Si très souvent la dénomination "post-apocalyptique" renvoie aux oeuvres qu'engendra, au début des années 80, MAD MAX 2 de George Miller, on oublie trop souvent que ce genre existait auparavant et donnait d'autres films qui traitaient à leur façon des éventuelles conséquences de l'apocalypse. Dès la fin des années 50 et jusqu'au début des années 70, le cinéma de science-fiction suivant les courants de pensée d'alors, développa tout un côté écologique en portant à l'écran ce sujet douloureux. Parmi toutes les oeuvres du genre, on se souviendra, par exemple, de LA BOMBE de Peter Watkins, signé en 1965. Un film qui se rapproche du JOUR D'APRES de Nicholas Meyer puisqu'il s'agit d'un efficace pseudo-documentaire traitant de l'holocauste nucléaire et de ses terribles conséquences.
Si tous ces films mettent le plus souvent en scène une poignée de survivants errant dans des villes ravagées, désertes ou non, en quête d'une nouvelle humanité, peu si l'on excepte LA BOMBE, avaient réellement mis en images toute l'horreur d'un tel cauchemar en dépeignant non seulement la catastrophe elle même, le feu nucléaire, son souffle dévastateur mais également les instants immédiats qui suivent l'horreur et ses effroyables conséquences sur les malheureux survivants, victimes de la folie de nos puissants dirigeants. Jusqu'alors la seule représentation que le cinéma nous avait donnée des malheureuses victimes rescapées du cataclysme était certes marquante mais restait encore ancrée dans une certaine fiction. Entre autres exemples, le cinéphile a encore en tête les effrayants monstres mutants du japonais NOSTRADAMUS FIN DU MONDE AN 2000. Beaucoup moins efficaces sont, en ce sens, les habituelles hordes de punks barbares bardés de cuir qui dans les années 80 allaient devenir l'esquisse type du rescapé post-atomique.
A son époque, LE JOUR D'APRES fut donc une véritable bombe, si l'on peut dire, dont on comprend aisément l'impact qu'elle eut jadis sur le public américain. Pour la première fois sur un écran de télévision, on assistait non seulement au lancement de bombes nucléaires sur le pays mais aussi aux conséquences directes sur l'homme tant physiques, morales que sociales.
Attaché de presse sur LOVE STORY, ce qui lui donna l'occasion de signer son premier ouvrage The Love Story's Story, Nicholas Meyer est écrivain, scénariste et réalisateur. Il porte ainsi l'un de ses livres à l'écran avec SHERLOCK HOLMES ATTAQUE L'ORIENT EXPRESS ou bien signera la réalisation de C'ETAIT DEMAIN avec Malcolm McDowell avant de s'engager dans STAR TREK LA COLERE DE KHAN. C'est à ce moment, que le cinéaste va être engagé par ABC pour tourner LE JOUR D'APRES. Il ne s'agit en rien d'un projet personnel à l'origine puisque l'idée de départ vient de l'un des dirigeants de la chaîne qui avait été impressionné à la vision du SYNDROME CHINOIS de James Bridges narrant une histoire inquiétante au sein d'une centrale nucléaire. L'écriture en est confiée au scénariste Edward Humes et la copie qu'il remet commence à poser des problème quant à la destination du programme. En effet, l'exposition sans fard des victimes d'une explosion nucléaire n'a rien d'images facile à passer sur les petits écrans. Le scénario va d'ailleurs traîner durant quelque temps et essuyer le refus de plusieurs réalisateurs avant que ABC n'engage Nicholas Meyer. Le réalisateur posera dès le départ la condition de ne pas voir la chaîne interférer sur le film et donc en adoucir le contenu. Prévu à l'origine comme un programme conçu en deux parties de deux heures, il y aura toutefois des points de désaccord concernant la durée, Nicholas Meyer ayant le sentiment qu'il serait difficile aux téléspectateurs de rester deux soirs de suite devant un tel spectacle. Finalement, LE JOUR D'APRES durera environ deux heures et demie sans la publicité.
L'action se déroule à Kansas City. Alors que les radios et télévisions ne cessent de diffuser des communiqués alarmants sur la crise qui sévit en Allemagne, les citoyens vaquent à leurs occupations habituelles. Mais très vite, les pires craintes deviennent réalité. En réponse aux missiles envoyés par les USA, les Soviétiques lancent des bombes nucléaires sur l'Amérique. C'est alors l'horreur. Un gigantesque champignon éclaire le ciel, dévastant le pays en quelques minutes. Les quelques centaines de rescapés vont désormais devoir survivre face aux horribles conséquences de cette attaque...
Le film se divise en trois parties. Prenant comme noyau de son intrigue la ville de Kansas City, les cinquante premières minutes suivant le schéma récurrent à ce type de cinéma catastrophe, s'attachent à présenter un échantillon d'individus de différentes couches sociales représentant la population. On a donc un jeune étudiant, un docteur, une famille d'agriculteurs, un policier noir... avec lesquels Nicholas Meyer nous familiarise avant qu'on ne les retrouve dans un contexte post-apocalyptique. Trop souvent, ce type de représentation s'éternise en d'ennuyeuses palabres, allant de romances futiles en saynètes sans grand intérêt, le spectateur languissant n'attendant plus qu'une chose, la catastrophe elle même. Ici, Meyer parvient à rendre ses personnages attachants par le biais de leurs habitudes, leurs travers et leurs manies, et sait retenir notre attention par sa simplicité en les filmant dans leur quotidien, simple tranche de vie de personnes tout à fait communes. Pas de lourdeur ni d'insistance inutile, on partage la vie d'un groupe de citoyens de la façon la plus naturelle qui soit, naturel que Meyer retranscrit de manière convaincante à l'écran tant et si bien que jamais l'ennui ne s'installe ou que le temps ne semble long.
Peu à peu, Nicholas Meyer fait monter la tension, les communiqués radiophoniques et télévisés se faisant de plus en plus inquiètants. Cette tension mêlée d'angoisse, le cinéaste la traduit de façon réaliste avec des gens encore sceptiques scotchés à leur poste ou bien au travers d'une foule d'étudiants partagés entre incrédulité ou indifférence. Ainsi une femme se donne à fond à ses tâches quotidiennes pour cacher sa peur ou bien un futur époux va chez son coiffeur, le coeur plein d'espoir. Certains plus précautionneux se préparent à une eventuelle catastrophe, aménageant leur cave en abri de fortune, pressentant que la folie humaine est sur le point d'exploser. Rien ne trahirait donc réellement le déroulement de ces terribles événements si ce n'était ces interminables bouchons se créant le long des routes ou ces ruées frénétiques dans les grands magasins afin de s'approvisionner au maximum.
Cela nous mène à la deuxième partie du métrage, la plus courte disons le, qui voit le fascinant et terrifiant enchainement de champignons nucléaires enflammer le ciel. Le moment tant redouté vient s'abattre sur l'Amérique. Rarement pareille catastrophe sera aussi impressionnante, les images d'une incroyable force atteignant une dimension alors jamais atteinte à l'écran. Hormis les effrayantes images des champignons se succédant, nous assistons à une suite d'explosions phénoménales qui tel un ouragan dévastateur, dans une lumière aveuglante, balaient tout sur leur passage. Les corps foudroyés sont déchiquetés quand ils ne se transforment pas instantanément en effroyables squelettes s'incrustant dans l'image noyée dans des palettes de tons rouge écarlate et jaune violent. Le spectacle en deviendrait presque fascinant, ce qui perdra d'ailleurs un jeune garçon, les yeux brûlés par les éclairs aveuglants. Ce sont également les cris et hurlements se mêlant aux décombres et aux ruines qui s'amoncellent, les émeutes impressionnantes, les mers de flammes qui en quelques minutes viennent de détruire l'humanité. L'holocauste grâce aux effets spéciaux étourdissants de Robert Blalack à qui on devait déjà ceux de WOLFEN, n'a jamais semblé si réel, si effroyable. Au vu de ces séquences d'une horreur sans nom, on comprend mieux la peur quasi divine que LE JOUR D'APRES provoqua à son passage sur les chaines américaines. On avait rarement été confronté à des images si puissamment efficaces. Jamais le mot "cauchemar" n'avait si bien été illustré, prenant soudainement tout son abominable sens.
La troisième partie est traitée cette fois comme un documentaire, tragique et bouleversant, le titre du film prenant dés lors toute sa signification. C'est sur des terres dévastées recouvertes d'une épaisse poussière blanche mélée aux cendres retombant telle de la neige qu'erre ce qu'il reste de l'humanité, terré dans des abris ou des caves afin d'échapper aux radiations, oubliant le temps, reclus comme des bêtes parfois, condamné à une lente agonie. Nicholas Meyer insiste sur le comportement de chacun notamment sur ces échantillons de citoyens qu'il nous avait présentés. C'est la peur, la terreur, le désespoir et la mort lente, très lente, ponctuées d'images chocs sur des cadavres atrocement brûlés, ces corps carbonisés coincés dans les décombres de villes en ruine s'étendant à perte de vue. Le cinéaste met l'accent sur les mutilations, les dégradations, les maladies, chacun se raccrochant à ce qu'il peut, aussi futile que cela puisse parfois sembler, toutes les valeurs ayant changé en l'espace de quelques minutes. Ce qui n'avait que peu d'importance devient soudainement quasiment vital, symbole d'une autre vie pourtant encore toute proche, ultime souvenir auquel on se raccroche afin de pouvoir continuer.
Par instants, LE JOUR D'APRES devient bouleversant. Nicholas Meyer n'évite pas pour autant l'écueil inévitable du sentimentalisme bon marché, chacun oubliant ses rancoeurs et ses différends. On se réconcilie dans le drame et la douleur. Mais le cinéaste le fait de manière toujours aussi simple, cette simplicité qui semble être le mot d'ordre du film. Jamais lourd, jamais insistant ou mièvre, toujours naturellement touchant, le film ne pouvait éviter, bien évidemment, de mettre en exergue la bassesse de l'homme mû par son instinct de survie. On assiste par conséquent aux habituels pillages de magasins. LE JOUR D'APRES se terminera pourtant sur une note d'espoir, une femme mettant au monde un bébé, symbole d'une aube nouvelle.
Après son passage télévisé aux USA, ce qui provoqua de vifs débats, le film fut distribué en Europe dans les salles de cinéma et c'est peut être là un tort, les téléfilms souffrant souvent de leur passage du petit au grand écran, le format et la mise en scène n'étant pas du tout conçus pour les salles obscures. Si tout le propos du film demeure, il perd beaucoup en puissance émotionnelle et force de persuasion.
Réalisé avec sobriété, interprété de façon très juste par une jolie brochette d'acteurs dont le vétéran Jason Robards (APOCALYPSE 2024, JOHNNY S'EN VA-T-EN GUERRE...), JoBeth Williams (POLTERGEIST...), John Lithgow (MANHATTAN PROJECT, 2010...) ou encore Steve Guttenberg, Nicholas Meyer a indéniablement atteint son but en signant un film féroce et sans concession, une oeuvre cohérente et surtout d'une belle honnêteté. Avec intelligence et pudeur, il a su créer un réel climax sans pour autant se retrancher derrière les effets spéciaux et les maquettes de paysages désolés. C'est dans ce refus du spectaculaire que LE JOUR D'APRES puise sa force. On appréciera aussi le fait que Meyer ne prend jamais parti pour quiconque, se contentant de montrer, de constater et de faire prendre simplement conscience de la menace qui plane sur nos têtes.
D'une incroyable efficacité, LE JOUR D'APRES brille par son réalisme qui ne pourra laisser personne indifférent. On ne peut par ailleurs nier l'effrayante prise de conscience qui résulte des images de ce film qu'on espère à jamais prémonitoire.
Le DVD français des plus basiques nous propose le film dans son format d'origine, en plein cadre et donc 4/3, en son mono d'origine (encodé sur deux canaux) et uniquement en version française. L'amateur risque d'être décu par la qualité du disque qui n'est guère meilleure que celle d'une vieille VHS, le transfert semblant de plus avoir été fait à partir d'une bande vidéo laissant à désirer. Ceci donne une image vieillie et de piètre qualité, parfois granuleuse, aux couleurs pâlottes assez désagréables et indigne d'un tel film. Certaines séquences s'en trouvent donc amoindries notamment toute la partie relatant l'explosion. Le travail remarquable de Robert Blalack n'est donc à aucun moment mis en valeur. Il va sans dire que l'édition ne propose strictement aucun bonus.