Critique du film
et du DVD Zone 2
LA BATAILLE DE LA PLANETE DES SINGES
1973
La rébellion des singes terminée, César essaie de garder un certain équilibre dans une société où essaie de cohabiter les anciens maîtres de la planète, les humains, avec des primates portant la blessure encore fraîche de l'esclavage…
Après LA CONQUETE DE LA PLANETE DES SINGES, la série de films pour le cinéma va s'enrichir assez rapidement d'un quatrième prolongement. Mais cette suite aurait très bien pu ne pas voir le jour puisque le producteur Arthur P. Jacobs envisage sérieusement de développer le concept sous la forme d'une série télévisée. Finalement, il va tout de même produire un cinquième film pour le cinéma avec un budget relativement identique à celui de LA CONQUETE DE LA PLANETE DES SINGES. Comme pour les trois précédents films, on fait de nouveau appel à Paul Dehn pour la rédaction du scénario. L'homme livre une copie qui ne plait pas vraiment aux producteurs en raison d'un contenu beaucoup trop sombre. Voulant trancher avec la violence de LA CONQUETE DE LA PLANETE DES SINGES, le scénario est mis de côté et l'écriture d'une nouvelle mouture est confiée à John William Corrington et Joyce Hooper Corrington. Les deux scénaristes sont alors dans le giron de Roger Corman mais ont surtout écrit LE SURVIVANT, l'adaptation cinématographique du livre «Je suis une Légende» écrit par Richard Matheson, interprété par Charlton Heston deux ans auparavant. Ils vont tout de même conserver quelques éléments du script original de Paul Dehn comme les dissensions «politiques» au sein de la société des singes mais vont diluer le tout dans une intrigue plus portée vers l'aventure. Ils occulteront au passage tous les éléments trop sérieux… A cet effet, le film se verra coupé avant sa sortie de deux séquences où l'on découvrait que les mutants disposent déjà de la bombe du SECRET DE LA PLANETE DES SINGES. Ces deux scènes sont apparaissent de temps à autres à la télévision américaine lorsqu'une version longue est diffusée.
Même si les désirs de la production sont d'obtenir un spectacle plus léger que LA CONQUETE DE LA PLANETE DES SINGES, c'est pourtant une nouvelle fois à Jack Lee Thompson que l'on confie la réalisation de ce cinquième film. Le personnage de César revient et son interprète, Roddy McDowall, reprend le chemin des studios pour d'intensives heures de maquillage. L'actrice Natalie Trundy interprète de nouveau le rôle de Lisa et, curieusement, il s'agit de l'actrice qui est apparu le même nombre de fois dans la série de films que Roddy McDowall. En effet, elle était l'une des mutants du SECRET DE LA PLANETE DES SINGES, docteur aidant les singes à s'enfuir dans LES EVADES DE LA PLANETE DES SINGES et donc Lisa, la compagne de César, dans les deux derniers films. Un troisième acteur fait le lien avec LA CONQUETE DE LA PLANETE DES SINGES puisque Severn Darden incarne de nouveau le vilain Kolp dans cette suite. Car LA BATAILLE DE LA PLANETE DES SINGES a un mérite, celui de proposer une véritable continuité avec le film précédent tout en conservant certaines des idées de Paul Dehn reliant ce nouvel opus avec les premières histoires de la saga. Ainsi, les êtres humains qui vivent dans les sous-sols d'une ville en ruine et en proie aux radiations évoquent inévitablement les mutants du SECRET DE LA PLANETE DES SINGES. Même certaines particularités de leurs costumes ne sont pas sans évoquer les adorateurs encapuchonnés de la bombe. Plutôt que rappeler l'acteur Hari Rhodes pour incarner de nouveau MacDonald, Austin Stoker, futur héros du ASSAUT de Carpenter, fait son entrée en interprétant un personnage du même nom. Est-ce son frère ? Ou le même personnage ? Qu'importe, personne n'est dupe, ce personnage se place bien évidemment dans la continuité du film précédent. Toutefois, les revendications révolutionnaires du César de LA CONQUETE DE LA PLANETE DES SINGES sont gommées pour laisser la place à un dirigeant plus posé et militant pour une utopique société où les singes et les hommes pourront vivre en harmonie.
L'équité entre les singes et les hommes, ce n'est pas gagné dans LA BATAILLE DE LA PLANETE DES SINGES. Les deux camps ont ainsi des factions extrémistes qui entendent bien mettre le feu aux poudres. Ce qui aurait donc du donner un nouveau film pessimiste, à l'image des quatre qui l'ont précédés, va plutôt nous proposer un maladroit développement qui tranche dans le consensus des métrages de LA PLANETE DES SINGES. Le mièvre épilogue semble pourtant avoir été contaminé par Jack Lee Thompson. Le législateur assène ainsi des paroles bienveillantes à un parterre d'enfants singes et humains ce qui nous offre une fin heureuse pour un futur bien moins sombre que celui de LA PLANETE DES SINGES. En réalité, si on s'attarde sur les détails, on peut s'apercevoir qu'une petite fille et un singe se querellent l'un en tirant la natte de l'autre qui le repousse. Séquence enfantine bien anodine qui se clôt sur une statue de César qui verse une larme. Séquence surréaliste qui semble être le constat de l'impossible société idéale que l'on est en train de nous vendre ! Au sein du déroulement de LA BATAILLE DE LA PLANETE DES SINGES, on trouve d'autres passages plus proéminents d'un constat pessimiste concernant la société humaine et, par extension, celles des singes. Néanmoins, ce cinquième et dernier film pour le cinéma a beaucoup de mal à convaincre. A force de diminuer les budgets de chacun des films qui se sont succédés, l'univers en prend un coup. Disposant d'un budget relativement identique à LA CONQUETE DE LA PLANETE DES SINGES mais très largement inférieur à ceux des trois premiers films, LA BATAILLE DE LA PLANETE DES SINGES paraît extrêmement fauché. Le village des singes est composé d'une poignée de huttes sans envergures alors que la ville irradiée se résume à un matte painting (peinture sur verre) et à deux ou trois couloirs en sous-sol. Carrément pauvre, le film culmine avec la bataille du titre se résumant à quelques véhicules roulant au ralenti dans une plaine agrémentée de quelques explosions. Par exemple, l'affrontement des singes et des hommes était largement plus convaincant dans LA CONQUETE DE LA PLANETE DES SINGES. Le clou du spectacle ressemble dès lors bien plus à une séquence de série télévisée type AGENCE TOUT RISQUE que d'une super production hollywoodienne. D'ailleurs, pendant le tournage, une rumeur persistante annonce que l'aventure va se poursuivre au travers d'une série télévisée et que la production entend d'ailleurs réutiliser les décors de la ville des singes de LA BATAILLE DE LA PLANETE DES SINGES. Les décors en question, au demeurant très primitif, seront détruit avec un malin plaisir par Jack Lee Thompson lors de cette «grande» bataille finale.
En plus des acteurs déjà cités, LA BATAILLE DE LA PLANETE DES SINGES se paient un casting parfois assez surprenant. Lew Ayres incarne un amusant primate sage et philosophe, Claude Akins joue le vilain Général Aldo, Paul Williams interprète l'orang-outan Virgil et John Landis y fait même une apparition alors qu'il vient de réaliser son premier film, SCHLOCK, mettant en scène un singe ! Mais le plus surprenant, c'est surtout la présence de John Huston qui donne sa stature au fameux législateur. Pourtant, on ne se bat pas pour le rôle puisqu'il avait été refusé auparavant par l'acteur Sam Jaffe qui n'a pas une grande envie de passer des heures au maquillage pour qu'on le transforme en orang-outan prêchant la bonne parole. Les raisons qui ont poussé John Huston resteront obscures et il apparaît surtout évident que la personnalité y a vu le moyen de gagner un peu d'argent entre la réalisation de deux films.
Triste fin pour la saga initiée à la fin des années 60 par LA PLANETE DES SINGES. Mais l'histoire va continuer sur le petit écran au travers de deux séries télévisées. La première sera titrée simplement LA PLANETE DES SINGES et va mettre en scène de véritables acteurs. Roddy McDowall va d'ailleurs continuer à y interpréter un chimpanzé sympa. De courte durée, cette série sera suivie du dessin animé RETURN TO THE PLANET OF THE APES qui va rapidement être stoppé faute d'une audience suffisante…
Sorti au préalable dans le coffret consacré à la série de films, le DVD de LA BATAILLE DE LA PLANETE DES SINGES propose un transfert 16/9 au format cinéma respecté. Assurant la continuité avec les quatre premiers films, ce format large est encore plus cruel pour ce film lors des scènes spectaculaires. L'opposition entre une image ample par sa taille et, à vrai dire, pas grand chose d'impressionnant à l'écran fait un peu mal. L'image est assez douce et on notera pas mal de petits défauts de pellicule. Le film n'a, semble t'il, pas connu un traitement spécial pour son passage en numérique. Cela permet tout de même de retrouver le film sans qu'il y ait lieu de crier au scandale. Pour ce qui nous intéresses, on pourra choisir entre deux pistes sonores : la version originale sous-titrée ou le doublage français.
Pour les suppléments, il ne faut pas trop en demander. A vrai dire, le cas du film est très rapidement évoqué dans le documentaire BEHIND THE PLANET OF THE APES présent dans le coffret où ce disque était vendu à l'origine. Du coup, ce DVD ne donne pas grand chose. On trouve donc une bande-annonce pour chacun des films de la saga ainsi qu'une vidéo promotionnelle compilant des bouts des cinq PLANETE DES SINGES. Vendu à l'unité, ce film n'intéressera que les fans qui, de toutes façons, l'achèteront sûrement au travers d'un coffret regroupant tous les films !