Un hérisson débarque
aux célèbres studios où est tourné le non moins célèbre show télévisé
"Meet the Feebles". Gentil et innocent, il ne sait pas qu'il vient de
débarquer dans l'antre de gredins sans foi ni loi, dirigée par Bletch,
un morse puant.
Peter Jackson, on le sait, n'a pas commencé sa carrière cinématographique en faisant dans la dentelle. Après BAD TASTE, qui a dû en faire vomir plus d'un, il enchaîne avec ce MEET THE FEEBLES, une adaptation cruelle du Muppet Show. Mais là, faut-il le préciser, on est aux antipodes de ce spectacle rigolard. Le réalisateur ne nous épargne rien : grossièretés, scènes franchement gores, scènes de cul, ajoutons à cela des personnages franchement crades, comme Trevor le rat qui se masturbe comme un porc en voyant les filles chanter ou encore lorsqu'il dirige le couple qui fornique sous l'il indécent de sa caméra, dans le tournage d'un film porno de son cru. Tous les ingrédients du mauvais goût sont réunis ici pour donner naissance à une uvre puissante devenue culte.
MEET THE FEEBLES nous trace une caricature poussée à l'extrême et vitriolée du monde du spectacle. On sait que c'est un milieu de requins, d'accord, mais on s'imagine moins les nombreuses magouilles dans lesquelles trempent les magnats de la production. Le néo-zélandais, sous couvert d'une farce où "toute ressemblance avec des personnages existant ou ayant existé serait fortuite" démontre à quel point ce milieu est corrompu. Bon, même s'il grossit un peu le trait, on se demande s'il ne se permet pas ici de dire à quel point il se moque de tout ce petit monde. A l'époque, en tous cas, car il est bien loin, aujourd'hui, le Peter Jackson des débuts
Ce qui est particulièrement
intéressant, dans MEET THE FEEBLES, c'est que les personnages
ont une histoire personnelle, un passé. Ainsi, on reviendra sur celui
de Heidi le Hippo (à ne pas confondre avec l'une de nos rédactrices),
mais aussi sur celui de Wynyard, une grenouille qui a fait le Viet-Nam
et qui, comme beaucoup d'américain, a été traumatisé à vie par cette
expérience. Ces flash-back apportent du crédit et de la profondeur aux
personnages, faisant presque oublier que c'est un film de marionettes.
Il l'a déjà prouvé par le passé, BAD TASTE étant emblématique de son mode de pensée de l'époque, il n'est pas là pour faire du sentiment. Nulle mièvrerie, donc, dans cette parodie des Muppets, sauf s'il s'agit pour lui d'être plus cruel ensuite. Rien n'est beau, si l'on excepte les décors du show, destinés à un fervent public. Les coulisses sont glauques, pleines de vermine, de recoins sombres et peuplées d'êtres torturés et de paumés. A noter la remarquable présence d'un journaliste, Eye Fly représenté sous les traits d'une mouche à merde (ah non alors !). Elle n'hésite pas à harceler moralement le pauvre lapin Harry qui, à cause de ses murs légères (le mot est faible car on apprend que c'est un queutard invétéré) est à présent atteint d'une maladie honteuse qu'il veut à tout prix passer sous silence. Mais Eye Fly la mouche est là, elle l'épie, le traque, jusqu'à obtenir le scoop dont elle rêvait, car cette dernière ne recule devant rien pour alimenter le voyeurisme de ses lecteurs.