Header Critique : DOCTEUR JEKYLL ET SISTER HYDE (DR. JEKYLL AND SISTER HYDE)

Critique du film et du DVD Zone 2
DOCTEUR JEKYLL ET SISTER HYDE 1971

DR. JEKYLL AND SISTER HYDE 

Depuis plusieurs années, le Docteur Jekyll tente de combattre les maladies en proposant pour chacune d'elles un antidote fiable et salvateur. Obnubilé par son travail, l'homme prend cependant conscience qu'il ne pourra mener sa quête à son terme et qu'il lui faut viser plus haut. Jekyll se lance donc corps et âme dans la recherche du remède miracle, celui qui permettra de prolonger la vie et de défier la mort. Bien que les premiers tests semblent concluants, un ami les met en défaut sur le simple prétexte que Jekyll, épuisé, n'aurait pas été capable d'identifier le sexe de son cobaye. Enervé et sûr de lui, le bon Docteur décide alors de griller les étapes et d'ingurgiter l'étrange substance. Celle-ci n'aura malheureusement pas les effets escomptés et poussera la véritable nature de Jekyll à faire surface…

De prime abord, un titre comme DOCTEUR JEKYLL ET SISTER HYDE semble tout droit sorti d'une vaste blague faite entre potes à l'heure du repas. Et cela tombe bien puisque c'est le cas ! Du moins à l'origine car à la Hammer Films, on ne plaisante pas avec les classiques de la littérature fantastique et très vite, la chose sera donc prise au sérieux. Bien connu pour avoir été le producteur et scénariste clef des séries cultes que sont CHAPEAU MELON ET BOTTES DE CUIR et LES PROFESSIONNELS, Brian Clemens est donc choisi pour rédiger un script original remaniant l'œuvre bien connue de Robert Louis Stevenson. L'homme s'atèle à la tache avec le talent qu'on lui connaît et entend bien explorer la thématique de la dualité de l'être sous un jour plutôt osé. Ainsi, le roman d'origine explorait la face cachée et inavouable d'un individu a priori «respectable». Cette vraie nature, pulsionnelle et non-normée, n'était en réalité rien d'autre qu'une représentation de ce que Sigmund Freud nommera quelques années plus tard le «Ça». De plus en plus fragile sur le plan psychologique, le Docteur Jekyll (le «Surmoi») allait donc peu à peu céder la place à Mister Hyde, le «Ça» incontrôlable, violent et socialement inacceptable. Mais le «Ça» tel que défini par Freud ne se contente pas de n'être qu'une simple agressivité inhibée. Il est en réalité la somme des plaisirs et satisfactions réprimés, ce qui inclus bien évidemment le désire sexuel instinctif. Et c'est très précisément cet aspect qu'entend parcourir Brian Clemens lors de la rédaction de son scénario…

Le Docteur Jekyll du film sera donc un homme n'appartenant qu'à son travail et n'ayant aucun temps pour la gaudriole ou le batifolage. Mais lorsque notre homme se décidera enfin à s'ouvrir au monde et à l'amour, c'est un Hyde féminin qui se manifestera et c'est bien vers les hommes qu'iront ses préférences… Vous l'aurez donc compris, l'idée de Clemens n'était pas de livrer une énième version du mythe mais bel et bien de le réinventer afin d'aborder le thème de l'homosexualité refoulée. En soit, l'idée est déjà d'une audace fort séduisante mais le scénariste entend bien ne pas s'arrêter là. Aussi injecte-il à son histoire divers éléments issus du paysage horrifique britannique. DOCTEUR JEKYLL ET SISTER HYDE fera ainsi la part belle au personnage de Jack L'éventreur, responsable du meurtre de plusieurs prostituées. Nous noterons que ce lien entre les personnages de Jekyll, Hyde et Jack l'Eventreur sera vaguement évoqué par la suite dans l'excellent JACK L'EVENTREUR de David Wickes, et carrément exploité dans le DR JEKYLL ET MR HYDE de Gérard Kikoïne. Clemens va cependant plus loin et recycle par ailleurs l'histoire elle aussi véridique des tueurs en série Burke et Hare qui firent dix-sept victimes en seulement deux années. Ces deux comparses fournissaient en réalité des cadavres de prostituées au Docteur Robert Knox, lequel pouvait alors se livrer à ses expériences. Le cinéma a bien évidemment tiré profit de ce fait-divers macabre (LE RECUPERATEUR DE CADAVRES, L'IMPASSE AUX VIOLENCES, etc...) mais seul DOCTEUR JEKYLL ET SISTER HYDE aura su s'affranchir de la chronologie des faits pour nous proposer au final un melting-pot riche, inattendu et surtout parfaitement cohérent.

Le portage à l'écran d'un tel script aurait pu sans mal tourner au vinaigre mais là encore, la Hammer fera le bon choix. Ainsi, après avoir envisagé des réalisateurs aussi compétents que Alan Gibson, Peter Sasdy, Gordon Hessler ou même Jimmy Sangster, se sera finalement Roy Ward Baker qui sera retenu. L'homme saura s'emparer du scénario et le retranscrira en images avec un talent véritable. Certaines séquences relèveront en effet du mémorable tant elles aborderont le thème de l'homosexualité avec tact. Parmi celles-ci, nous retiendrons par exemple celle d'un Jekyll perdu, croyant qu'il est Hyde et effleurant de la main la joue de son voisin troublé. Un autre plan, tout aussi subtil, se centrera sur une horloge à coucou dont le personnage masculin disparaît dans l'ombre alors que son alter ego féminin se dévoile… Si Roy Ward Baker traite donc l'ambiguïté de son personnage principal avec finesse, il contrebalance en revanche avec une poignée d'individus aux propos et comportement bien plus «crus». Le spectateur pourra ainsi s'amuser de deux phrases relevant de la nécrophilie et, de manière plus générale, d'un manque de considération manifeste pour les cadavres. La violence et l'érotisme seront par ailleurs présents mais nous resterons là dans des proportions tout à fait «raisonnables» pour un film de la Hammer…

L'autre point fort du film se situe indiscutablement au niveau du casting, aussi cohérent que compétent. Le choix de l'acteur Ralph Bates (LES HORREURS DE FRANKENSTEIN, LUST FOR A VAMPIRE) se fera très tôt mais posera bien vite un problème : Comment trouver un pendant féminin crédible à ce Docteur Jekyll ? Devant une telle difficulté, Bates proposera d'interpréter lui-même le rôle en ce travestissant à la manière d'Antony Perkins dans PSYCHOSE. Fort heureusement, l'idée ne sera pas retenue par la production et, après avoir envisagé Caroline Munro, c'est finalement l'actrice Martine Beswick, James Bond Girl puis femme à fourrure dans UN MILLION D'ANNEES AVANT J.C., qui héritera du rôle. La ressemblance n'est de prime abord pas frappante mais force est de constater que la supercherie fonctionne de manière fort naturelle à l'écran. Il faut dire que la chose sera bien évidemment simplifiée par le fait que Jekyll et Hyde n'apparaissent jamais simultanément à l'écran… Aux côtés de ces deux acteurs, nous retrouverons quelques têtes connues comme par exemple celle de Lewis Fiander (LES REVOLTES DE L'AN 2000). Derrière la caméra, la costumière Rosemary Burrows Philip Martell fera, quant à elle, partie de l'héritage direct de LA MOMIE SANGLANTE. DOCTEUR JEKYLL ET SISTER HYDE sera en effet tourné dans la foulée de ce dernier, du 22 février au 30 mars 1971 pour être précis. Les deux films sortiront du reste dans les salles britanniques en double-programme pour un succès plus que mitigé…

Il est fort probable que cet échec commercial soit imputable au propos même du film et à sa manière de réorienter un mythe connu de tous vers des horizons alors plus «délicats». Reste qu'avec les années, c'est précisément cet aspect si particulier de DOCTEUR JEKYLL ET SISTER HYDE qui lui vaudra son aura d'œuvre phare. L'audace du projet, sa mise en scène soignée, ses acteurs impeccables et son rythme soutenu sont autant d'atouts qui font aujourd'hui du film de Roy Ward Baker un incontournable pour quiconque souhaite explorer l'univers fascinant de la Hammer.

StudioCanal a la bonne idée d'éditer une collection de cinq titres dédiée à la célèbre maison de production britannique. Parmi eux, ce DOCTEUR JEKYLL ET SISTER HYDE s'impose à nos yeux comme l'achat indispensable du lot. La copie proposée ne fait qu'abonder dans ce sens puisqu'elle s'avère plutôt agréable. Le ratio cinéma 1.85 est ici conservé et bénéficie en outre d'un encodage 16/9ème très satisfaisant. La définition est bonne, les noirs suffisamment profonds et les couleurs globalement belles. Quelques artefacts pourront être relevés mais se seraient là faire la fine bouche face à cette copie d'une propreté assez étonnante. Nous noterons par ailleurs, là encore de manière pointilleuse, que le générique d'introduction manque quelque peu de stabilité…

Sur le plan sonore, nous retrouverons sur le disque la version originale anglaise mais aussi le doublage français d'époque. Ces deux options étaient déjà disponibles sur l'édition Anchor Bay que nous avions chroniqué il y a plusieurs années de cela. L'ajout de cette galette française se situera donc au niveau du sous-titrage en langue de Molière qui vous sera imposé si vous optez pour un visionnage en version originale. Ces sous-titres sont de qualité, tout comme les deux pistes sonores mono encodées sur deux canaux. Les dialogues sont parfaitement clairs et restitueront à merveille l'ambiance du métrage. L'option anglaise reste bien évidemment à privilégier mais force est de constater que le doublage s'en sort avec les honneurs et permet une découverte dans d'assez bonnes conditions.

Le «hic» de cette édition se situe en fait au niveau des bonus puisque, comme les autres films de la collection, DOCTEUR JEKYLL ET SISTER HYDE s'est vu débarrassé des suppléments qui l'accompagnaient en Zone 1 (aux Etats-Unis). Nous perdons ainsi la bande-annonce, les spots radio, les biographies mais aussi et surtout le sympathique commentaire audio que proposait le disque Anchor Bay. Dommage, nous devrons donc nous contenter d'une galerie de quatorze images comptant les photographies d'exploitation ainsi que deux affiches d'époque. Nous noterons au passage que la première de ces photographies est l'une des images les plus célèbres du film. Elle met côte à côte l'acteur Ralph Bates et son double «obscur» Martine Beswick ce qui, comme nous l'avons dit, n'arrivera à aucun moment dans le métrage…

Rédacteur : Xavier Desbarats
Photo Xavier Desbarats
Biberonné au cinéma d'action des années 80, traumatisé par les dents du jeune Spielberg et nourri en chemin par une horde de Kickboxers et de Geishas, Xavier Desbarats ne pourra que porter les stigmates d'une jeunesse dédiée au cinéma de divertissement. Pour lui, la puberté n'aura été qu'une occasion de rendre hommage à la pilosité de Chuck Norris. Aussi, ne soyons pas surpris si le bougre consacre depuis 2006 ses chroniques DeViDeadiennes à des métrages Bis de tous horizons, des animaux morfales ou des nanas dévêtues armées de katanas. Pardonnez-lui, il sait très bien ce qu'il fait...
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L'édition vidéo
DR. JEKYLL AND SISTER HYDE DVD Zone 2 (France)
Editeur
Support
DVD (Double couche)
Origine
France (Zone 2)
Date de Sortie
Durée
1h33
Image
1.85 (16/9)
Audio
English Dolby Digital Mono
Francais Dolby Digital Mono
Sous-titrage
  • Français
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