Dekogawa est un jeune romancier qui vient de connaître le succès avec un livre autobiographique nommé Dumbeast. Alors qu'il vient d'être nominé pour une prestigieuse récompense littéraire, il disparaît subitement sans donner la moindre nouvelle. Son éditeur se rend sur le lieu où il a été vu en dernier, son village natif connu pour ses tournois de Sumo, dans l'espoir de le retrouver à temps pour la cérémonie. La découverte sur place des vieux «amis» de Dekogawa donne à penser que ce dernier a été assassiné.
DUMBEAST (alias DUMB ANIMAL ou encore DONJU en japonais) est signé du célèbre scénariste Kankuro Kudo qui adapte ici sa propre pièce de théâtre. L'homme s'est distingué en signant les scripts de gros succès nippons comme GO de Isao Yukisada, PING PONG de Fumihiko Sori ou encore ZEBRAMAN de Takashi Miike. Le film est mis en scène par Hideaki Hosono, un jeune prodige de la pub et du clip qui fait ici ses débuts au cinéma, et intègre des scènes en animation que l'on doit au studio 4°C (AMER BETON). Niveau casting, on retrouve dans le rôle de Dekogawa l'excellent Tadanobu Asano (ICHI THE KILLER, TASTE OF TEA). Il est accompagné par une armada de comédiens confirmés mais pour la plupart inconnus par chez nous comme Kazuki Kitamura (LEY LINES de Takashi Miike ou encore AZUMI de Ryuhei KItamura).
DUMBEAST pourrait être vu comme un croisement entre L'ANTRE DE LA FOLIE de John Carpenter et LES DIABOLIQUES d'Henri-Georges Clouzot. L'enquête d'un écrivain disparu va mener à une série de flashbacks révélant la conspiration d'un groupe d'anciens amis n'ayant pas digéré que l'auteur se soit copieusement inspiré d'eux pour son roman à succès. Le plan d'assassinat est en route. Seul petit soucis : Dekogawa à la peau plus que dure. Qu'on l'empoisonne, l'enterre vivant, lui roule dessus en voiture ou qu'on l'attache à une voie ferrée à l'approche du train, Dekogawa revient toujours frapper à la porte du bar tenu par ses bourreaux pour boire un coup avec eux. Non seulement ce dernier ne peut pas mourir, mais il est en plus tellement abruti qu'il ne se rend même pas compte que ses compagnons veulent à tout prix le tuer. Le Dumbeast du titre, la «bête d'idiotie», c'est assurément lui.
Si Dekogawa est au centre de l'intrigue, il n'est pas pour autant le personnage principal. La narration s'attarde plutôt sur ses «amis», une bande de loosers de plus en plus démunis face aux résurrections intempestives de l'écrivain. La galerie de personnages est savoureuse dans sa caricature de certains profils purement japonais avec, entre autres, un flic pleutre totalement soumis à sa hiérarchie ou encore une irrésistible «manga-girl» raillant les looks puérils des lolitas nippones. Il faut la voir parler comme une enfant, des oreilles de lapin en permanence sur la tête, donner le biberon à sa peluche tout en parlant d'une voix fluette du meilleur moyen de tuer un être humain. La direction artistique est aussi haute en couleur que les comédiens puisque les décors sont chargés en détails bling-bling et en gadgets venant de Mars comme en raffolent les Japonais.
Si l'on a dans un premier temps un peu de mal à entrer dans le film, la faute à une narration très alambiquée et à des références locales difficiles à intégrer pour un occidental, DUMBEAST se révèle être une très bonne surprise aussi drôle que complètement déjantée. Le film carbure à l'énergie et fourmille d'idées complètement folles. Travaillé au corps, le spectateur finit par lâcher complètement prise dans cet univers absurde qui ne recule devant rien. En clair, on s'amuse et on rit beaucoup dans DUMBEAST même si on a parfaitement conscience que de nombreuses subtilités comiques nous échappent en permanence. Le film s'adresse donc en priorité aux occidentaux ayant déjà une bonne assise vis-à-vis de la culture et l'humour japonais. Le néophyte risque en effet de se retrouver complètement éberlué par ce maelstrom aussi insaisissable qu'incontrôlable. Autant dire que la probabilité de voir DUMBEAST s'exporter en occident est faible malgré les grands noms qui s'affichent au générique.