Critique du film
et du DVD Zone 2
LE PERE NOEL CONTRE LES MARTIENS
1964
Réjouissons-nous car noël approche : les boutiques font leur chiffre d'affaire, les gens fredonnent «vive le vent» et la télévision nous abreuve d'images abrutissantes. La technologie moderne nous permet bien entendu d'hypnotiser les enfants du monde entier mais nous ne nous attendions pas à ce qu'elle ait le même effet sur les petits martiens ! TNT aidant, les habitants de Mars viennent en effet de découvrir le Père Noël ! Jaloux de notre gros et sympathique bonhomme, ces chers extra-terrestres décident donc tout simplement de venir nous le voler à l'approche des fêtes ! Fort heureusement, le Père Noël n'est pas homme à se laisser faire. Et lorsqu'il descendra du ciel avec ses jouets par milliers, il n'oubliera certainement pas d'aller latter quelques aliens.
Nous voici donc avec LE PERE NOEL CONTRE LES MARTIENS en face d'une véritable étrangeté cinématographique. Etrangeté parce qu'un tel titre ne peut bien entendu pas laisser indifférent et sonne à l'oreille du fantasticophile tordu comme un appel au fantasme. Quel métrage délirant peut bien se cacher derrière un titre aussi prometteur ? C'est bien là la question à laquelle nous allons tenter de répondre…
Tout d'abord, il est intéressant de noter que nous devons le script du film aux scénaristes Paul L. Jacobson et Glenville Mareth. Nul doute qu'un environnement festif faisant la part belle à d'illicites substances fût le moteur de leur inspiration. Quoiqu'il en soit, ce scénario sera le point départ de la carrière cinématographique des deux hommes. Un véritable coup d'éclat qui n'aura cependant aucune suite puisque lesdites carrières s'arrêteront dans la foulée ! Les mauvaises langues diront qu'ils l'avaient bien cherché mais pour notre part, nous préférons rappeler que c'est l'unicité d'une œuvre qui fait sa force et sa valeur…
Sans aucun doute conscient de l'honneur qui lui est fait, Nicholas Webster prend les rênes de l'entreprise et accepte d'immortaliser sur pellicule ce qui n'était encore que quelques mots sur un papier. Etrangement, l'homme aura plus de chance que ses valeureux scénaristes. Suite à cette réalisation, Hollywood lui permettra en effet de poursuivre dans le métier et lui confiera, presque vingt années durant, la mise en scène de nombreux épisodes de séries télé. Bien que cette réussite professionnelle reste très modeste, elle est notable et tranche avec les carrières des acteurs pour lesquels LE PERE NOEL CONTRE LES MARTIENS sonnera tel un glas… Seule la très jeune Pia Zadora réussira à faire oublier ce premier essai cinématographique grâce à une absence des écrans durant une vingtaine d'années.
La fin prématurée de tant de vocations n'est bien évidemment pas le fruit du hasard ou d'une quelconque malédiction. Non, si tant de personnes ont dû s'inscrire au chômage par la suite, c'est bel et bien parce que le milieu du cinéma n'était pas prêt à pardonner une oeuvre aussi ratée que LE PERE NOEL CONTRE LES MARTIENS. Aujourd'hui encore, malgré la tolérance et l'esprit d'aventurier filmique qui nous habitent, reconnaissons qu'il est extrêmement délicat d'évoquer le métrage de manière positive. L'aspect «kitsch» et décontracté pourra bien entendu séduire, de même que la furtive satire de la télévision. L'humour ou plutôt les vagues tentatives qui sont faites pourront sans doute faire frissonner les zygomatiques les plus sensibles mais en vérité rien n'y fait : Nous sommes en fasse d'un authentique navet.
Un navet cependant si «parfait» dans son domaine de pointe qu'il en deviendrait presque fascinant. Les problèmes de rythmes côtoient donc la médiocrité de l'interprétation et la laideur visuelle s'acoquine sans honte avec la stupidité des dialogues… Pire que cela, LE PERE NOEL CONTRE LES MARTIENS nous ment ! Nous n'aurons en effet pas droit au tant espéré affrontement entre notre bien-aimé Père Noël et de terribles extra-terrestres. Point de coups de pieds sautés ou autres manchettes bien placées ici car le barbu de Noël est avant tout un homme juste qui aime à résoudre les conflits par le bon sens et la parole. De manière régulière, le barbu jovial tapotera donc sa grosse bedaine pour nous délivrer quelques bons mots destinés à pacifier les esprits les plus torturés. Tel le lieutenant Columbo, le Père Noël n'est pas avare d'allusions à son épouse au risque bien évidemment de barber le spectateur, ce dont il semble se moquer… Plus inquiétant encore, le Père Noël du film est à l'évidence sénile et débite à haute voix la moindre de ses pensées, généralement très basique. «Je vais me faire engueuler par madame Noël» est donc la préoccupation majeure d'un homme qui, rappelons le, vient de se faire kidnapper par des Martiens !
Impossible d'évoquer nos rivaux venus d'ailleurs sans relever leur apparence terriblement… humaine ! En effet, les Martiens du film ressemblent furieusement à des Terriens classiques passés au cirage (un bizutage peut être ?). En réalité, s'ils n'étaient pas équipés d'un casque grotesque et d'une paire d'antennes, on jurerait que les extra-terrestres sont des indiens tels qu'on pouvait les voir dans les westerns américains des années 30/40 ! Point d'arc et de flèche toutefois puisque les kidnappeurs de barbu dodu sont équipés de rayons paralysants et d'un robot indestructible. Ce sont là autant d'occasions pour le spectateur de profiter de l'incroyable travail effectué par les spécialistes des effets spéciaux : Lesdits rayons sont invisibles (pratique) et ne font aucun bruit (re-pratique) alors que le fameux robot n'est qu'un individu honteux caché dans un carton. Terrifiant.
A la lecture de ces quelques lignes, il est probable qu'un long frisson parcoure la colonne vertébrale de nos lecteurs les plus masochistes, toujours en quête du «nanar» ultime. Dans ce registre, il ne fait aucun doute que LE PERE NOEL CONTRE LES MARTIENS fait fort. Reste que c'est avant tout l'ennui qui prime et que bien vite, le doigt du spectateur tend à se crisper sur le bouton «Eject» de la télécommande… Il faudra donc être fort ou tout simplement menacé par un rédacteur en chef pour mener le visionnage à son terme. Une expérience qui ne sera toutefois pas inutile puisqu'elle vous permettra de profiter en vrac d'un «rayon chatouilleur», d'un vénérable sage martien échappé de Fort Boyard, du combat à mains nues le plus mou de l'histoire du cinéma et d'un méchant moustachu tout simplement grotesque.
Terminons cette chronique en mettant en garde les parents : Malgré un sujet « alléchant » et un traitement plus que simpliste, LE PERE NOEL CONTRE LES MARTIENS n'est pas le film idéal pour scotcher vos enfants et ainsi vous offrir une paix chèrement méritée. Son traitement laborieux et sa crétinerie omniprésente en font juste un spectacle abêtissant d'une qualité indiscutablement mauvaise. Ajoutons par ailleurs qu'il n'est pas évident que nos chères têtes blondes, même les plus éveillées, soient à même de goûter l'hommage à Russ Meyer qu'a fait le Père Noël en nommant l'un de ses rennes Vixen !
La médiocrité n'étant pas un rempart à la commercialisation, LE PERE NOEL CONTRE LES MARTIENS se voit édité chez nous après avoir déjà fait l'objet d'un disque aux Etats-Unis. Pour la France, c'est Bach Films qui régale et nous concocte une édition DVD toute aussi étrange que le métrage… L'image nous est proposée au ratio d'origine 1.33 et bénéficie donc fort logiquement d'un encodage en 4/3. La qualité de ce transfert est toutefois très discutable. L'âge et l'amateurisme du film de Webster laissaient bien évidemment présager d'une copie sale, délavée et bourrée de défauts. Sur ce plan, l'acheteur sera gâté et pourra même, cerise sur le gâteau, profiter de magnifiques bugs numériques ! Bien qu'ils ne soient pas trop nombreux, ceux-ci se matérialisent assez régulièrement sous une forme originale pour ne pas dire expérimentale. La nature peu commune de ces problèmes d'encodage rend la description malaisée et c'est pourquoi nous nous contenterons d'en parler comme d'une «traînée de pixels colorés sacrifiant la partie basse de l'écran quelques secondes durant». Ne dramatisons pas toutefois et, même s'il est regrettable que le travail n'ait pas été plus soigné, contentons-nous de dire que le film est «regardable» en l'état.
Du côté des pistes sonores, Bach marque un point puisqu'il nous propose le choix entre la version originale sous-titrée et le doublage français. Les deux pistes sont proposées en mono et disposent d'une non-dynamique à peu près équivalente. Comprenez par là que l'ensemble est audible mais parfaitement plat. La piste française se démarque cependant par son incroyable médiocrité. Les voix ajoutent au ridicule de l'ensemble et les enfants semblent avoir été doublés par un parent de Alain Dorval (doublure française de Sylvester Stallone). Le résultat peut donc décontenancer, d'autant qu'il n'est à aucun moment synchrone avec les lèvres en mouvement. Reste que le sens des mots est respecté, dans le doublage comme dans les sous-titres, et que vous pourrez donc profiter pleinement des dialogues quelque soit l'option sonore sélectionnée.
Une fois n'est pas coutume, Bach Films nous offre un bonus pour le moins décalé. Qu'avons-nous donc en sus sur ce disque ? Est-ce un oiseau ? Est-ce un avion ? Non, c'est Superman ! L'éditeur nous propose en effet le premier des épisodes animés de SUPERMAN, série créée en 1941 par les frères Fleischer. La qualité est très honnête et nous pourrons donc profiter de cette petite perle sur une durée de dix minutes environ. Un bonus sympathique donc, même si le rapport avec LE PERE NOEL CONTRE LES MARTIENS semble des plus obscurs…