La sortie en DVD Zone 1 d'un nouveau film de David DeCoteau nous permet en avant-première mondiale la déclinaison d'un dictionnaire à destination des (a)mateurs du réalisateur ou de purs néophytes afin de mieux comprendre le pourquoi du comment de son acharnement (et du nôtre). Explications...
A comme… Ah mais voilà une nouvelle excroissance digitale de David DeCoteau. Dans le paquet de films à destination du câble et particulièrement de la chaîne américaine Here ! TV, il a décidé de s'inspirer de l'œuvre d'Edgar Allan Poe. Tout d'abord pour THE RAVEN, puis HOUSE OF USHER et maintenant THE PIT AND THE PENDULUM.
B comme... Ben oui mais ça raconte quoi? Un groupe de jeunes étudiants désireux d'améliorer leurs performances intellectuelles et sportives ont recours à un stage d'hypnose. Celui-ci est mené par le Dr Jo Beth Divay (Lorielle New), fille d'un célèbre psychiatre déchu du fait de ses méthodes peu conventionnelles et violentes. Elle ne tarde pas en fait à elle aussi dévisser et tuer les étudiants sous hypnose.
C comme… Connasse. La connasse est fantastique, on ne le répètera jamais assez. Lorielle New s'impose dès le début dans cette carrure-là. Refaite de partout, des seins jusqu'aux pommettes en passant par des lèvres au bord de l'explosion, une coiffure infâme, la décoloration ratée et le botox qui clignote. deCoteau l'a rendue d'une vulgarité cataclysmique. Et que je prend des poses d'amphore siliconée, et que je fais la moue évanescente à la caméra, et que je fronce les sourcils car je suis perverse, et que je m'arrache la robe, et que je me caresse avec un fouet, et que je joue à la méchante dominatrice en cuissarde… une panoplie ahurissante d'hétérosexuelle ambivalente très camp ravagée par la volonté de pouvoir sur l'autre. En parlant de panoplie, elle possède une garde-robe impressionnante, au moins tout aussi large que celle déployée par Pam Grier dans FOXY BROWN. Une tenue pour chaque plan !
D comme… DDC qui met des gars en shorts tout partout. C'est son fond de commerce actuel, au David. Donc il fonce. Juste ce qu'il faut afin de ne pas servir de repoussoir aux éventuels clients hétéros qui se seraient aventurés à introduire la galette dans leur lecteur (de DVD, bien sûr).
E comme… Euh… mais c'est adapté de Poe, ça ? Déjà, le contexte a été modernisé. Ensuite, il y a un puits. Bon… une sorte de grotte profonde qui descend. On va dire un puits. Le puits de l'âme, tiens. On y trouve aussi un pendule. En fait, la maison regorge de pendules en tous genres. Il s'agit surtout du pendule géant qui s'apprête à trancher sa victime en deux qui retient notre attention. Là aussi, il faut raison garder. Rien d'un gothique flamboyant dans la version de Roger Corman. Rien de l'extravagance gore du segment réalisé par Dario Argento pour DEUX YEUX MALEFIQUES. Et encore moins des débordements historico-horrifiques de celle de Stuart Gordon. DeCoteau et son scénariste Simon Savory – également auteur de HOUSE OF USHER - s'aventurent sur un terrain qui n'a que très peu de rapport avec Edgar Allan Poe au final.
F comme… Formule. La période que traverse actuellement le réalisateur est fait de la formule suivante : budget ultra-réduit, tournage éclair, action dans un lieu unique, un maximum d'acteurs en boxers, une visibilité gay et lesbienne dans les personnages… un vrai travail à la chaîne.
G comme… Gay. Depuis son coming out en 1997, David DeCoteau s'est clairement aligné sur sa volonté de mêler fantastique, horreur et fascination du corps masculin. Jusqu'en 2007, quasiment tous ses films sont fortement teintés d'homoérotisme et de transgression : surtout dans VOODOO ACADEMY en passant par THE FRIGHTENING, un de ses meilleurs films en date. Il a lancé une mode qui s'est transformée en niche. Des séries comme DANTE'S COVE ou THE LAIR ont vu le jour grâce au succès remporté par ses précédentes œuvres. Et ses films sont maintenant diffusés sur la chaîne gay et lesbienne américaine Here ! qui commandite désormais des oeuvres qui possèdent des personnages ouvertement homosexuels. Ceci dit, la représentation reste excessivement timide, même pour la chaîne.
H comme… «Houla, mais est-ce que c'est bien, au moins parce que le dernier bon film de DDC c'est Dr ALIEN ?». THE PIT AND THE PENDULUM n'a RIEN à voir avec CREEPOZOIDS ou Dr ALIEN. La période bis-seins-à-l'air-gore-caoutchouc de DDC est révolue : il faut savoir en faire son deuil. D'un point de vue qualitatif, on retrouve toujours le goût de la belle image, du cadre soigné, des éclairages subtils, des couleurs bleutées et nimbées de lumière. Il y a certes peu d'argent : décors et accessoires réduits au minimum et quelques effets spéciaux (transparences, fondus-enchainés sur le puits, le pendule géant..) mais tout est utilisé au maximum des possibilités offertes. Cela ne va jamais hélas très loin, car format télévisuel oblige, le film ne mourra pas d'audace. L'érotisme est titillatoire : Lorielle New révèle sa vaste poitrine, claque du fouet, se frotte contre l'entrejambe de ses partenaires. On y compte un langoureux baiser lesbien et une scène entre deux mecs. La violence reste suggérée. Mais on se situe un net cran au-dessus d'un sinistre BROTHERHOOD V : ALUMNI ou de LES GRIFFES DE LA FORET (GRIZZLY RAGE). Le ton y est plus léger, le scénario mieux construit qui ne sert pas de prétexte à des scènes de douche, les rapports entre personnages plus complexes qu'à l'accoutumée… même si certains dialogues font parfois peur de par leur inanité. Attention, on se trouve quand même très loin d'un vrai bon film. Mais THE PIT AND THE PENDULUM réussit quand même à atteindre un statut de plaisir coupable. Et une fois n'est pas coutume, la vierge du groupe y passe aussi - alors que d'habitude dans le film de genre ce statut est supposé la sauver. Vive le XXIème siècle.
I comme Image. Qu'ils soient de qualité sympathique (PUPPET MASTER III, LEECHES), médiocre (ALIEN ARSENAL, FINAL SCREAM) ou même absolument épouvantable (TOTEM), David DeCoteau tient visiblement à ce que l'image soit du meilleur rendu possible. Il s'agit d'ailleurs d'une sorte d'instinct rédempteur lorsque le sujet laisse à désirer ou que le scénario a pris définitivement l'eau (ou la porte, au choix). En Scope ou en 1.78:1, la scénographie et les costumes donnent également à voir un peu plus qu'à l'habitude. La garde robe de Lorielle New est très diversifiée, mais toujours en accord avec les accessoires présents. Ainsi sa tenue verte, chapeau assorti (vers la 37ème minute) se voit toujours complété d'une pointe de rouge – couleur complémentaire du vert. Sur un plan, une sucette (si,si). Au plan du déjeuner (à partir de la 40ème minute), l'accord s'effectue avec les accessoires de tables, tous verts et rouges (boisson comprise). Ce soin du détail se retrouve régulièrement tout au long du métrage. Il y a d'ailleurs un côté assez cormanien dans le rapport au rendu de l'image. Autant Corman nimbait ses plateaux de fumée afin de masquer la pauvreté des décors, autant ici DeCoteau utilise des filtres bleutés afin de donner une épaisseur à un rendu DV parfois trop plat. Une impression d'ambiance fantastique améliorée vis-à-vis d'un budget qui quoiqu'il en soit ne peut pas permettre plus.
J comme… Je suis fidèle à David. On compte un nombre assez important de collaborateurs fidèles au générique du film. A commencer par le directeur photo Howard Wexler, avec qui DDC travaille depuis presque 25 ans. Ils ont même commencé ensemble sur DREAMANIAC en 1986 et leur association artistique s'est poursuivie sur CURSE OF THE PUPPET MASTER, ALIEN ARSENAL, THE BROTHERHOOD et sur pas moins de six films depuis 2008. Idem pour le monteur Danny Draven (ici sous son pseudo de Jack Harckness). Mais c'est surtout le nom du producteur John Schouweiler qui retient l'attention : ils ont été en effet partenaires sur des films comme NIGHTMARE SISTERS, CREEPOZOIDS, PUPPET MASTER III, Dr ALIEN… que du beau et bon film. THE PIT AND THE PENDULUM marque aussi les retrouvailles avec l'acteur Jason-Shane Scott que DDC découvrit pour SHRIEKER et avec qui il collabora régulièrement, notamment via WOLVES OF WALL STREET ou, à nouveau, CURSE OF THE PUPPET MASTER. Une vraie réunion de famille.
K comme… Kolossale Finesse. L'absence de logique parait gouverner les sept étudiants qui se rendent à ce stage. Ils sont quand même supposés faire partie d'une élite qui réfléchit. Mais à aucun moment, le fait de devoir passer un week-end dans un ancien asile psychiatrique tenu par un médecin fou qui a torturé ses enfants et ses patients ne leur créé un quelconque problème. A fortiori le stage tenu par la fille dudit médecin et qui semble se comporter de manière bizarre. Mais bon, vous qui entrez dans cette demeure, oubliez toute logique et laissez tomber vos inhibitions et vos vêtements. A noter une construction narrative qui révèle trois groupes : les gays, les lesbiennes (dont la vierge qui se découvre !) et les hétéros. Et les plus déséquilibrés s'avèrent hétérosexuels : manipulateurs, grossiers et, à l'instar du Dr Divay et sa fille, instables.
L comme… Lutte. David aime la lutte. Qu'il s'agisse de lutte greco-romaine, à l'instar des combats hautement érotisés dans THE FRIGHTENING et THE BROTHERHOOD IV : THE COMPLEX, ou de lutte psychologique, le scénario là aussi développe quelques joutes intéressantes. Les deux lutteurs ne semblent pas génés de devoir combattre sous les yeux de la doctoresse Divay, excitée comme une puce et qui se déshabille lentement. Tout comme le couple de garçons qui ne perd pas beaucoup de temps avant de se sauter dessus ans le lit. Pour les deux jeunes filles, il s'agit plus de jeu que de lutte, mais si l'une se bat plus clairement que l'autre afin de la faire tomber dans son escarcelle.
M comme… Musique. Aucune musique originale créée pour l'occasion. Le générique indique une musique de… Gratis Music. Gratis Music ? Un groupe ? Un pseudo ? En fait, en tendant l'oreille et en faisant appel à son sens musical, le spectateur audiophile reconnaîtra principalement la «patte» de Richard Band. A l'instar de THE RAVEN, des morceaux de partitions composées par Richard Band sont reprises ça et là afin de dynamiser l'action. Ainsi la musique du générique de MUTANT (version John Bud Cardos), tout comme celle accompagnant l'arrivée des créatures dans LE JOUR DE LA FIN DES TEMPS puis d'autres repris à FROM BEYOND parsèment le film.
N comme… Nénés. On vient de vous dire à la lettre H qu'il n'y en a presque plus, de nénés. Il y a toujours des nanas. Mais moins de nénés.
O comme… Orgasme. Ici, sa recherche mène à la mort. Comme dans beaucoup de slashers des années 80, par ailleurs. Jo Beth est un personnage finalement complexe, tant sa volonté d'atteindre le plaisir ultime passe par la mise en danger de son partenaire. Curieusement, la violence qu'elle déploie est sa propre perte puisqu'elle n'arrive pas à trouver une quelconque harmonie malgré ses efforts. Mais comme le point d'orgue demeure ici l'atteinte d'un plaisir interdit, le lecteur est fortement encouragé à se reporter à la lettre P de cet abécédaire.
P comme… Psychopathologie et Psychoses sexuelles. Il est clair que depuis quelques années, David DeCoteau tente de sublimer violence et séduction à travers la contemplation du corps humain. Les corps étant relativement féminins en début de carrière et ouvertement masculins depuis une décade. Si ses précédents films ont des élans de violence (GRIZZLY RAGE, THE FRIGHTENING) ou glissent vers un voyeurisme sage (la saga des THE BROTHERHOOD, mais aussi RING OF DARKNESS), THE PIT AND THE PENDULUM représente le jointure des deux. Tout d'abord une emphase sur l'hypnose et son côté noir et lascif. Puis des séquences de projection astrale et la velléité de coller à une sexualité débridée de la part de Jo Beth est inédite. Le comportement de la doctoresse passe de la plus sérieuse psychopathologie pour verser dans le psychosensoriel et finalement dans la psychose sexuelle. L'hypnose devient alors un catalyseur de désir. Plus une simple arme de pouvoir, comme dans THE HYPNOTIC EYE ou encore LE CABINET DU DOCTEUR CALIGARI et l'assouvissement de pulsions meurtrières. Encore moins dans une présentation réaliste comme LES TROIS VISAGES D'EVE. C'est d'autant plus curieux que seul le personnage de Jo Beth ne semble pas pouvoir goûter au contact des corps et à la sexualité en toute plénitude. Un très beau moment du film : la mise en parallèle de trois scènes d'amour, montées de manière alternative sur la montée du désir. Si les couples fille/fille et garçon/garçon vont de soi (même les deux lutteurs hétéros !), Jo Beth est la seule à forcer le cours naturel du désir pour ne générer que l'échec relationnel, menant à la violence et au meurtre. (un merci à L'EMPIRE DES SENS au passage).
Q comme… Qu'est-ce que cette lettre Q est tentante pour faire un jeu de mot laid. «Dans culture, il y a cul». Jean-Luc Godard. CQFD.
R comme… Rien de sanglant à l'horizon. Nada. Nothing. Niente. Nichts. Null. Error data. Abort_Retry
S comme…Son. La bande son donne clairement dans les basses, avec son utilisation incessante de battements de cœur, de respirations intenses. Histoire de créer un environnement sonore plus ambitieux que la moyenne de ses films. Le DVD présente la version originale anglaise avec un mixage en 5.1 (et des sous-titres anglais amovibles). La qualité ne relève pas du fracassant, tant l'utilisation de l'ensemble des canaux demeure discrète. Les dialogues sont clairs et le smorceaux musicaux pendant les moments de suspense se détachent bien du reste des effets. Les scènes d'hypnose semblent vouloir étendre le champ sonore avec des effets et autres bruits inquiétants générés. Mais la majeure partie se trouve sur les canaux avant. Il existe également la possibilité d'une seconde piste sonore anglaise sur deux canaux pour les spectateurs ne possédant pas de système sonore 5.1.
T comme… Tais-Toi quand Tu Parles. Si les acteurs et actrices sont jolis, on frise l'apoplexie dès qu'ils ouvrent la bouche. On est certes toujours au-dessus de BROTHERHOOD V : ALUMNI qui représente le fond du tonneau dans tous les départements, mais quand même. Un effort sur le jeu, d'aligner un peu plus de naturel dans les lignes de dialogues ne ferait pas de mal au récit. Ni de savoir bouger devant une caméra.
U comme… Urgence. DDC enchaîne les tournages à une vitesse vertigineuse. Eu égard aux commandes effectuées par la télévision, mais lorsqu'on parlait de stakhanovisme dans notre chronique de BROTHERHOOD V : ALUMNI, c'est exactement ce qu'il se passe. Cinq jours de tournage, autant de post-production, réutilisation de décors pré-existant et ressortis dans plusieurs films. Les plus observateurs reconnaîtront la même maison où ont été tournés HOUSE OF USHER et THE INVISIBLE CHRONICLES du côté de Pasadena. DDC avait utilisé le même stratagème en tournant ANCIEN EVIL : SCREAM OF THE MUMMY, THE BROTHERHOOD et FINAL SCREAM au même endroit. Vite, faire vite, pour pas cher, minimiser les coûts… et recommencer avec la même équipe si possible afin de rentabiliser au mieux l'investissement de déplacement des équipes de tournage.
V comme… Visuel. Le DVD Zone 1 sorti par E1 offre une copie au format 1.78:1 avec un transfert 16/9ème. Agréable à visionner et qui rend hommage au soin apporté au visuel du (télé)film. Les couleurs sont éclatantes, les filtres bleutés plutôt doux, les plans intérieurs comme extérieurs font preuve d'une belle stabilité. Aucun défaut de compression, des teints de peaux naturels. Et des contrastes agréables quant aux scènes de pénombre et d'effets spéciaux. On peut hélas regretter quelques effets de moirage : pas gênants pour voir le film, mais bien présents.
W comme… Warning. Attention, en effet. Comme pour tout film de série B voire C, il faut savoir replacer THE PIT AND THE PENDULUM dans son contexte avant de porter un jugement trop hâtif. Création télévisuelle donc absence de budget, pédale douce sur le sang, légère nudité car on est sur le câble. Tournage à la hussarde donc peu de rentre-dedans en terme de mise en scène et une créativité rangée au placard. Cela n'excuse en rien la médiocrité ambiante, mais apporte un début d'explication.
X comme… X. Aucun plan hardcore. Merci de passer à la lettre Y.
Y comme… Y'a-t-il des bonus sur le DVD ? Oui, et on a droit au tournage du tournage du film. Près d'une heure prise sur le vif, sans montage particulier. On constate que les conditions sont moins pires que celle de BROTHERHOOD V : ALUMNI. Une équipe plus importante, des moyens techniques mis en œuvre… tout en restant dans un créneau budgétaire qu'on sent très bas. Assez fun à voir pour ce qui est de la direction d'acteurs et de l'ambiance détendue qui règne malgré tout. Et surtout des actrices et acteurs qui font consciencieusement leur travail en dépit du matériau de base. Respect. Voir notamment DDC diriger la scène de strangulation avec Lorielle new en dominatrix ou encore les répétitions de la scène finale, avant ajout des effets spéciaux. Encore une fois, ce sont donc près de 59 minutes prises sur le vif… vous êtes prévenus du côté très «home movie» de l'ensemble. Un film annonce vient compléter le tableau, accompagné d'autres films du catalogue de l'éditeur.
Z comme… Zèderie en devenir. En fait pas vraiment. Quoique. Mais bon. Comparé à ses derniers opus, David DeCoteau a su insuffler un semblant d'histoire, de logique, d'esprit semi parodique et camp. Lorielle New y est pour beaucoup, son rôle de dominatrix seins nus au fouet vengeur apparaît comme une outsider inhabituel dans l'iconographie DeCoteau. Dommage qu'elle reste perdue dans une série B tendance Z au scénario cette fois-ci construit mais emballé à la va-vite avec des moyens dérisoires.