William J. Hole est un nom qui ne provoque aucune vague : ni de délire cinéphile, ni de remontrance particulière. Il fait partie de cette innombrable clique de réalisateurs anonymes ayant œuvré dans les décades 1940 à 1970 dans la série B, voire Z et à la télévision. Hormis THE DEVIL'S HAND, il a commis un mélange de film d'horreur et de dragster avec GHOST OF DRAGSTRIP HOLLOW (disponible chez MGM dans la collection Midnite Movies) ou encore un film de gangster avec Stuart Whitman, HELL BOUND. Le reste appartient au passé télévisuel américain, coincé entre SUPER JAIMIE, PEYTON PLACE et le pilote du spin off de MA SORCIERE BIEN AIMEE, TABITHA.
Rick Turner (Robert Alda) est obsédé par le rêve d'une jeune femme nommée Bianca (Linda Christian) qu'il retrouve sous la forme d'une poupée dans un magasin. Accompagné de sa fiancée Dana (Ariadna Welter), il entre dans le magasin tenu par le mystérieux Francis (Neil Hamilton)et découvre que sa femme est également présente sous la forme d'un poupée. Il finit par entrer en contact avec Bianca et tombe sous le charme d'une jeune femme appartenant à un culte païen.
Petit cours de généalogie façon cinq degrés de séparation à la Kevin Bacon : Linda Christian n'est autre que la sœur d'Ariadna Welter (inoubliable dans le fameux BRAINIAC). Ariadna Welter, de par son mariage, est devenu la tante de Romina Power. Cette dernière devint célèbre après son mariage et ses films avec l'acteur/chanteur Albano… qui engagèrent Linda Christian pour leur film L'ORO DEL MONDO en 1968 jouant le rôle de la mère de Romina Power. Mais Robert Alda, dans tout cela ? Il n'est autre que le père de l'acteur Alan Alda. Mais Robert Alda est un acteur médiocre (surtout ici) et il s'employa dans sa fin de carrière à jouer les utilités et bouche-trous, notamment dans les scènes d'exorcismes retournées pour caviarder LISA E IL DIAVOLO de Mario Bava devenu pour l'occasion LA MAISON DE L'EXORCISME. Film dans lequel il tourne donc avec Silva Koscina, héroïne du giallo 7 SCIALLI DI SETA GIALLA réalisé par Sergio Pastore. Cinéaste italien qui co-signa un autre giallo DELITTI en 1987 , avant-dernier film de… Linda Christian. On s'amuse beaucoup, n'est-ce pas ? Mais revenons à cette main du diable.
La main du diable… on ne la remarque pas une seule seconde. Présente sur l'affiche et au générique, elle brille par son absence tout au long du métrage. On nage pourtant en plein vaudou, sous la menace d'un dieu maléfique, de sorcellerie démoniaque... Mais impossible de mettre la main sur cette main. Diable, aurions-nous été blousés ? Heureusement que le film possède la bravitude d'être court (71 mn) et d'aller droit à l'essentiel : le héros est en train de se faire ensorceler, il aime ça et va aller jusqu'à plonger dans les affres de l'indicible pour sauver sa bien pâle fiancée énamourée et soumise. Car la femme qui s'éveille au désir, c'est le mal !
On en arrive à la cérémonie… Ah, cette cérémonie ! Tout d'abord, le nom du dieu : Gamba. Et ce n'est pas une crevette, ce dieu. Gamba exige une danse lascive perpétrée par une jeune femme de couleur. Les cultes satanico-païens sont toujours animés par des gens de couleurs, d'ailleurs. Ce sont les années 60 qui veulent ça, sans doute avec le lot de fantasmes que nourrissaient le continent africain et les caraïbes à propos des pratiques occultes. Le film demeure d'ailleurs étrangement teinté d'un racisme tranquille, tant les personnes non blanches sont directement reliées au culte, donc au mal. Le joueur de bongos, les danseurs, l'infirmière, certains couples dans l'assistance… Il ne manque qu'un serviteur asiatique et… attendez... il y en a un ! THE DEVIL'S HAND affiche donc complet à ce rayon.
Revenons à la cérémonie. Là aussi, on est en pleine Samaritaine car on y trouve de tout. Séduction, sexualité, sacrifice, sorcellerie… toutes les mamelles du bis sixties (dont nous sommes toujours fan) sont étalées. Rajoutez une pointe de vaudou, des décors cheap et on y est. En effet, quoi de plus facile pour masquer le manque de moyens : des rideaux. Il y en a partout sur le décor de la cérémonie sacrificielle. Et comme le film est en noir et blanc, aucun raccord ni différence de couleur ne se révèle facilement. Ainsi peut commencer la danse à la gloire de Gamba «le dieu diabolique du mal» (dixit le maître de cérémonie, Neil Hamilton, pas encore happé par la série BATMAN).
Ce qui reste extraordinaire là-dedans, ce sont les pouvoirs dont disposent les membres du culte qui leur permettraient de posséder le monde. Mais non, ils préfèrent le pouvoir sexuel et un peu d'argent. Peut-être devons-nous remercier le scénariste (Jo Heims, l'auteur de UN FRISSON DANS LA NUIT et BREEZY) pour son manque d'imagination et d'ambition, le budget ne l'aurait en effet pas supporté. Le scénario sombre jusqu'au bout dans une facilité déconcertante et une incohérence totale : les pouvoirs infinis du maître ne lui permettent pas d'échapper à un final tout feu tout flammes (il faut en effet finir le film). Mais les forces du mal veillent dans l'au-delà, et le faux happy end nous met en garde contre la séquelle qui rode – et qui ne verra d'ailleurs jamais le jour.
Heureusement, le film tente de nous offrir autre chose qu'une banale mise en image du script, auquel cas notre texte aurait déjà du s'arrêter il y a trente lignes. Comme nous l'avons déjà indiqué, Robert Alda ne possède pas un éventail de jeu très développé comparé à Linda Christian. Actrice au charme réellement vénéneux. Elle diffuse un érotisme discret dans son déshabillé vaporeux et légèrement transparent. Une simple mimique, un sourire et le regard débordant de sensualité indiquent déjà beaucoup de trivialité. Sa simple présence mérite à elle seule la vision de THE DEVIL'S HAND. Quintessence de la femme fatale du début des années 60, elle inspire la lascivité. Tout du moins tout ce qui pouvait paraître comme tel en 1962. Inoffensif et visuellement peu risqué, THE DEVIL'S HAND représente le pinacle de ce que le cinéma de Drive In pouvait supporter en culte païen, sacrifice humain et érotisme quasi-adultérin. Car il s'agit bien de possession sexuelle dont on parle ici ! il n'y a qu'à voir la scène d'abandon à la 55ème minite où Bianca lache le verre qu'elle tient à la main, emportée par le désir qui la submerge au moment où Rick recouvre son décolleté plongeant dans une étreinte passionnée. Ami(e) lecteur(trice), sens-tu la chaleur qui monte en toi ? Imagine alors la tension dans les voitures où les spectateurs regardaient le film en plein air !
D'un point de vue technique, le film reste sur une ligne droite. Aucun accroc, aucun risque n'est pris pour choquer directement le public. A la 32ème minite, nous assistons au rite sacrificiel : une couronne circulaire émaillée d'épées pointant vers le bas qui descend vers sa victime. Idée géniale (reprise d'ailleurs par Clive Barker dans LORD OF ILLUSIONS), mais le balsa tremblote trop pour donner l'illusion d'un glaive d'acier ! Autre scorie : à la 58ème minute, l'accident de voiture puis, deux images plus loin, son explosion proviennent de deux stock shots différents en provenance d'autres films que nous n'avons pu hélas identifier. Le budget très bas n'aurait pas permis de telles extravagances en direct devant la caméra. Seules demeurent les apparitions floutées et brumeuses de Bianca dans les rêves du héros. William J. Hole se tire de cette situation de manière correcte, très (trop ?) télévisuelle. : à savoir fonctionnelle et conventionnelle.
Le transfert a été réalisé à partir d'une copie 35 mm (et non pas à partir du négatif). Cela se voit à plusieurs reprises, par exemple au changement de bobine (à 18mn57) : deux disques noirs apparaissent à quelques images d'écart en haut à droite. Il manque également quelques images ça et là. Mais il faut reconnaître que le télécinéma est de toute beauté. Joli piqué, beau contraste, même si le film n'est pas éclairé d'une main de maître, il n'empêche que le grain est quasi absent. Le son demeure lui aussi réussi vu le matériau d'origine. Un mono sur deux canaux agréable, aux dialogues facilement audibles et à la musique claire. Très peu de bruits de fond donnent à cette bande son un niveau plus qu'honorable.
Pas de bonus relatif au film et pas d'accès aux chapitres de l'oeuvre mais là aussi un complément de programme à l'avenant de MADMEN OF MANDORAS, film commercialisé dans la même boîte que THE DEVIL'S HAND. A savoir un esprit Drive In où le métrage est complété par un dessin animé de Woody Woodpecker (horriblement flou et aux couleurs lavasses), des publicités d'époque et deux films annonce. En tous cas une ambiance qui colle parfaitement au film proposé, THE DEVIL'S HAND étant lui aussi le témoin oublié d'un temps révolu, où les frissons qui nous paraissent aujourd'hui désuets étaient monnaie courante. Pour peu que l'on soit très indulgent, le DVD de THE DEVIL'S HAND permet de passer un moment agréable.