Saya (Gianna) est une jeune femme mi-humaine mi-vampire éradiquant les individus de sa race pour les besoins d'une organisation gouvernementale secrète. Saya est envoyé au Japon sur une base militaire américaine soupçonnée d'être infestée de créatures dans le but de remonter jusqu'à Onigen, la plus puissante des vampires.
BLOOD : THE LAST VAMPIRE est l'adaptation cinéma d'un moyen métrage d'animation japonais éponyme réalisé en 2000 par Hiroyuki Kitakubo pour le studio Production I.G. (responsable entres autres des films de Mamoru Oshii). L'animé, porté par un scénario prétexte, était à l'époque une démonstration technique et artistique époustouflante. Nous étions alors à l'aube du mélange 2D et 3D en animation et BLOOD en livrait une utilisation qui fait encore autorité de nos jours. Gros succès critique et commercial aux quatre coins du monde, le film a été édité directement en DVD chez nous par Pathé. Bien entendu, un tel succès, qui plus est porté par la figure toujours aussi populaire du vampire, avait tout pour appeler une adaptation spectaculaire et fédératrice au cinéma. Le résultat sera pourtant un ratage complet, la faute à une production chaotique désorganisée entre plusieurs pays.
BLOOD : THE LAST VAMPIRE est initialement annoncé fin 2005 sous l'égide du producteur chinois Bill Kong, connu pour avoir co-produit TIGRE ET DRAGON de Ang Lee. Son compatriote Ronny Yu, qui a lui-aussi fait ses preuves aux Etats-Unis, est choisi pour le mettre en scène tandis que le chorégraphe Corey Yuen assure la réalisation des combats. Les japonais de Production I.G. intègrent la production ainsi que les français de Pathé. Situé au Japon mais tourné en Chine et en Argentine en langue anglaise, le film donne le rôle principal à la superstar coréenne Jeon Ji-hyun (rebaptisée Gianna pour l'international) que l'on avait découverte dans le pétillant MY SASSY GIRL de Kwak Jae-young. Le reste du casting est majoritairement constitué de comédiens américains. Onigen, le super démon/vampire du film, est incarnée quant à elle par Koyuki, une actrice et modèle japonaise découverte dans KAIRO de Kiyoshi Kurosawa avant de donner la réplique à Tom Cruise dans LE DERNIER SAMOURAI d'Edward Zwick.
Le grain de sable arrive lorsque Ronny Yu quitte abruptement le projet pour des raisons de santé. Il est remplacé au pied levé par le français Chris Nahon, qui avait dirigé pour Europa Corp. LE BAISER MORTEL DU DRAGON et L'EMPIRE DES LOUPS. S'il sauve le tournage, Nahon sera peu présent en post-production. Cette dernière est éclatée entre la France et la Chine (où le gros des effets spéciaux numériques sont conçus). En 2009, soit quatre ans après le début de sa pré-production, le film sort en catimini sur les écrans. Les difficultés de production sont ostentatoires à l'image, ce que ne manquent pas de remarquer les spectateurs et les critiques du monde entier.
Donner un avis objectif sur BLOOD : THE LAST VAMPIRE revient donc à tirer sur l'ambulance. Le scénario, quasi inexistant dans le film d'animation, est ici développé à coups de clichés et de raccourcis très nébuleux faisant laborieusement le lien entre deux scènes d'empoignades. Si les premières séquences suivent les pas de l'original, en situant son action dans un métro ou encore une base militaire, la suite du film fait de multiples aller retours entre décors contemporains et flashbacks dans la campagne japonaise. Jeon Ji-hyun est crédible lorsqu'elle prend la pose, mais elle peine à défendre un rôle qui a l'épaisseur du papier à cigarette. Pour contrecarrer le côté mutique de Saya (et sûrement pour contourner son accent anglais approximatif), notre héroïne est vite affublée d'une camarade américaine interprétée par Allison Miller (vu dans 17 ANS ENCORE de Burr Steers). Ecrite en pilote automatique, la relation entre les deux jeunes femmes tire abusivement vers le crypto lesbien.
Mais qu'importe, BLOOD : THE LAST VAMPIRE existe surtout pour nous prodiguer du spectacle inspiré des films de gloire de Hong-Kong. Si le film se montre généreux à ce niveau, enchaînant les bastons à un rythme métronomique, il ne convainc toujours pas. Les prouesses «over-the-top» du manga-live imaginées initialement par les producteurs chinois ont beaucoup de mal à s'incarner à l'écran. Sérieusement, on ne peut pas demander à une actrice «classique» les mêmes performances physiques qu'une Michelle Yeoh, même avec trois mois d'entraînement avec un célèbre chorégraphe. Ainsi, les scènes d'action usent et abusent de câbles pour aider la comédienne dans ses mouvements. Beaucoup plus gênant, le montage essaie de cacher la misère en surcoupant des plans tout en abusant d'artifices comme le ralenti/accéléré ou le strobe. Le résultat à l'écran est une marmelade visuelle totalement indéfendable. Enfin, le coup de grâce vient des effets spéciaux, totalement inexcusables pour un film de ce calibre. Le design des créatures est très discutable et prête plus à sourire qu'à frissonner. Leur représentation numérique est si catastrophique que l'image se contraste subitement à leur apparition pour masquer le plus de détails possibles. Quant aux grotesques rajouts numériques de sang dans les scènes d'actions, là encore, on frôle l'inacceptable. Il ne faudra pas compter sur l'excellent compositeur Clint Mansell pour relever la sauce, ce dernier cachetonnant une musique sans âme et passe partout.
BLOOD : THE LAST VAMPIRE est donc ce que l'on appelle un «accident industriel». Totalement irregardable en salle, le film peut cependant prétendre à une seconde chance en vidéo. Visionner le film sur un écran plus réduit permet de mieux digérer le montage à la serpe et de noyer les effets spéciaux dans l'image. Les scènes d'action sont plus agréables à regarder et le film en devient du coup divertissant. Car il faut bien reconnaître que l'on ne s'ennuie pas, le piètre scénario étant contrebalancé par un savoir faire de l'image particulièrement solide. La photographie, aux couleurs très saturées, est d'une beauté capable de nous faire prendre des vessies pour des lanternes, comme un accident de voiture complètement déraisonnable. De ratage odieux, BLOOD : THE LAST VAMPIRE peut donc se transformer en «plaisir coupable» selon le degré d'exigence du spectateur. Ce n'est pas si mal finalement…
Accueilli par un menu graphique absolument superbe, qui s'escrime d'ailleurs à remplacer les plans de sang infographiques nullisimes du film par des inserts bien plus convainquant, le DVD français édité par Pathé est d'une qualité technique optimale. L'image est parfaitement définie et restitue magnifiquement l'étalonnage extrême du film. Les pistes sonores délivrent une ambiance très péchue qui ne s'arrêtent jamais entre la musique et les bruitages. Du bon gros son bourrin prompt à décoller le papier peint de votre appartement.
Niveau bonus, le bilan est très mitigé. La première initative du disque est de proposer une version inédite du film, caviardée de scènes coupées. Il faudra pour se faire activer le bouton «entrée» de la télécommande de votre lecteur dès lors qu'une tache de sang apparaîtra sur l'écran pour déclencher la scène inédite. Un principe hérité du «lapin blanc» du DVD de MATRIX, principe franchement lourd qui nous oblige à sauter sur notre télécommande à la moindre alerte d'hémoglobine. La version inédite du film n'a pourtant pas grand chose à raconter. Seule deux scènes alternatives sont à dénombrer. La première, à 24 minutes et 40 secondes, est un remontage de la séquence du sauvetage d'Alice après l'épisode du bar. On ne retiendra que quelques coups de savates supplémentaires face à des jumeaux vampires black portant des coupes Afros (?!). La deuxième scène arrive à 32 minutes et 57 secondes : quelques plans où Saya traverse les murs, tel la pub Levi's, pour rattraper un démon. What Else, comme dirait George.
Un making-of de plus de quinze minutes nous vante minutieusement les mérites des principaux protagonistes en prenant bien soin d'éviter de parler des nombreux problèmes de production. Plus étonnant, un module sur l'étalonnage nous propose de comparer sur cinq minutes l'image du tournage et l'image finale après finalisation. Un bonus étonnant sur une discipline méconnue du grand public, dont BLOOD : THE LAST VAMPIRE est un excellent représentant. On termine la section bonus par une pelletée de bandes-annonces ciblées pour les différents pays d'exploitation, et par un étrange montage «mash-up» soit un clip du film répétant certains plans afin de créer une sorte d'alchimie electro-hip-hop. L'intérêt de ce dernier supplément nous échappe encore…