Depuis la création de Dracula par Bram Stoker, l'œuvre la plus connue mettant en scène un vampire a été adapté à toutes les sauces et sous toutes les formes. La télévision n'est pas en reste et l'Angleterre, grande productrice de dramatique télévisée adaptera le Comte Dracula à plusieurs reprises. Ainsi, dans les années 70, Jack Palance deviendra le fameux aristocrate buveur de sang devant la caméra de Dan Curtis pour un téléfilm qui sera diffusé en France dans les salles sous le titre de DRACULA ET SES FEMMES VAMPIRES. La BBC n'attendra qu'une poignée d'années avant d'adapter de nouveau l'œuvre de Bram Stoker avec cette fois Louis Jourdan dans le rôle titre. Une trentaine d'années plus tard, la BBC se trouve coproductrice, avec Granada Television, d'une toute nouvelle transposition de DRACULA sur les petits écrans britannique. Cependant le personnage a tellement été traité par le passé qu'il faut trouver un angle nouveau pour traiter ce sujet. Spécialisé dans les enquêtes policières, le scénariste Stewart Harcourt va plancher sur ce problème de façon à livrer une version revue et corrigée selon son inspiration…
Ce DRACULA débute assez étrangement puisqu'il ne va pas entrer tout de suite dans le vif de son sujet. Au contraire, plutôt que s'atteler directement à rejoindre le Comte dans son repaire transylvanien, le récit va adopter une approche inhabituelle. En effet, l'histoire va donner des motivations supplémentaires à l'arrivée de Dracula sur le territoire anglais. Dans la plupart des adaptations, l'affaire immobilière menée par Jonathan Harker s'avère relativement anodine. Ici, au contraire, les raisons de cette transaction prennent des dimensions supplémentaires bien amenées. Malheureusement, si les nouvelles idées annoncent des développements passionnants, le film s'enlise assez vite dans un traitement oscillant entre le respect de l'œuvre originale et les circonvolutions inédites. Ces deux aspects ont bien du mal à se connecter de façon satisfaisante ce qui plonge ce DRACULA dans une suite de scènes très inégales. Par exemple, la partie en Transylvanie ne fonctionne pas vraiment surtout que le film adopte un parti pris scénaristique et visuel très proche de la version réalisée par Coppola. Comme on peut s'y attendre, cette comparaison tourne au désavantage de ce DRACULA télévisé bien moins fortuné que la production hollywoodienne mise en scène au début des années 90. Le scénariste, la production et le réalisateur semblent donc ne pas être totalement à l'aise avec cette relecture et donne l'impression de ne pas trop vouloir chambouler les convenances. Attitude malheureuse car ce téléfilm fonctionne le plus souvent lors des passages où le vampire brille par sa totale absence. Quelques petits coups de génies affleurent même à la surface lors de trop rares moments à l'image d'une malédiction familiale menant à diverses conséquences dont celle de provoquer de véritables et tangibles tensions sexuelles. Comme dans l'œuvre originale, Lucy et Mina sont deux jeunes femmes mais le scénariste a réussi à exposer de façon astucieuse la frustration sexuelle des deux femmes. L'une est délaissée par son mari alors que l'autre attend le retour de son futur époux partir à l'autre bout du monde. Les deux jeunes femmes pleines de vie échangent fort logiquement leurs ressentis face à leurs situations amoureuses et adultes (donc sexuelles). Sur ce sujet, une simple séquence de dialogue s'avère particulièrement bien écrite et tranche sensiblement avec la lourdeur dans lequel s'enlise le reste du métrage.
Certainement moins ingénieux, l'intrusion d'une secte occulte a, au moins, le mérite d'apporter un peu de sang neuf même si cette idée a déjà été usitée par le passé au cinéma. Ainsi, le détournement de denier de la haute bourgeoisie par un adorateur du prince des ténèbres n'est pas sans rappeler UNE MESSE POUR DRACULA. Mais, encore une fois, ces ajouts paraissent se greffer de façon parfois assez artificielle sur un récit déjà ultra rabâché. Ainsi, le Comte Dracula n'évolue pas vraiment ce qui amène un problème de taille. Souvent représenté comme un personnage charismatique, il se retrouve ici à séduire des femmes qui ne demande qu'à l'être. L'approche est réaliste mais donne à l'écran un sacré coup dans les dents du personnage qui perd son aura de grands saigneurs. Pire encore, l'acteur choisi pour incarner l'imposant Comte Dracula, Marc Warren, est d'une fadeur déconcertante même s'il ressemble très vaguement à un Malcolm McDowell jeune. La seule véritable scène où le personnage semble s'affirmer donne un accent un peu pervers à la séduction de Lucy. Cette dernière, en prise avec des fantasmes nocturnes, se retrouve à copuler fougueusement avec le vampire et dans le même lit que son mari assoupi. Encore une fugace trace de ce qu'aurait pu donner une adaptation plus audacieuse tout en s'affranchissant du pesant héritage «classique» de Bram Stoker.
Bancal, il n'y a pas de doute, DRACULA l'est dans son ensemble. L'histoire livre même quelques embardées assez bizarres. C'est le cas, par exemple, du détournement du personnage de Abraham Van Helsing interprété par David Suchet plus habitué a jouer Hercule Poirot, d'après Agatha Christie, à la télévision. Ce changement sur le personnage quant à ses origines et son introduction dans l'histoire est pour le moins mal venu et paraît incongru tant les explications données à ce sujet sont peu convaincantes. Tout cela serait sans grande importance si DRACULA bénéficiait d'une mise en image frappée d'une quelconque personnalité. Bill Eagles, le réalisateur, ne fait hélas pas d'efforts particuliers. Il se permet quelques effets de styles peu probants dans un ensemble marqué par une image vidéo à la photographie bien peu travaillée. Plus qu'un film ou un téléfilm, esthétiquement, ce DRACULA ressemble à ces vieilles dramatiques tournés en direct sur un plateau de télévision. La mise en scène plan-plan couplée à cette mise en image le plus souvent peu soignée finit de tirer définitivement vers le bas cette production télévisuelle qui n'en avait déjà pas besoin Car l'interprétation est, elle aussi, à l'avenant. Si le couple principal fonctionne par endroit, on sera surtout sous le charme de Sophia Myles qui joue Lucy, les autres acteurs de la distribution s'avèrent le plus souvent très fades.
Le DVD commercialisé en France par Elephant Films est inséré dans un boîtier plastique traditionnel recouvert d'une couverture cartonnée lui donnant un peu l'apparence d'un livre. Cela a le mérite d'être différent des packagings habituels. Le disque, quant à lui, permet de voir DRACULA dans son format 16/9 d'origine puisque tourné en vidéo et pour la télévision. Le transfert est honnête et n'appelle à vrai dire pas plus de commentaires. Pas de défaut à noter en ce qui concerne la vidéo et il en sera de même pour l'audio. La piste originale anglaise en stéréo est proposée avec un sous-titrage français. Assez dynamique, cette piste est plutôt agréable. Ceux qui préfèrent le doublage français auront le choix entre une piste stéréo ou un mixage en 5.1. Pas de quoi s'enthousiasmer outre mesure sur la version 5.1 pour autant.
Quelques efforts sont fait par l'éditeur en ce qui concerne les suppléments. On peut consulter une biographie accompagnée d'une bibliographie de Bram Stoker. On notera, car nous sommes du genre pinailleur, que le nom de l'auteur est mal orthographié en «Bram Stocker» un peu partout sur la jaquette. De petites filmographies sélectives donnent un aperçu de la carrière de Marc Warren et David Suchet. On peut encore visionner une galerie de photos pas inintéressante. En effet, elle contient des photos de production où les acteurs posent devant l'objectif de la caméra non pas pour le tournage d'une séquence mais dans le cadre de la création de visuels promotionnels. L'interactivité se clôt avec les bandes-annonces d'autres téléfilms et mini-séries commercialisés par Elephant Films.