Header Critique : DES FILLES POUR UN VAMPIRE (L'ULTIMA PREDA DEL VAMPIRO)

Critique du film et du DVD Zone 2
DES FILLES POUR UN VAMPIRE 1962

L'ULTIMA PREDA DEL VAMPIRO 

A la lueur de la vague vampirique qui emporte les petits et grands écrans actuels (TWILIGHT et ses séquelles, TRUE BLOOD, THE VAMPIRE DIAIRIES…) on aurait envie de dire : "Suce-moi, Vampire" ! Bon, en fait, rien de bien X dans ces FILLES POUR UN VAMPIRE, mais un appel au suçage généralisé made in 1960 qui repose beaucoup sur un cinéma fantastique actuel voué au dieu Epilepsie. A un moment où la Hammer explosait sur les écrans avec LE CAUCHEMAR DE DRACULA, où l'Italie semblait faire ses dents sur LES VAMPIRES de Riccardo Freda, un frisson de nouveauté gothique parcourait l'échine des producteurs transalpins. DES FILLES POUR UN VAMPIRE apparaît comme une curiosité d'un autre âge. Piero Regnoli a co-écrit et réalisé ce qu'il a voulu comme étant visiblement un croisement entre le film d'horreur gothique alors naissant en Europe et l'érotisme titillatoire là aussi frémissant sur le vieux continent. Tout du moins dans quelques pays européens !

A la suite d'un orage, un groupe d'individus (ici des danseuses/effeuilleuses et leurs accompagnants) trouve refuge dans un château tenu par le comte Gabor Kernassy (Walter Brandi). L'une d'entre elles, Vera, (Lyla Rocco, doublée ici par Martine Sarcey pour la version française) possède une ressemblance stupéfiante avec une de ses ancêtres, Margherita. Le lendemain, Katia (ou Cathy en français - Maria Giovannini) semble être tombée du haut du château, mais une fois enterrée, son cadavre disparaît. Cette trame, vampire mis à part, a été réutilisée à de nombreuses reprises par la suite dans le cinéma de genre : notamment dans VIERGES POUR LE BOURREAU, LA PLUS LONGUE NUIT DU DIABLE ou encore QUALCOSA STRICIA NEL BUIO. Pour la petite histoire, l'assistant réalisateur du film n'est autre que Mario Colucci, futur réalisateur/scénariste de… QUALCOSA STRICIA NEL BUIO. Dilemme lelouchien : hasard ou coïncidence ?

Attention aux amateurs : on se trouve à des années lumière de films comme LE MASQUE DU DEMON ou encore LA SORCIERE SANGLANTE. La maîtrise des éclairages et le goût du transgressif chez Mario Bava ou le sens de l'enfermement chez Antonio Margheriti n'apparaissent nulle part. Piero Regnoli bricole avec ce qu'il peut, donne un métrage certes sympathique, mais d'une déficience rare dans pratiquement tous les départements. Voilà qui tire le film vers le bas mais qui en fait également son charme principal.

Le réalisateur s'atèle ici à son quatrième métrage où il assume la mise en scène et l'écriture; Mais il n'en était pas à son coup d'essai sur les canines qui foncent dans le cou de ses victimes. Regnoli s''entrevoit au générique des VAMPIRES de Freda, justement, en qualité de co-scénariste. Mais son goût du bis et des influences érotiques et fantastiques le pousseront assez loin. Il est le futur scénariste d'œuvres croquignolettes comme LE MANOIR DE LA TERREUR, MALABIMBA, LA BIMBA DI SATANA. Et il pousse même dans le X avec Andrea Bianchi dans MORBOSAMENTE VOSTRA... pour terminer avec Lucio Fulci pour DEMONIA ou encore VOIX PROFONDES ! Il prend ici le mythe du vampire, qui n'apparaît clairement qu'au bout d'une heure, pour le mélanger à une histoire d'amour traversant les âges. Il y égrène quelques notes d'humour ou d'érotisme (une belle scène à la 55ème minute) et des éclairs fantastiques qui ont du faire trembler les spectateurs de l'époque. On ne peut nier une tentative d'originalité dans le propos, mais Regnoli la présente avec beaucoup de maladresse.

Il y a aussi les glorieuses incohérences du cinéma 60's d'exploitation. Le château où les jeunes femmes passent la nuit est froid ? Pas de souci : on assiste à un défilé de nuisettes transparentes. Elles viennent d'assister à une mort ? La solution : continuer à travailler leur chorégraphie comme si de rien n'était. On conseille à tout le monde de ne pas sortir du château ? toujours une bonne raison de le faire. Puis Regnoli ne se dépare pas des marques de fabrique du cinéma transalpin de l'époque : la gouvernante inquiétante à la Harriet White Medin, un serviteur boiteux, le château mystérieux, l'attraction sexuelle du mâle séduisant, la caméra qui traîne sur les ombres inquiétantes, le gothique noir et blanc, les toiles d'araignées, le laboratoire secret… un véritable petit catalogue !

En dehors d'une écriture hasardeuse, du ridicule plus ou moins assumé des situations, le film fonctionne surtout du fait de certains moments où le bizarre joint le grotesque. Le mythe du vampire est couplé à une certaine quête romantique de l'amour perdu. On retrouve des éléments propres à une littérature du XIXe siècle, mais également aux années 60, où l'innocence des sentiments demeurait un moteur de récit relativement courant. Et dans cela, certaines scènes incongrues de danses et de strip-tease font irruption. Totalement gratuites, et montrant surtout l'incapacité notoire des intervenants à jouer (ou danser) correctement.

En fait, la mise en scène essaye de masquer au mieux un budget qu'on devine minsucule en provoquant des scènes ahurissantes (la danse ci-dessus, un grand moment de solitude cinéphilique) que seuls les nostalgiques d'une ère perdue sauront apprécier à sa juste valeur. Mais également en réservant au spectateur quelques rares plans réussis, où la caméra fait subitement merveille, notamment la scène de l'enterrement (28ème minute). Se suivent alors quelques errements dans le château, rebondissements attendus qui manquent singulièrement de ressort dramatiques, d'effets-trouille ou d'horreur, tout simplement. La lenteur de la progression dramatique n'aide en rien à l'adhésion au film. Seules les vingt dernières minutes nous rappelent qu'on se trouve au milieu d'un film d'épouvante. Car ces FILLES POUR UN VAMPIRE donnent le ton pour ce qui sera une constante dans la plupart des films de genre italiens : à savoir la forme et les effets qui prennent le pas sur la scénarisation et la logique de l'ensemble. Mais si seulement tout cela bénéficiait ici d'un peu plus d'audace et de savoir-faire !

A l'instar de la majeure partie des films bis italiens des années 50 et 60, l'interprétation se distingue par sa médiocrité générale. Il faut également avouer que le matériau de base qui leur a été donné ne permettait pas non plus de faire des miracles. Des personnages assez peu dessinés, bénéficiant de temps de présence minimes et de psychologie inintéressante, les actrices et acteurs ne s'en sortent hier comme aujourd'hui (et bien moins que demain) que via le côté éminemment kitsch de l'ensemble. On ajoutera pour le côté Monsieur Plus un doublage français réjouissant de consternation ! Walter Brandi s'en sort avec tous les honneurs : ses côtés suave et inquiétant font de lui un leader naturel. On le retrouvera dans le même registre dans LE CIMETIERE DES MORTS-VIVANTS ou encore, (surprise !) dans VIERGES POUR LE BOURREAU. Lyla Rocco est une éphémère starlette des 50's, entre la France et l'Italie, jusqu'au sympathique OH QUE MAMBO ! de John Berry qui la révéla en 1959. Il s'agit indéniablement du meilleur atout féminin du film (en ce qui concerne le jeu d'actrice), mais sa carrière s'arrêta net l'année d'après avec la CHASSE A L'HOMME de Riccardo Freda. En même temps, les qualités d'actrice du reste des danseuses naviguant entre le néant et l'insignifiant, elle n'eut ainsi pas grand mal à sortir du lot. Côté poitrine, le couplé gagnant s'avère Erika Di Centa (strip-teaseuse apparaissant dans le mondo NOTTI NUDE) et Maria Giovannini. Rien que pour vos yeux (mais ni pour le cerveau, ni pour les oreilles.)

Si l'on donne l'impression d'en dire du mal, ce n'est pas vraiment le cas. DES FILLES POUR UN VAMPIRE reste un spectacle amusant, si l'on s'en tient à ce qu'il est : un pur produit d'exploitation des années 60, à la croisée de plusieurs genres naissant. Peut-être même l'un des tous premiers films bis mélangeant horreur et érotisme. Il faut alors excuser la médiocrité de l'ensemble, et accepter sa facilité afin de mieux profiter du plaisir à le regarder de manière coupable, comme un vrai mordu de cinéma.

Déjà sorti en 1999 chez Image Entertainment dans sa collection Euroshock et en Grande-Bretagne chez Salvation en 2003, FILLES POUR UN VAMPIRE arrive en France pour la première fois sous la bannière (courageuse) d'Artus Films. Une copie hélas peu amène, comprenant de nombreuses griffures et autres poussières dues à l'ancienneté du produit et sa rareté : 50 ans que le film a été mis sur pellicule et ça se sent. Le DVD propose le film dans une durée exacte de 80 minute et 37 seconde avec un format 1.33:1 (déjà identique sur le Z1), même si l'on peu soupçonner que le format original fut du 1.66:1. Il manque ça et là quelques images : notamment lors des notables changement de bobines, qui laisse à penser que le télécinéma a été effectué à partir de copie d'exploitation et non d'un quelconque négatif original. Dû au matériau d'origine, il faut savoir que les contrastes sont mal maîtrisés, l'image parfois floue (les plans dans l'intérieur du bus à la 6ème minute, par exemple), une définition médiocre et le métrage n'est pas exempt de moirage régulier.

Côté sonore, le doublage français mono d'époque, un véritable régal en provenance directe de la machine à remonter le temps affrétée par Artus. Un léger souffle permanent couvre quelque peu les dialogues et l'action, mais le matériau d'origine fait là aussi le charme de l'ensemble, si l'on veut bien passer au-delà de la gêne ressentie. Certaines scènes sont notamment déphasées avec l'image présente sur l'écran : à la 52ème minute, la musique présente est identique à celle de la répétition de danse, mais si la musique s'entend, le pianiste ne joue pas continuellement au clavier! On pourra regretter l'absence de la piste italienne d'origine, présente sur la version sortie par Image. Par contre, afin de combler quelques manques, Artus a su dénicher les scènes manquantes de la version française en complétant avec une autre source : la version doublée en anglais et sous-titrée en français. Ainsi à 50mn25, la scène du laboratoire entre Walter Brandi et Lyla Rocco se termine en anglais jusqu'au fondu au noir, quelques secondes plus tard. Plus intéressant, lorsque la première victime vient visiter Luca (Alfredo Rizzo) à 55mn45, la version anglaise présente un plan sans doute coupé en France, à savoir la poitrine dénudée de l'actrice qui sort de l'ombre. Seul bémol : comme le matériel semble venir d'une copie de format NTSC, la vitesse de défilement sur ces scènes s'avère saccadée. Une gêne somme toute minime.

Hormis le court-métrage SYMPHONIA HORRORIS réalisé par Thierry Lopez, et dont le sujet vampirique se marie parfaitement avec le programme principal, et les films annonces du catalogue Artus, l'on retiendra surtout l'interview d'Alain Petit sur les vampires du cinéma italien à l'écran. 38 minutes 19 réalisées pour la circonstance, assez amusantes et très instructives sur le sujet. Suivant un aspect chronologique jusqu'à DU SANG POUR DRACULA et au bout de 16 minutes, pour se fixer ensuite sur Walter Brandi sur le film présenté sur ce DVD, parle de la carrière de Piero Regnoli, de Lyla Rocco… une mine de précieux renseignements (même s'il consulte régulièrement ses fiches devant la caméra !). Le contexte économique est intéressant, mais si le voyage dans les cinémas français des années 60 est appréciable, donner des chiffres en lires italiennes pour le box office ne veut plus rien dire aujourd'hui et surtout sans échelle de valeur.

Enfin, le petit plus qui va bien : on apprécie tout particulièrement la jaquette délicieusement rétro qui traduit parfaitement le produit proposé. Et qui ne sombre pas dans l'opération « rejaquettage » pour les nuls et les jeunes, sport très en vogue récemment chez Wild Side, par exemple. Artus avait fait très fort avec la jaquette hideuse de REDUCTEUR DE TETES : on pardonnera aisément avec ce visuel vintage de ces FILLES POUR UN VAMPIRE.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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Un des premiers films erotico-gothique des années 60
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La copie médiocre
L’absence de version originale
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L'édition vidéo
L'ULTIMA PREDA DEL VAMPIRO DVD Zone 2 (France)
Editeur
Artus
Support
DVD (Simple couche)
Origine
France (Zone 2)
Date de Sortie
Durée
1h20
Image
1.33 (4/3)
Audio
Francais Dolby Digital Mono
Sous-titrage
  • Aucun
  • Supplements
    • Interview Alain Petit (38mn19)
    • Symphonia Horroris (Court-métrage)
      • Bandes-annonces
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