Pour la énième fois, Sam Bailey s'est perdu et arrête donc sa voiture afin de demander son chemin. Il tombe alors sur une curieuse éleveuse de dindes qui le renseigne mais lui entaille également le bras par maladresse. La fermière offre de soigner la blessure mais Sam se retrouve bien vite enfermé dans une salle de bain ! Lorsqu'il en sort, son hôtesse a disparue et dans la cave se trouve le cadavre d'un homme se vidant de son sang. Notre héros paumé décide de prendre la fuite mais en cours de route, il comprend qu'il vient d'être manipulé et prend conscience de la quantité de preuve qu'il laisse derrière lui…
A l'origine écrit comme un court-métrage par Simon Perrier, le projet «The Ante» peinera à trouver le financement nécessaire. Avec le temps, James Chancellor, Danek S. Kaus et le réalisateur Max Perrier (frère du scénariste) donneront au script davantage d'ampleur et tenteront d'atteindre un public plus large. Pour cela, ils étofferont le traitement d'origine et opteront pour un tournage en anglais. L'argent reste un problème mais THE ANTE est déjà plus vendeur. En combinant les différents contributeurs privés et en mettant la main à la poche, le film pourra finalement prendre vie et ce dans un format excédant les quatre-vingt minutes.
Ces soucis d'ordre budgétaire ne transpireront pas réellement sur THE ANTE et ne se ressentiront pas davantage lors du visionnage. Max Perrier ancre en effet son film dans un cadre rural aux décors naturels. THE ANTE se dote dès lors d'un cachet plutôt plaisant et ce à moindre frais. La chose est d'autant plus vraie que la photographie en 35mm s'avère agréablement «brute» et restitue avec une certaine justesse les couleurs de la campagne telle que nous pouvons la connaître. En plus donc d'un cadre réaliste fleurant bon le terroir, Max Perrier choisit de ne faire intervenir que trois protagonistes (à quelques scènes près). Voilà qui limite là encore les dépenses mais relève également du pari dangereux. Fort heureusement, Anastasia Bondarenko, Paula Davis et Paul Burke remplissent admirablement bien leur rôle respectif et donnent corps là encore à des personnages que l'on sent «exister».
Le caractère des personnages fait naître l'intrigue et la couardise du héros fera ainsi le bonheur d'une fermière manipulatrice. L'épouse de Sam sera la troisième pierre d'un édifice relativement solide, donnant naissance à un thriller sombre et, curieusement, très satirique. En effet, le ton général de THE ANTE s'avère plutôt décontracté, portant un regard amusé sur l'enlisement des personnages, lequel n'est engendré que par leur tempérament borné ou pleutre. Cette intrigue, profondément humaine, couplée à cette alternance entre premier et second degré, nous amène naturellement à un rapprochement inévitable. Car outre son introduction laissant imaginer un «Survival» classique, c'est davantage du côté des œuvres des frères Coen que lorgne ouvertement le film de Max Perrier. Les points communs sont nombreux et il devient rapidement difficile de ne pas penser, dans le style, à des métrages tels que BLOOD SIMPLE ou FARGO.
Plutôt flatteuse si l'on en juge l'accueil régulièrement enthousiaste réservé aux films des frangins, cette comparaison apporte néanmoins son lot de «tics» énervants. Parmi ceux-ci, nous citerons la surabondance de rebondissements, ou plutôt de retournements de situation. Si l'ingéniosité est de mise durant la première moitié de métrage, THE ANTE fini clairement par fatiguer, cumulant les situations improbables et tuant à petit feu le climat «humain» si justement mis en place en introduction. De même, l'humour «pince-sans-rire» a lui aussi ses limites et il arrive malheureusement qu'elles soient outrepassées via quelques répliques maladroites ou situations désarmantes.
Vous l'aurez compris, THE ANTE est donc de ces métrages aux débuts très prometteurs mais qui finissent par s'essouffler, voire tourner à vide, assez rapidement. Le résultat final n'a rien de déshonorant, bien au contraire, et pourra même séduire les amateurs de polars tranquilles à la FARGO. Reste que l'aura du court-métrage qu'il fut à l'origine plane tout de même sur THE ANTE et qu'au-delà de son postulat et de ses premières idées, les quatre-vingt deux minutes de pellicule semblent un tantinet longuettes et artificielles. Gageons que la prochaine œuvre de Max Perrier, pensée pour le cinéma dès sa genèse, saura faire preuve de davantage d'homogénéité.