Qu'ils soient seuls ou en meute, les animaux tueurs font régulièrement les beaux jours du cinéma fantastique. En la matière, il y a l'embarras du choix : requins, lions, tigres, crocodiles, chiens, rats, singes, araignées… Evidemment, ce sont les bestioles aux allures les plus féroces ou inquiétantes qui ont l'honneur de faire dans l'horreur. Pourtant, il existe quelques cas étranges où de gentils animaux se transforment en agressives créatures. On se souviendra par exemple du très improbable LES RONGEURS DE L'APOCALYPSE où une petite bourgade américaine était la proie d'une invasion de… lapins ! Certes géantes, les bestioles n'avaient rien de très menaçants même si, finalement, le métrage de William F. Claxton approchait son sujet avec un certain sérieux. Dans le genre prédateur, le mouton n'arrive certainement pas en tête de liste puisque la bestiole pépère est souvent représenté de façon sympathique. Il est temps de revoir ce jugement puisque les moutons s'avèrent être une véritable menace si l'on en croit le BLACK SHEEP de Jonathan King. Pour son premier long métrage, le cinéaste néo-zélandais choisit de détourner l'un des symboles de son pays d'origine. A priori, on pourrait penser à une pochade délirante du genre de L'ATTAQUE DES TOMATES TUEUSES mais le film de Jonathan King évite assez adroitement de sombrer totalement dans la parodie. Un choix étonnant mais qui fonctionne à merveille pour ce qui s'avère être un mélange très réussi entre humour et horreur. Les moutons mangeurs d'homme sont en effet une authentique menace et l'aspect humoristique surviendra essentiellement par le biais de situations surréalistes ou de personnages humains. Si beaucoup ont comparé le film au BAD TASTE de Peter Jackson, compte tenu des origines respectives des deux métrages, en réalité, BLACK SHEEP s'avère bien plus dans la veine d'un HORRIBILIS ou, et surtout, de TREMORS. Le placement dans un lieu désolé ainsi que le trio que l'on est amené à suivre durant une partie du film s'approchent en effet bien plus du film de Ron Underwood et il en va de même en ce qui concerne le type d'humour.
BLACK SHEEP débute avec une mise en bouche qui ne prête pas vraiment à sourire. Ce préambule assez sombre donne dès le départ un ton assez abrupt qui tranche avec ce que l'on pensait être un spectacle gentillet. Car si le film de Jonathan King sait déconner, il n'en oublie pas pour autant d'être parfois bien plus sérieux. Certaines scènes ou situations vont ainsi se dérouler sur le fil du rasoir à l'image de cette relation entre deux frères antagonistes qui forme le coeur de l'intrigue. Le métrage prend aussi le parti de traiter, l'air de rien, quelques sujets graves tout en égratignant sans trop de manichéisme les parties en présence. Le trait satirique avec lequel sont dépeint les activistes écologiques s'avère tout aussi amusant que le traitement appliqué aux savants fous de la génétique. Mais BLACK SHEEP n'a, bien entendu, rien d'un pamphlet sur l'écologie. Le thème de l'élevage peu naturel semble, à ce propos, en vogue depuis quelque temps si l'on s'en refère aux récents ISOLATION et DEAD MEAT. En tout cas, le film se déroule de bout en bout sans véritable temps mort en alternant de mémorables moments de comédie et d'horreur ou inversement. Bien sûr, il est impossible de parler de chef d'œuvre dans le cas présent mais bel et bien d'un pur divertissement «gore». Il ne faudrait donc pas oublier que cette histoire de dangereux moutons expose à l'écran des débordements graphiques pour le moins sanglants ainsi que des créatures mutantes fort réussies. Les effets spéciaux ont ainsi été réalisés par WETA Workshop qui ont assuré par le passé l'aspect spectaculaire du SEIGNEUR DES ANNEAUX et du KING KONG de Peter Jackson. A ce niveau là, il est impossible de se sentir flouer par ce BLACK SHEEP.
Imparfait par endroit, rappelons tout de même qu'il s'agit d'un premier long métrage, BLACK SHEEP n'en reste pas moins une belle réussite dans son genre. Difficile donc de faire la fine bouche, le métrage a de quoi largement satisfaire ses spectateurs ne serait ce que par l'enthousiasme de retrouver, ce qui est de plus en plus rare, une vraie bonne série B sur grands écrans. Le métrage a d'ailleurs été plébiscité en 2007 au Festival de Gérardmer puisqu'il a remporté le Prix du Jury ainsi que le Prix du Public.