Header Critique : LONG WEEKEND (LONG WEEK END)

Critique du film et du DVD Zone 1
LONG WEEKEND 1978

LONG WEEK END 

Le couple que forment Peter (John Hargreaves) et Marcia (Briony Behets) traverse une crise sérieuse. Dans l'espoir de renouer leurs relations, ils décident de passer un long weekend loin du stress de la grande ville et installent leur campement en bordure de plage. Sans aucun égard pour la beauté des lieux, leurs détritus ne tarderont pas à joncher les alentours alors que Peter manque tout autant de respect pour la faune sur laquelle il s'entraînera au fusil et à l'arbalète. Mais Dame Nature n'a pas envie de se laisser ainsi maltraiter et petit à petit, elle va fomenter une vengeance aussi subtile qu'implacable.

Les années 1970 ont vu arriver toute une série de films ayant pour sujet la rébellion de la nature via l'agression animale, allant des limaces tueuses (SLUGS) aux requins (LES DENTS DE LA MER) en passant par les ours (GRIZZLY) et autres habitants poilus, griffus, à plumes, multiples pattes ou écailles avec qui nous partageons notre environnement (FROGS, DAY OF THE ANIMALS, L'HORRIBLE INVASION…). A l'époque, une préoccupation écologique commençait à poindre le bout de son nez, influencée sans doute par une culpabilité légitime de ce qu'on faisait subir à la terre depuis déjà plusieurs décennies sous forme de tests nucléaires et autres avancées technologiques qui avaient déjà donné lieu à de nombreux métrages science-fiction à la limite de la paranoïa dans les années 1950 et 1960. Les erreurs purement scientifiques peuvent être corrigées voire supprimées tout court mais il est bien plus difficile de contenir la colère sourde de toute une population animale qui semble pouvoir communiquer par une sorte de télépathie qui la rend aussi dangereuse qu'imprévisible. Evidemment, une grande part des métrages du genre sont avant tout des films d'exploitation n'ayant pas, ou peu, de revendications. Mais le scénariste Everett De Roche (PATRICK, RAZORBACK…) va exploiter cette idée à merveille en laissant la menace s'installer par petites touches anodines comme autant de coups de pinceau éparpillés qui finiront par composer une image réellement terrifiante du fait qu'on ne l'avait pas devinée.

Il fallait un cinéaste de talent pour donner vie à un scénario entièrement basé sur une ambiance étouffante et le jeu de deux acteurs isolés en pleine nature. Les producteurs ont décidé de donner sa chance à Colin Eggleston, jusque là réalisateur d'épisodes de séries télévisées et d'un long métrage de porno soft sous le pseudonyme d'Eric Ram (FANTASM 2). Mais leur intuition fut la bonne et Eggleston livre un authentique chef d'œuvre sobre, sans excès de gore et qui s'insinue sous la peau jusqu'à vous donner des picotements de partout telle une colonie de minuscules fourmis dévoreuses de chair humaine. Eggleston réalisera ensuite six autres longs métrages mais aucun ne sera aussi inoubliable que LONG WEEK END. Il décèdera en 2002 dans un accident et ne verra donc pas la sortie en DVD de son film.

Dès la scène d'ouverture, Eggleston pose les personnages et leurs relations tendues où les silences sont aussi parlants que les vacheries qu'ils se balancent. Peter quitte sa maîtresse en ville tandis que Marcia prévient son amant au téléphone de son absence. En rentrant, Peter observe sa femme à travers la lunette de visée de son nouveau fusil tandis que Marcia rumine déjà le fait qu'elle va devoir camper alors qu'elle aurait largement préféré un hôtel paisible et confortable. L'ambiance pesante se poursuit alors même que tout devient un prétexte pour se quereller : la présence imprévue du chien de Peter, sa vitesse sur l'autoroute, la nourriture en conserve, l'emplacement choisi pour la tente, etc... Et tous deux vont rejeter leurs frustrations et leur égoïsme sur l'environnement en jetant des mégots qui vont embraser la verdure, en massacrant d'innocents petits animaux ou encore en déversant des pesticides pour annihiler toute malheureuse fourmi qui aurait l'idée saugrenue de s'aventurer sur leur aire de pique-nique. Et déjà, la nature se froisse durant cette scène où Eggleston nous montre les fourmis mourantes en gros plan, accompagnée de curieux bruits comme si les petits insectes protestaient contre la violence inouïe et incompréhensible des intrus humains.

Lorsqu'on se retrouve dans un environnement différent de ce que l'on connaît, on réagit forcément de façon différente – le problème, c'est que la première émotion qui se manifeste, c'est la peur devant l'inconnu. Et quand on a peur, on se protège, le plus souvent en détruisant l'objet de nos terreurs. Peter et Marcia sont d'abord victimes d'eux-mêmes avant de devenir les bourreaux inconscients d'une nature qui ne demande qu'à les accueillir. Et pour illustrer le point de non retour, Eggleston a choisi de jouer également sur la peur du spectateur et en quelque sorte de le rendre complice de l'action brutale et inconsidérée de Peter qui va tirer sans réfléchir sur une ombre avançant sous l'eau. La première chose qui nous vient à l'esprit c'est qu'un grand requin s'apprête à attaquer et comment se défendre contre une gueule remplie de dents acérées autrement qu'en prenant les devants ? Mais il ne s'agit pas d'un requin – la pauvre créature mortellement blessée s'avère être un dugong, un large animal à l'allure pataude aussi appelée vache marine. Essentiellement pacifiques, les femelles peuvent toutefois se montrer agressives si elles ont un petit à leurs côtés mais en aucun cas, ces animaux marins ne représentent le même danger qu'un requin. Peter et Marcia aimeraient oublier cet incident sauvage et gratuit mais n'en auront pas l'occasion car le dugong avait bien un petit dont les lamentations vont percer la tranquillité de leurs nuits et leurs jours ainsi que réveiller la souffrance enfouie de Marcia qui a vécu l'interruption physique et mentale d'une maternité potentielle.

La souffrance de Marcia étant surtout d'ordre inconscient, elle aura du mal à se laisser aller dans une intimité qu'elle n'hésitera pourtant pas à provoquer avant de se rétracter froidement, créant ainsi des tensions supplémentaires. Elle se réfugiera dans la camionnette où elle va s'adonner à quelques plaisirs manuels qui ne font que renforcer sa solitude pesante au lieu de la délivrer d'une tension sans cesse grandissante. Une solitude que Peter est incapable de comprendre et qui le renvoie, lui, à une impuissance frustrante. Et toujours, la nature complote, se ligue contre eux et va jusqu'à les menacer physiquement lorsqu'une flèche d'arbalète se décoche sans que personne n'y touche et manque de transpercer Marcia. Mais là encore, Eggleston joue sur l'ambiguïté – est-ce que Peter a volontairement armé l'arbalète dans le but de provoquer un accident ? Il semble choqué mais peine à convaincre sa femme de son innocence renvoyant à son comportement du début du film où ses vraies émotions envers sa femme se lisaient à travers la lunette de visée de son fusil.

Le rythme est délibérément lent et les dialogues ramenés au strict minimum jusqu'aux vingt dernières minutes où aucun mot n'est prononcé. Un véritable défi autant pour le réalisateur qui doit faire progresser son histoire uniquement par le biais des images que pour les acteurs dont les pensées et les émotions doivent être traduites en gestes naturels aisément identifiables. La claustrophobie paradoxalement induite par les espaces verts a réduit Peter et Marcia à un couple de survivants où chacun de son côté tente d'échapper à une nature hostile tels des mouches prises dans les filets gluants d'un arachnide. Le score sublime de Michael Carlos achève l'envoûtement et le tout forme l'un des fleurons du cinéma fantastique australien dont les lieux isolés et sauvages n'en finissent pas d'inspirer les cinéastes encore aujourd'hui (WOLF CREEK...).

Le DVD chroniqué ici est l'édition américaine identique au disque australien. Il existe également une édition anglaise qui se contente de ne reprendre que le film et d'ignorer les suppléments qui, bien que peu nombreux, s'avèrent sympathiques.

Comme sur le DVD australien sorti auparavant, le disque américaine donne l'occasion de découvrir le film pour la première fois depuis sa sortie cinéma dans son format d'origine, un 2.35 de toute beauté dû à un tout nouveau transfert 16/9. A l'époque, les distributeurs avaient rechigné devant ce format voulu par le producteur parce que cela les aurait obligé à retravailler le film en Pan & Scan en vue d'éventuels passages télévisée. Mais le producteur a insisté et bien lui en a pris parce qu'on n'imagine pas le film autrement au vu du sujet. Aucun défaut technique n'est à signaler et pour un film qui a désormais trente ans d'âge, il a conservé toute sa jeunesse visuelle.

Côté audio, on nous présente sur deux pistes sonores, le mono d'origine et un nouveau mixage en 5.1 pour satisfaire les cinéphiles équipés. La seule langue disponible est l'anglais et aucun sous-titre n'est présent mais les dialogues ne représentent franchement pas de difficultés insurmontables et le gros travail effectué a éliminé toutes sortes de parasitages dû à l'âge respectable du matériau d'origine. Les puristes se satisferont de la piste mono tout à fait correcte tandis que les plus "exigeants" se tourneront vers le format 5.1 qui ajoute de la profondeur et présente une excellente répartition sur toutes les enceintes, rendant ce choix vraiment parfait pour mieux apprécier, par exemple, l'extrême grave du grondement de tonnerre ainsi que les cris d'animaux graduellement menaçants sans oublier l'impeccable partition musicale.

Le commentaire audio réunit le producteur Richard Brennan et le directeur de la photo Vincent Monton. Les deux hommes regrettent bien sûr qu'Eggleston ne soit plus parmi nous et lui rendent un hommage discret durant tout le dialogue qui s'avère aussi informatif que plaisant à écouter. D'aspect forcément plus technique qu'anecdotique, ils parlent tout le long en évoquant autant le réalisateur que les acteurs et les divers choix de matériel de tournage. Les réalisateurs en herbe y trouveront un tas de bonnes astuces tandis que le spectateur lambda regrettera peut-être le manque de mystère qui en résulte au final. Nous passons ensuite à une galerie de photos bien fournie sur laquelle se déroule une interview audio avec John Hargreaves, décédé du SIDA depuis 1996. L'acteur évoque essentiellement son métier et évoque aussi quelques trucs très utiles que lui avaient appris Eggleston. Dommage que cela ne dure qu'à peine cinq minutes. Viennent compléter cette édition une bande annonce cinéma d'époque envoûtante et un dépliant qui présente un bref texte par Michael Felsher, réalisateur, monteur et producteur de documentaires.

Rédacteur : Marija Nielsen
55 ans
98 critiques Film & Vidéo
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Un chef d’œuvre à l’ambiance terrifiante
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L'édition vidéo
LONG WEEKEND DVD Zone 1 (USA)
Editeur
Synapse
Support
DVD (Double couche)
Origine
USA (Zone 1)
Date de Sortie
Durée
1h35
Image
2.35 (16/9)
Audio
English Dolby Digital 5.1
English Dolby Digital Mono
Sous-titrage
  • Aucun
  • Supplements
    • Commentaire audio avec Richard Brennan et Vincent Monton
    • Interview audio de John Hargreaves et galerie photos (4mn43)
    • Bande annonce
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