En 2019, après une Troisième Guerre mondiale, le monde n'est plus qu'un champs de ruines où tentent de survivre les derniers représentants de la civilisation. Mais les «Templars», un groupe de barbares vindicatifs, ont dans l'idée de «finir le travail» et ainsi d'éradiquer le reste de l'humanité. Heureusement, un héros solitaire rôde dans les parages, dernier espoir d'une planète à l'agonie.
LES NOUVEAUX BARBARES est l'un des piliers (involontaires ?) de la vague des sous-MAD MAX 2 qui ébranla le cinéma italien au début des années 80. Le film est réalisé par Enzo G. Castellari, un artisan déjà rompu aux effets de mode de l'industrie pour être passé du western (comme KEOMA) au polar (THE BIG RACKET), en passant par le sous-DENT DE LA MER (LA MORT AU LARGE) ou encore le film d'aventures (SINBAD OF THE SEVEN SEAS, un naufrage avec Lou Ferrigno et finalisé par Luigi Cozzi). Au milieu d'une filmographie dans l'ombre des grands succès du moment, Enzo G. Castellari imprime ses mains dans le ciment du «Hall of Fame» des fans de Bis en signant coup sur coup LES NOUVEAUX BARBARES ainsi que LES GUERRIERS DU BRONX et LES GUERRIERS DU BRONX 2. Du grand cinéma pas piqué des hannetons, faisant les grandes heures des gourmets de l'exploitation venue d'un autre temps.
LES NOUVEAUX BARBARES est une relecture assez scolaire du film de George Miller. Tout y est : les survivants sans défense campant autour d'un car, la meute de brutes sanguinaires parcourant le monde à bord de véhicules trafiqués de gadgets meurtriers (dirigée par l'inénarrable George Eastman), un chevalier solitaire à bord de sa voiture «turbo» qui va prendre le parti des opprimés (Giancarlo Prete, acteur à la présence discutable), le copain du héros qui va filer un coup de main (interprété par la star américaine au chômage qui vient cachetonner sa maigre pitance, ici Fred Williamson), un enfant sauvage (et spécialiste en mécanique), sans compter la jolie donzelle qui sait rester propre et coquette malgré le bourbier ambiant (Anna Kanakis, ancienne Miss Italie) et qui finira dans le lit plastifié éclairé au néon vert du personnage principal (une scène de sexe gratuite pour le coup absente de MAD MAX 2). A première vue, rien de très intéressant sous le soleil de la contrefaçon. Mais c'est sans compter le «plus produit» de la version de Castellari : un mauvais goût qui ne doute de rien.
La direction artistique des NOUVEAUX BARBARES est un poème. Le futur ravagé (ou presque, comme en témoignent certains jolis plans de la campagne italienne) est reconstitué de bric et de broc entre une poignée de figurants avec une tendance au kitsch futuriste qui inonda les salons «à la mode» dans les années 70, caractérisé par l'omniprésence de l'immaculée et du plastique transparent. Finis les peaux de bêtes et les ensembles sadomaso de MAD MAX 2, LES NOUVEAUX BARBARES préfère habiller ses vilains de sorte de tenues de football américain blanches identiques. Comment reconnaître alors les différents méchants ? C'est bien simple, à la coupe de cheveux ! Amis créateurs capillaires, vous qui rêvez d'inventer la nouvelle coiffure qui supplantera la coupe «Tektonik», ce film vous donnera sans aucun doute moult inspirations. Ce qui nous amène à parler maintenant du plastique transparent bombé que l'on retrouve aussi bien sur les véhicules (comme cette espèce d'aquarium sur le toit de la voiture du héros) que sur les costumes (formidable corset de gladiateur sur le torse de notre preux chevalier lors du final). On aura rarement vu si laid au cinéma, et ce n'est pas la coque «bling-bling» de Fred Williamson qui viendra nous contredire.
Bien entendu, la tentation de l'ironie est grande devant ce spectacle désuet et fauché, au scénario stupide et à l'interprétation caricaturale. Ce sera pourtant faire l'impasse sur le soin apporté au scope du film, la générosité de l'action et des cascades (que Castellari filme comme à son habitude en ralenti alterné à la Peckinpah), la musique disco du «Goblin» Claudio Simonetti au charme vintage indéniable, ainsi que les idées un peu folles qui maintiennent l'intérêt malgré un rythme souffrant de nombreux ventres mous. Le plus amusant est sans aucun doute la voiture de notre héros qui révèle les pièges les plus insensés. Un méchant envoie une bombe aimantée sur la portière de notre preux chevalier ? Un simple bouton permet d'éjecter cette même portière au visage du malotru pour qu'il explose. Toutes ces inventions sont à mettre au crédit de notre mécano de huit ans, une aberration supplémentaire qui ajoute du cachet à l'ensemble.
Cela suffit-il à faire des NOUVEAUX BARBARES une oeuvre culte alternative très bien placée dans le coeur de nombreux cinéphiles déviants ? Bien entendu, non. Pour marquer les esprits, le film se pare d'une bonne dose de provocation homosexuelle histoire de choquer le spectateur mâle hétéro. Car si MAD MAX 2 sous-entendait que son méchant punk était gay, Castellari fait plus fort en faisant de l'intégralité de sa troupe de barbares des exterminateurs homosexuels ! Comme le dit clairement George Eastman en déchirant une bible, les «Templars» sont là pour éviter que l'humanité se reproduise. Notre héros est quant à lui un ancien «Templar» (gay) devenu gentil (hétéro). Capturé par ses ennemis, Eastman ne manquera pas de lui rappeler d'où il vient en le sodomisant au cours d'une séance de torture. Sodomie, le mot est lâché ! LES NOUVEAUX BARBARES ose montrer son héros se faire malmener le fondement par son némésis grimaçant dans une séquence qui étonne autant qu'elle prête à rire par sa caricature. Une caricature qui ne sera cependant pas au goût de tout le monde, tant le discours «choc» flirte plus que de raison avec l'homophobie pure et simple. C'est d'autant plus gênant lors du final du film, où le héros se vengera de son adversaire (attention à la pénétrante révélation) en lui embrochant le postérieur sur une vrille géante.
Les amateurs d'exploitations ont depuis longtemps l'habitude de faire abstraction des contenus les plus réactionnaires pour profiter pleinement des métrages les plus décalés. LES NOUVEAUX BARBARES en propose une bonne tranche, de décalage, malgré ses positions très douteuses qui ternissent quelque peu la rigolade générée par l'ensemble. Qu'importe, le titre a déjà été élu sur internet «meilleur film à regarder en se bourrant la gueule entre amis» ! Quant au cinéphile alternatif, il pourra aisément préférer d'autres efforts transalpins plus trépidants (comme 2019 APRES LA CHUTE DE NEW YORK), même si la vision des NOUVEAUX BARBARES reste une étape obligée pour tout amateur de post-nuke qui se respecte.
LES NOUVEAUX BARBARES est disponible dans différentes éditions DVD de par le monde. Le disque français, que nous chroniquons ici, est sans aucun doute l'un des pires du marché ! Copie à la propreté douteuse, image au format mais non anamorphosée pour le 16/9, doublage français uniquement (et au niveau sonore inégal), et absence totale de bonus (même pas une petite bande-annonce). Un travail d'orfèvre pour un DVD à bas prix destiné à l'arrière-boutique des kiosques. Les amateurs anglophones préfèreront se reporter sur le disque américain, à l'image anamorphosée, et riche en bonus avec notamment un commentaire audio de Enzo G. Castellari.