Ecrivain et journaliste, John Verney publie des ouvrages enquêtes sur les milieux de l'occulte et des sectes sataniques. Pour lui, la majeure partie des adorateurs du diable sont de gentils illuminés et seule une partie d'entre eux sont beaucoup plus dangereux. C'est justement à ceux-ci qu'il va être confronté le jour où un homme vient lui demander d'aller récupérer sa fille à l'aéroport…
Dernière production horrifique de la célèbre maison de production britannique, Hammer Film, UNE FILLE POUR LE DIABLE a connu une production chaotique qui aurait pu mener le métrage vers un total naufrage artistique. Pourtant et contre toutes attentes, le film s'avère plutôt plaisant et ce malgré tous les soucis rencontrés lors de sa création…
Au début des années 70, le producteur Anthony Nelson Keys et l'acteur Christopher Lee s'associent pour monter une structure de production qui se nommera Charlemagnes Production. Hélas pour les deux hommes, cette entreprise ne va pas connaître le succès et sera obligée de fermer boutique peu après le flop de leur premier film, NOTHING BUT THE NIGHT, coproduit avec la Rank. Entre sa création et sa chute, Charlemagnes Production a tout de même acheté des droits d'ouvrages dont plusieurs de Dennis Wheatley («The Haunting of Toby Jugg», «The Satanist»…). L'écrivain avait par ailleurs écrit le livre original sur lequel se basait LES VIERGES DE SATAN. Ce dernier fut donc produit au sein de la Hammer Film par Anthony Nelson Keys avec, dans le rôle principal, Christopher Lee. Pourtant, si le producteur propose à plusieurs reprise à la Hammer de s'associer en vue de produire un nouveau métrage d'après les écrits de Dennis Wheatley, le patron du studio britannique ne donne pas suite. Il faudra attendre quelques années et l'arrivée sur les écrans de L'EXORCISTE de William Friedkin. Puisque possession démoniaque et satanisme sont alors à l'ordre du jour, la Hammer Film s'intéresse de plus près aux ouvrages de Dennis Wheatley, une partie de sa production étant dédiée à des thrillers occultes habités par des sectes sataniques. Trois ouvrages seront donc en vue pour des adaptations et Anthony Nelson Keys et Christopher Lee se voit donc offrir un pourcentage sur les recettes en compensation des droits cinématographiques qu'ils détiennent. L'acteur est, au passage, directement engagé pour incarner l'ecclésiastique principal de l'histoire de TO THE DEVIL… A DAUGHTER, première adaptation choisie pour ce qui aurait pu déboucher sur une trilogie démoniaque dédiée aux ouvrages de l'auteur.
Mais en 1974, la Hammer Film est mal en point. L'industrie cinématographique anglaise connaît une crise. Dans le registre horrifique, cela fait déjà plusieurs années que la maison de production britannique est confrontée à des concurrents directs alors que les spectateurs ont des attentes qui ont largement changé. Il devient donc assez difficile de trouver des partenaires financiers pour monter des films. La mise en chantier de TO THE DEVIL… A DAUGHTER va ainsi traîner quelque peu. A tel point que le producteur Anthony Nelson Keys, déjà dépité par la chute de Charlemagnes Production, abandonne le film et met un terme à sa carrière cinématographique. La moitié du budget du film, déjà largement revu à la baisse, est trouvée auprès de EMI qui a déjà travaillé en partenariat avec la Hammer Film. Il manque toutefois l'autre moitié du financement qui sera trouvé en cours de route. La production se met tout de même en place et un premier script est rédigé par le scénariste John Peacock. A la recherche d'argent, le projet est présenté à l'A.I.P. qui montre sa désapprobation envers ce premier jet. Le patron de la Hammer Film fait alors réécrire le scénario par Christopher Wicking alors que l'A.I.P. ne participera jamais au film. Situation ironique, EMI désapprouve certaines idées du nouveau script menant à de nouvelles altérations. Pour corser l'affaire, de son côté, l'auteur Dennis Wheatley se plaint durement du scénario qu'on lui a envoyé en soulevant le fait que l'histoire originale n'a plus rien à voir avec ce qui sera porté à l'écran. A ce moment là, le film n'a pas encore de réalisateur attaché au projet. Des noms sont envisagés tels que Don Chaffey, Peter Collinson, Michael Apted, Peter Sasdy, Don Sharp ou encore Mike Hodges. Finalement, ce sera Peter Sykes qui sera engagé, le patron de la Hammer Film ayant confiance en lui et ayant apprécié son travail sur DEMONS OF THE MIND. De plus, contrairement aux autres cinéastes, il est disponible immédiatement. Toutefois, l'arrivée de Peter Sykes sur le film va s'avérer un choix malencontreux puisque la production déjà indécise de TO THE DEVIL… A DAUGHTER va connaître de sérieux problèmes…
Le choix des acteurs va aussi être assez épineux. Car si aujourd'hui Richard Widmark incarne le héros du film, l'acteur hollywoodien n'était pas vraiment le premier choix. Bien au contraire puisque Stacy Keach, John Philip Law ou bien Richard Chamberlain sont approchés sans succès. De même, à la Hammer Film, on rêve de donner le rôle principal à Cliff Robertson ou Richard Dreyfuss. Finalement, ce sera donc Richard Widmark dont l'engagement aurait mené à revoir à la baisse le montant alloué pour d'autres acteurs. Comme pour Peter Sykes, l'arrivée de Richard Widmark va provoquer un regain de tension inattendue. Aux côté du comédien, on trouve de solides seconds rôles tel que Denholm Elliott, Honor Blackman ou encore Michael Goodliffe, ce dernier remplaçant au pied levé David Warner qui vient de se désister. Reste encore à donner le rôle de la jeune héroïne de l'histoire. Jenny Agutter, Lesley-Anne Down ou même Olivia Newton John sont pressenties mais un événement va changer la donne. In extremis, alors que EMI menace de ne plus financer le film si la production ne démarre pas rapidement, la Hammer Film trouve le reste du budget auprès d'une société allemande, Terra Filmkunst. L'arrivée de capitaux allemands mène à devoir se plier à une concession, celle d'engager au moins un acteur local. L'arrivée de la débutante Nastassja Kinski sur le film est ainsi scellée. Au passage, Peter Sykes en profite pour rencontrer son père, Klaus Kinski, en vue de lui proposer d'apparaître dans le film. Le comédien allemand ne sera jamais engagé ce qui aurait pourtant pu donner des allures encore plus catastrophiques à ce qui allait suivre !
Persuadé que tout est en place et faisant toute confiance au réalisateur Peter Sykes, le dirigeant de la Hammer Film, Michael Carreras, part au Japon et aux Etats-Unis en vue de rencontrer la Toho et la Columbia pour monter un film de monstre géant, NESSIE, qui ne verra finalement jamais le jour. Pendant ce temps, les sérieux problèmes commencent puisque Peter Sykes décident de faire réécrire le film par un autre scénariste, Gerald Vaughan-Hughes, qui va donc s'acquitter des retouches alors que le film est en cours de tournage. Une décision qui va mener le métrage à prendre une direction différente de celle voulu à l'origine par la Hammer Film. Ces réécritures vont d'ailleurs donner une raison de plus à Richard Widmark d'être exécrable sur le tournage tout en menaçant régulièrement de reprendre l'avion pour les Etats-Unis en lâchant le film en cours de route. Le comédien se plaint aussi de Nastassja Kinski qu'il trouve inexpérimenté et il en profitera pour la gifler réellement durant le tournage d'une scène, et ainsi la faire pleurer tel que prévu dans l'histoire. L'agenda de Christopher Lee l'empêche d'être présent à la même période que Richard Widmark, cela force les deux acteurs à plier les scènes qu'ils ont à jouer ensemble dans un temps très court.
Enfin, le plus bizarre dans cette production chaotique reste la scène qui vient conclure le film. En effet, EMI impose au film de se conclure par une séquence simpliste. Trouvant la chose peu concluante, Peter Sykes va tout de même tourner avec Christopher Lee une fin alternative donnant un côté un peu spectaculaire. Cette fin va étrangement disparaître et ne sera jamais finalisée, ni même montée dans le film. A son retour en Angleterre, Michael Carreras découvre donc le montage final et prend conscience que le métrage a échappé à tout contrôle. Quasiment toutes les personnes qui ont participé au film ainsi que l'écrivain du livre original ne manqueront pas d'éprouver leur ressentiment face à l'oeuvre terminée. TO THE DEVIL… A DAUGHTER sera tout de même distribué dans les salles en 1976 sans succès et il sortira en France sous le titre UNE FILLE POUR LE DIABLE. Malgré son contenu plutôt explicite, il va pourtant faire partie des très rares films d'horreur de la Hammer Film a avoir été diffusé en première partie de soirée à la télévision française durant les années 80 (avec le carré blanc). La Hammer Film verra par la suite tous ses projets cinématographiques tomber à l'eau (NESSIE, VAMPIRELLA…) mais produira tout de même dans une situation très précaire un remake d'un film d'Alfred Hitchcock, UNE FEMME DISPARAIT. La Hammer Film s'orientera ensuite vers des anthologies télévisées avant d'être rachetée dernièrement par un néerlandais ce qui finit de mettre un terme à la branche historique et familiale du studio.
En suivant l'histoire de la création de UNE FILLE POUR LE DIABLE, il apparaît difficile de croire que le film puisse tenir la route. Et pourtant, s'il ne s'agit pas de l'un des chef d'œuvre de la Hammer Film, le métrage de Peter Sykes se laisse regarder sans déplaisir. L'intrigue est bien marquée de l'influence de Dennis Wheatley et s'inscrit de manière très logique dans le registre des VIERGES DE SATAN. Les deux films ont d'ailleurs un canevas et un enjeu relativement semblables. Le cœur de l'intrigue réside dans un rituel occulte dans lequel doit être utilisée une jeune femme. On retrouve aussi les pouvoirs maléfiques du vilain qui en use pour arriver à ses fins. Il y a néanmoins quelques différences qui permettent de démarquer UNE FILLE POUR LE DIABLE du fameux LES VIERGES DE SATAN. Passons sur le fait que le héros n'utilise pas une «magie» bénéfique pour contrer son adversaire pour évoquer surtout le cadre nettement influencé par la religion catholique. A cet effet, l'intrigue détonne en présentant des prêtres, bonnes sœurs ou médecins dans des situations à contre-emploi. Religion, science et rituels étranges offrent ainsi un bien curieux mélange. Enfin, on notera que le film se fait bien plus racoleur que son prédécesseur en terme de sexe et de scènes chocs. Cela mène ainsi la très jeune Nastassja Kinski a se montrer intégralement nue dans le film. De même qu'un rituel se transforme en sorte de partouze où l'on peut d'ailleurs voir aussi Christopher Lee dans le plus simple appareil. En apparence du moins puisque les images montrant l'acteur sans vêtement ont été tournées avec la doublure habituelle du comédien, Eddie Powell. Celui-ci sera d'ailleurs tellement gêné par cette performance qu'il n'en parlera pas, à l'époque, à sa femme. L'horreur se veut aussi un peu plus crue avec l'adjonction d'un accouchement assez particulier. Avec de tels ingrédients UNE FILLE POUR LE DIABLE peut difficilement rivaliser avec le plutôt «classe» LES VIERGES DE SATAN. Il n'en reste pas moins un métrage qui allie des séquences plutôt bizarres à des cérémonies tout aussi étranges qu'incongrues. De quoi donner un certain intérêt à une intrigue qui avance plutôt sans ennui, malgré quelques scènes de dialogues pas vraiment convaincantes, et offrant donc un petit divertissement coupable. Seules grosses fausses notes dans l'ensemble, l'aspect par endroit un peu fauché ou encore l'épilogue qui détonne carrément dans sa conclusion, de plus, auréolé d'effets optiques aujourd'hui un peu risible.
Déjà disponible depuis des lustres en DVD dans la plupart des autres pays, UNE FILLE POUR LE DIABLE sort en France au sein d'une collection de cinq métrages produit par la Hammer Film à la fin de sa prestigieuse carrière. Studio Canal nous propose ainsi de revoir le film dans une copie plutôt jolie mais sur laquelle on notera ici ou là quelques petits défauts de pellicule anecdotiques (tâches, points blancs…). Cadré en 1.78 (donc littéralement en 16/9), certaines séquences, particulièrement à la fin du film, offre pourtant des cadrages légèrement différents. Ainsi, par endroit, des bandes noires viennent réduire le cadre et ce de façon non uniforme. Cette étrangeté n'est pas vraiment visible sur la plupart des téléviseurs mais apparaître déjà un peu plus sur des diffuseurs de grandes tailles. L'ensemble est, en tout cas, d'excellente facture dans ce transfert 16/9 qui respecte plus ou moins le format cinéma d'origine. Difficile de s'étendre sur les pistes audio. Les deux sont dans un mono d'origine sans éclat particulier. L'une étant en version originale anglaise sous-titrée alors que l'autre propose, évidemment, le doublage français.
En ce qui concerne l'interactivité, il n'y aura pas de perte de temps puisque la seule option supplémentaire proposée est une galerie de photos. Pas vraiment conséquente, elle ne propose que cinq petits clichés. Les Américains faisaient mieux puisqu'ils proposaient en 2002 des interviews de Christopher Lee ou bien du réalisateur. En tout cas, si les bonus sont ici quasi inexistants, il faut tout de même souligner le prix de vente, fixé à environ dix euros, qui s'avère des plus attractif !