Deux jeunes américaines font du tourisme en Allemagne. A la suite d'une panne de voiture, elles trouvent refuge chez un chirurgien à la retraite. Mais l'homme, au lieu de les aider, va au contraire en profiter pour les droguer. Elles se réveillent le lendemain entravées sur des lits avec une troisième personne. Le chirurgien leur annonce qu'ils vont servir de cobayes pour une expérience d'unification des corps qu'il a surnommé «le mille-pattes humain».
Quand il s'agit de repousser les limites de l'horreur, les cinéastes de genre se contentent bien souvent de saturer des recettes déjà éprouvées en y ajoutant toujours plus de sang, plus de violence, ou plus d'hystérie… Une course à la surenchère qui est finalement devenue une véritable routine. Le néerlandais Tom Six a, de son côté, parfaitement compris le problème. Pour lui, un film d'horreur doit proposer quelque chose de totalement original pour que le spectateur n'ai aucune prise sur ce qu'il regarde. Pari réussi avec THE HUMAN CENTIPEDE, un film complètement malade et tordu qui, même s'il s'inscrit dans la lignée du cinéma de David Cronenberg ou des délires grotesques de Teruo Ishii, reste un spectacle extrêmement perturbant car novateur.
L'horreur de THE HUMAN CENTIPEDE est contenue dans son titre : il s'agit de la créature que va créer le chirurgien fou avec ses trois victimes. Son idée est d'abord de couper les tendons des genoux pour que personne ne puisse tenir debout. Ensuite, l'homme va rassembler les trois corps en les raccordant via leur tube digestif. En clair, les bouches sont cousues sur les anus ! Le concept prête d'abord à rigoler, attitude qu'adoptent d'ailleurs les trois victimes lorsque le chirurgien leur dévoile son projet. Mais une fois l'opération accomplie, une fois le «mille-pattes» assemblé, c'est dans un profond sentiment de répulsion que nous sommes plongés. Il est impossible pour le spectateur de ne pas s'imaginer à la place de l'un des «segments» de la créature.
Avec un concept aussi fou, Tom Six n'a pas besoin de tomber dans le piège du gore facile (l'opération ne dure que quelques minutes et dévoile peu d'images trash). Il préfère se concentrer sur la relation entre le chirurgien et ses victimes, une relation basée sur la domination car l'homme traite sa «création» comme un animal de compagnie, un chien en l'occurrence. Bien entendu, le pic de l'horreur est atteint lorsque la victime en tête ne peut plus se retenir de déféquer, excrément qui devra passer dans le tube digestif de la victime située derrière. Mais le pire dans tout ça, c'est que Tom Six se permet d'ajouter de l'humour dans son film. Oui, THE HUMAN CENTIPEDE est souvent drôle. L'humour fait mouche dans la première partie du métrage, avant que la «créature» ne soit assemblée. Par contre, il n'en devient que plus malsain lorsque nous sommes confrontés au mille-pattes. Nous sommes si dérangés par ce que nous voyons que nous n'avons désormais plus la tête à rire. Mais Six continue pourtant d'aligner les gags pour justement attiser le malaise jusqu'au bout.
Si l'on salue le talent détraqué de Tom Six, ou bien la photographie extrêmement élégante du film, comment ne pas s'arrêter sur la performance hors norme des acteurs (dont l'acteur et réalisateur japonais Akihiro Kitamura). Outre la promiscuité induite par leurs scènes, ces derniers se montrent extrêmement convaincants dans des situations volontairement «grotesques». La scène la plus forte les mettant en scène est une tentative d'évasion qui les oblige à monter ensemble un escalier en colimaçon. La difficulté de la synchronisation étirera leurs coutures à la limite de la rupture. Terrible ! Dans le rôle du chirurgien fou, l'acteur allemand Dieter Laser nous sert une performance étonnante, parfois à la limite de la parodie. Son physique très particulier en fait un effet spécial à lui tout seul et il se fond à merveille dans l'univers étouffant et froid du film.
En résumé, THE HUMAN CENTIPEDE est un choc ! C'est le film d'horreur que doivent visionner tous les lassés des productions contemporaines ne se reposant que sur l'hémoglobine ou les gros bruitages. Certes le film possède quelques maladresses, comme quelques clichés lors de sa partie d'exposition, mais ce ne sont que de légers bémols compte tenu de l'extraordinaire réussite du métrage. Un film à découvrir d'urgence, même s'il s'adresse à un public néanmoins averti. Tom Six a déjà annoncé qu'il travaillait sur une séquelle, THE HUMAN CENTIPEDE 2 (FULL SEQUENCE), afin d'aboutir à un double programme.