Sur une route de campagne isolée, quatre jeunes gens partis à la recherche de leur ami tombent en panne dans un site touristique laissé à l'abandon. Ils sont accueillis et hébergés par le propriétaire des lieus, Mr Slausen. Mais les mannequins grandeur nature qui peuplent l'ancien musée n'ont rien de très rassurants. Et la mort rôde du côté de la grande demeure qui attise la curiosité des jeunes gens.
Si la simple lecture du scénario est susceptible de rebuter le spectateur friand de film fantastique original, cette réserve risque de le faire passer à côté d'une véritable perle du genre. Premier long-métrage de David Schmoeller, qui ne s'était fait les dents que sur deux courts-métrages avant ce baptême du feu, TOURIST TRAP a tout du premier film béni des dieux, propre à lancer une carrière. Bien que proche, par sa trame et de nombreux éléments, de classiques comme MASSACRE A LA TRONÇONNEUSE (avec le masque du tueur évoquant quelque peu celui de Leartherface) ou L'HOMME AU MASQUE DE CIRE, les principales influences de Schmoeller sont pour le moins inhabituelles. Le cinéaste cite en effet volontiers Buñuel, Jodorowski et LA QUATRIEME DIMENSION. Mais quoi de plus normal quand on sait que Buñuel était le parrain de l'épouse de Schmoeller et qu'il a également eu le plaisir de rencontrer Jodorowski durant ses études de cinéma à Mexico. Quant à LA QUATRIEME DIMENSION, il suffit de se rappeler d'un épisode de la première saison, «The After Hours» («Le Neuvième Etage» en français) dans lequel une femme se retrouve enfermée dans un grand magasin, cernée par des mannequins qui semblent l'épier et murmurer son nom. Ce simple épisode a visiblement influencé le film de Schmoeller par son ambiance cauchemardesque et son inquiétante étrangeté. On retrouvera cette même ambiance lors du climax surréaliste de TOURIST TRAP.
C'est donc avant tout dans le surréalisme que voulait se diriger le cinéaste, comme en atteste les deux courts-métrage tournés avant TOURIST TRAP. Le premier, LORA LEE'S BEDROOM conte l'histoire d'une jeune femme voyant son environnement blanc et virginal menacé par un rat noir. Le second, le plus intéressant, THE SPIDER WILL KILL YOU tourné en 1974, est un avant-goût de ce que sera TOURIST TRAP. On y découvre l'histoire d'un aveugle vivant au milieu de mannequins prenant peu à peu vie. Le décor est planté, TOURIST TRAP sera une variation sur le même thème et son ticket d'entrée vers le monde de la série B.
Sous la houlette de Charles Band, jeune producteur déjà expérimenté, David Schmoeller va faire ses débuts en entamant une collaboration qui sera loin d'être la dernière. L'équipe artistique dont va être entouré Schmoeller va contribuer à rendre cette première expérience passionnante et mémorable… aussi bien pour l'équipe elle-même que pour le spectateur qui découvrira le film. La musique du film, pour commencer, est signée Pino Donaggio, déjà très connu et estimé pour ses compositions sur NE VOUS RETOURNEZ PAS, CARRIE et PIRANHA. Donaggio et Schmoeller s'entendront si bien qu'ils renouvelleront leur collaboration avec FOU A TUER et CATACOMBS. La petite musique qui ouvre le film, à la fois burlesque et inquiétante donne immédiatement le «la» : TOURIST TRAP sera déroutant et insolite, comme une mécanisme déglingué. Concernant les acteurs, Chuck Connors et Jocelyn Jones viendront efficacement épauler un Schmoeller peu à l'aise avec la direction d'acteurs. Aussi expérimentés que différents dans leurs techniques de jeu respectifs, Connors et Jones livreront tous les deux une interprétation intense. Il est à noter, aussi, la présence, fort agréable à l'œil, de la débutante Tanya Roberts, bien court vêtue. Cette dernière, pour jouer la peur et la douleur, donna de sa personne puisqu'elle courut délibérément pieds nus en pleine cambrousse, se blessant réellement tout en versant de véritables larmes. On peut comparer cette méthode à celle employée par Henri-George Clouzot pour faire pleurer Brigitte Bardot dans LA VERITE grâce à des gifles bien assénées.
Bien que tourné au même moment que HALLOWEEN et avec quelques membres de l'équipe de MASSACRE A LA TRONÇONNEUSE (dont Robert Burns aux effets spéciaux), TOURIST TRAP n'est pas considéré comme un slasher par son auteur qui y voit plutôt un thriller psychologique. Ayant les coudées franche sur un scénario qu'il a co-écrit et sur la mise en scène, Schmoeller y distille ce qu'il appelle "un réalisme magique". A commencer par, déjà, par la beauté et la fragilité de ses interprètes féminines, perdues dans un univers sauvage. Mais aussi par la présence de ces inquiétants mannequins parmi lesquels viennent se mêler des figurants en chair et en os qui déroutent le spectateur tout en le plongeant dans la folie de ses personnages. On pense aussi aux contes de fée dans lesquels la transgression apporte la mort. Les jeunes gens s'engagent dans un lieu qui leur a été défendu et tombent, un par un sous, la coupe d'un ogre maléfique qui les transforme en statue. Certains, comme dans le Petit Poucet, essaie de s'échapper en se cachant parmi les objets familiers de l'être maléfique, ses mannequins. Ce réalisme magique et surréaliste est aussi souligné par les pouvoirs psychiques du tueur, idée de Charles Band qui ne sabote en rien l'histoire. Au contraire, elle appuie la déclaration de Schmoeller sur le fait que TOURIST TRAP n'est en rien un slasher : les mises a mort ne se font pas sous la lame d'un couteau ou le tranchant d'une hache mais par le biais de la télékinésie.
Bien sûr, le film n'est pas exempt de défauts : particulièrement le rythme et la répétitivité du scénario. De même, les personnages, bien qu'attachants, sont stéréotypés. Les demoiselles sont coquettes, les unes hardies et effrontées alors que l'héroïne est timide et toute de blanc vêtue. Il ne faut donc pas chercher la surprise dans l'histoire. D'ailleurs, il est assez facile de deviner qui se cache sous le masque du tueur. Non, l'intérêt de TOURIST TRAP est qu'il s'agit d'un conte moderne, poétique et cruel. Cruel par ses meurtres, peu nombreux mais marquants, comme celui qui ouvre le film où une victime est assaillie d'objets volants sous les rires sardoniques de mannequins. Le tout étant souligné par une musique discordante avant que le silence ne survienne brutalement une fois le coup mortel administré. Plus un son, plus un cri (le personnage reste figé dans une expression de douleur intense mais pas le moindre souffle ne sort de sa bouche béante) si ce n'est le sang tombant goutte à goutte puis ruisselant sur le sol. Cruel aussi par l'attitude de son croque-mitaine, un grand gaillard masqué qui joue et danse avec ses mannequins. Il confond jouets de cire et êtres humains qui deviennent alors jouets de chair. Il est à la fois ogre et enfant, il s'amuse avec ses victimes, décrivant avec complaisance la longue agonie que va subir l'une d'entre elles, attachée et à sa merci, sous les regards impuissants d'autres jeunes gens séquestrés. Mais le monstre masqué sait se montrer plus terrifiant par une simple phrase répétée à l'envie et avec une effrayante tendresse à chaque jeune fille capturée : "You're so pretty !". Une ligne de dialogue récurrente qui démontre bien l'état d'extrême confusion mentale ainsi que la solitude qui rongent notre psychopathe.
Sortie en même temps que le HALLOWEEN de Carpenter, TOURIST TRAP n'a jamais pu se hisser au même niveau que son illustre concurrent en terme de célébrité. Pourtant, c'est peut-être l'un des meilleurs films des écuries de Charles Band et il demeure le chef d'oeuvre de Schmoeller. Un honnête film concocté par un véritable artisan qui mérite toute notre attention.
A l'occasion du 20ème anniversaire du film, Full Moon et Cult Video ont sorti ce DVD en 1999. En effet, ça date, mais il n'y a eu aucune réédition depuis. Le plus affligeant dans cette histoire, c'est que cette édition DVD s'adressera exclusivement aux anglophones. En effet, le film y est présenté en version originale uniquement, sans le moindre sous-titrage, ne serait-ce qu'en anglais histoire de faciliter la tâche de ceux qui peinent avec la langue de Shakespeare. Enfin, même si ce disque date des débuts du DVD, le film aurait mérité bien mieux pour une édition anniversaire : l'image est un peu terne avec sa lumière surexposée et les scène nocturnes sont au contraire souvent bien trop sombres. De plus, le transfert 16/9ème propose un léger recadrage en 1.77 à la place du format original (1:85). Mais d'aucun peuvent considérer cela comme du chipotage, le film reste toujours agréable à suivre.
Pour les bonus, mis à part le chapitrage, des filmographies, une interview et un commentaire audio qui nous montre un David Schmoeller peu à l'aise avec ce genre d'exercice, nous avons droit à une publicité pour les jouets de la franchise Puppet Masters. Le site internet n'étant plus d'actualité pour les commander, il vaut mieux rechercher les jouets à l'effigie des marionnettes maléfiques sur eBay. Quant aux bandes-annonces proposées, à savoir ASSAULT OF THE KILLER BIMBOS, SORORITY BABES, SLAVE GIRLS FROM BEYOND INFINITY, PARASITE (avec Demi Moore à ses tout débuts) et d'autres joyeusetés, leur valeur nanardesque mise à part, elles nous prouvent par l'image que TOURIST TRAP est le haut du panier du catalogue de Charles Band. Il est cependant recommandé de ne pas regarder la bande annonce de TOURIST TRAP avant d'avoir vu le film, celle-ci comportant quelques révélations gênantes.