James, jeune homme frustré par son insuccès avec les femmes, se rend dans le ranch de son vieux père pour l'été. Son paternel est en revanche un sacré tombeur, collectionnant les femmes «poumonnées». Sa dernière conquête, la plantureuse Cheryl, semble d'ailleurs avoir quelques vues sur notre (anti) héros. Surpris en plein ébat par le père de James, Cheryl disparaît brutalement. Serait-elle devenue de la «matière première» pour le passe-temps préféré du vieux paternel : la sculpture sur viande ? Ou serait-elle la victime d'une malédiction vaudou particulièrement incongrue ?
Avec son cocktail d'érotisme mammaire, de gore outrancier, de comique troupier, d'influence pulp avec son climax vintage et son « monstre » animé de manière artisanale en image par image, PERVERT! débarque dans le paysage cinématographique avec l'autocollant de supermarché «Attention Film Culte !» collé au popotin ! Un statut autoproclamé pour un film se voulant le prolongement moderne des films de Russ Meyer. Une ambition marchant sur les traces de quelques indépendants comme William Winckler et son DOUBLE-D AVENGER, qui mettait en scène d'anciennes actrices du père Russ. Si le concept n'est donc pas nouveau, encore faut-il ne pas mettre les pieds (ou les tétons) à côté du plat (ou du soutien-gorge).
Filmé dans le même ranch que FASTER PUSSYCAT ! KILL ! KILL !, adaptant sur 80 minutes le sketch de SUPERVIXEN où le héros se réfugiait dans la ferme d'un vieux bouseux époux d'une jeune hollandaise nymphomane, enfilant les clins d'œil aux différents films du maître (comme l'indienne de BEYOND THE VALLEY OF DOLLS), PERVERT! essaie de montrer patte blanche à tous les fans du (canonisé) Russ Meyer. Malheureusement, Jonathan Yudis (pour qui c'est la deuxième expérience de réalisation après la direction des prises de vue pour la rotoscopie de POCAHONTAS 2 de Disney, ça ne s'invente pas !) nous fagote un film qui n'a rien compris au cinéma de son modèle ! Si les films de Meyer traversent le temps en gardant leur gouaille intacte, c'est surtout parce qu'au-delà des triples bonnets, ces métrages osaient mettre en scène des héroïnes frondeuses, indépendantes (socialement, sexuellement), allergiques à toutes formes d'autorités, le tout dans des situations burlesques pleines d'imaginations comiques. Ici, les femmes de PERVERT! ne sont que des poupées (vulgaires) à gros seins totalement décérébrées, juste bonnes à finir à quatre pattes. Et même si certaines semblent dotées d'un fort caractère, c'est pour mieux tomber en pâmoison devant le dieu Pénis. PERVERT! n'est donc qu'une grosse gaudriole machiste là où les Russ Meyer étaient de vrais délires féministes. L'hommage est donc totalement raté !
Le deuxième gros problème de PERVERT! vient de son humour graveleux qui n'a aujourd'hui plus rien de malpoli. Tout comme le gore fut récupéré par le cinéma classique au début des années 90 (voir RESERVOIR DOGS de Tarantino ou le meurtre au pic à glace de BASIC INSTINCT de Verhoeven), la grossièreté et les blagues vulgaires ont fait leur « trou » à Hollywood depuis quelques temps déjà. Arrivant dans la foulée du film pour adolescents SUPERGRAVE de Greg Mottola (qui aligne les pires dialogues de cul au monde) ou encore LA FEMME DE SES REVES des frères Farelly (qui casse de nouveaux tabous comme la représentation frontale d'un sexe féminin négligé), PERVERT! passe en comparaison pour un film aux petits bras. Les quelques répliques comiques, fonctionnant beaucoup sur la grossièreté du personnage du père, sont à des années-lumière de l'audace des films précédemment cités. Et ce ne sont pas les quelques personnages secondaires qui vont relever le niveau, comme ce mécanicien bouseux et (donc ?) nazi comme on en a vu et revu. Pour justifier son titre, PERVERT! se contentera d'aligner aléatoirement des petites séquences où les comédiennes se badigeonnent la poitrine avec différents liquides. Passionnant et iconoclaste !
Mais ne soyons pas trop sévères avec ce PERVERT! pépère. La chose reste un film à budget ultra riquiqui, tourné dans des conditions difficiles. On appréciera d'autant plus la photographie plutôt soignée du film, en pellicule, là où bon nombre de produits de ce genre se seraient contentés d'une image en DV bâclée. Un professionnalisme qui permet d'arrondir certains angles plus douteux du film, comme une interprétation très limite (le casting compte l'actrice porno Mary Carey, à ne pas confondre avec la chanteuse, quoique, ou encore Sean Andrews, la révélation de SCARECROW GONE WILD !). Plus grave, le film souffre d'un découpage parfois terrassant d'amateurisme (il faudra souvent froncer les sourcils pour comprendre ce qui se passe durant certaines séquences). Heureusement, le métrage s'achève sur un moment de bravoure sympathique en mettant en scène un pénis animé en stop-motion. Si l'humour de la chose tombe à plat, on a plaisir à retrouver des fans d'animation en volume image par image ailleurs que dans un WALLACE ET GROMIT. PERVERT! est donc à conseiller non pas aux fans de Russ Meyer mais aux clients des petites bobines branquignoles et fauchées, se complaisant gaillardement dans leur propre médiocrité.
Le nichon étant un appât commercial testé et approuvé en laboratoire, l'éditeur français de PERVERT! n'a pas l'intention de décevoir sa clientèle et nous propose un DVD ultra complet. Techniquement, rien à redire. L'image est claire et très saturée, comme le veut la note d'intention très bande dessinée du directeur de la photographie. Un rendu d'ailleurs trop propre, car on jurerait voir de la vidéo alors que le film a été tourné en Super 16. Les bandes sonores proposent des mixages deux canaux ou multi (les enceintes arrières étant sollicitées pour les classiques envolées musicales ou quelques bruitages cartoons), à choisir selon votre installation.
La copieuse section bonus s'ouvre avec deux commentaires audios, entièrement sous-titrés en français. Il n'en fallait pas moins pour comprendre toutes les subtilités du film ! La première piste est une table ronde entre le réalisateur, le monteur, le chef opérateur, le responsable des effets spéciaux et l'une des comédiennes. La parole est très décomplexée, très anarchique aussi, mais chacun nous raconte l'envers du décor dans une bonne humeur générale. Malheureusement, rien de bien passionnant ne nous attend . Le deuxième commentaire, associant à nouveau le réalisateur à son scénariste, n'est guère plus emballant. Ici, la parole est bien plus austère et les doublons d'informations sont légions.
Pour profiter sans ennui des coulisses de PERVERT!, mieux vaut donc éviter ces deux commentaires balourds et redondants et opter pour l'excellent Making Of du film. Sur trente minutes parfaitement rythmées, le documentaire brosse toutes les étapes de la production en donnant la parole à ses auteurs. Si l'équipe à tendance à s'auto congratuler régulièrement, le Making Of n'hésite pas à insister sur la difficulté du projet. N'ayant que douze jours et 50.000 dollars, l'équipe devait enchaîner les journées de travail à un rythme effréné, qui plus est, sous une chaleur de 45 degrés. Un véritable défi physique et psychologique, à mille lieues du délire léger qui règne dans le film fini.
La suite des suppléments est moins emballant. Quelques scènes coupées sans grand intérêt, si ce n'est une scène rallongée de saphisme qui ravira les fanas de grosses mamelles et de fesses molles. La mode du bêtisier pas drôle est à l'honneur avec une série de petits plans ratés qui ne feront malheureusement rire personne. Outre les filmographies, bandes-annonces et compagnie, un court-métrage se cache (heureusement pas très bien) dans le menu. Il s'agit du film BLOODY CURRENT EXCHANGE de Romain Basset avec Philippe Nahon. Un essai misant tout sur l'ambiance d'un fantastique langoureux, pour mieux se conclure dans un bain de sang éclairé à la SUSPIRIA. Une surprise agréable, à l'élégance tranchant violemment avec la vulgarité de PERVERT!. Notons pour conclure que le disque est vendu à un prix particulièrement attractif, ce qui est un bel effort compte tenu de la densité éditoriale du produit.