fait l'objet d'un soin tout particulier, en utilisant pour les plus spectaculaires la méthode du matte painting, qui consiste à faire travailler un peintre sur un décor déjà existant et à lui faire peindre un élément supplémentaire. Les scènes où l'on voit la Tour de Babel ont été travaillées de la sorte, la Tour ayant été intégrée a posteriori au décor. On remarquera que la base de la Tour est copiée sur le style du célèbre tableau de Bruegel l'Ancien, à laquelle on a rajouté des éléments actuels comme le verre, afin de suggérer par l'image l'opposition entre des civilisations éloignées de 5000 ans l'une de l'autre.
Le DVD propose la bande-annonce habituelle, en français, et un making-of de 14 minutes qui n'apportera pas grand chose d'intéressant, relevant davantage de la featurette. Seules les méthodes de préparation des masques de Babels sont explicitées ainsi que leur méthode d'animation, le fameux "animatronic", dont l'équipe ne semble pas peu fière. Inutile d'attendre un quelconque commentaire du réalisateur-scénariste-compositeur, seuls les effet spéciaux semblent compter dans ce film. On aurait apprécié une piqûre de rappel biblique, puisque Gérard Pullicino a trouvé son inspiration en relisant la Genèse. Ceux qui baignent dedans sauront peut-être s'y retrouver, les autres auraient apprécié par exemple qu'on leur dise que Nemrod, interprété par Tckeky Karyo, a réellement sa place dans l'histoire de la Tour de Babel, puisque c'est le nom du personnage qui la fit construire, pour assouvir son désir de puissance. Ou en apprendre un peu plus sur le film de la bouche du réalisateur avec le recul depuis que le film est sorti.
La version sonore que nous avons eu l'occasion de découvrir sur cette édition n'est pas étrangère au sentiment de ratage que distille BABEL. Le Dolby Digital 5.1 n'a rien à voir là dedans. Au contraire, d'un point de vue technique, la bande-son nous en donne pour notre argent avec une énorme dynamique sur toutes les voix. Le probleme, c'est une version française lamentable. Après nous être interrogés sur ce qui clochait, nous avons compris que la version que nous étions en train de visionner avait été enregistrée en anglais puis doublée par la suite dans notre langue, donnant l'impression désagréable que les doubleurs lisaient leur texte sans y mettre une once de conviction. Le résultat est proprement affligeant. Seuls Madame Karlov, dans son costume de cerbère, et Wasco s'en tirent bien. Et pour cause : leurs rôles sont quasiment muets. Naguy est, de son côté, assez maquillé pour que ce problème ne se fasse pas sentir. Les autres, Tcheky Karyo et Maria de Medeiros en tête, donnent l'impression de réciter un texte pour la énième fois modifié. En outre, on est étonné d'apprendre, à ce sujet, que les voix ont été post-synchronisées pour permettre au scénariste de retoucher les dialogues jusqu'au dernier moment, ce qui en dit long sur l'aboutissement de l'écriture du scénario lorsque le tournage a débuté. C'est aussi probablement l'une des raisons qui contribuent à faire de BABEL un film inachevé, comme la Tour dont il s'inspire.
Enthousiasme de l'auteur et effets spéciaux ne constituent pas une recette satisfaisante, on l'aura vu par la suite avec VIDOCQ par exemple...