Un crane de dinosaure, trésor national chinois, est volé par l'autoproclamé « homme au pistolet d'or ». Les autorités décident alors de « réactiver » un ancien agent secret, 007 (Stephen Chow), qui est devenu entre-temps boucher dans un marché de rue (très) populaire. Aidé dans sa mission par la jolie Sui Kam (Anita Yuen), 007 est loin d'imaginer qu'il est au centre d'un complot organisé par sa propre hiérarchie.
Lorsque Stephen Chow s'impose sur la scène internationale avec l'irrésistible SHAOLIN SOCCER en 2001, suivi du non moins irrésistible KUNG FU HUSTLE en 2004, l'homme savoure la consécration d'une déjà longue carrière. Comédien à Hong Kong dès le début des années 80, superstar dès le milieu des années 90 suite à la fuite des talents chinois vers les Etats-Unis, Chow avait essayé de « s'exporter » à plusieurs reprises, notamment avec un projet avorté de film en compagnie de Jim Carrey. Mais l'humour de Chow, trop typique, trop local, le contraindra à l'ex-colonie où il tournera moult productions. Le succès planétaire de ses derniers opus incite désormais les distributeurs étrangers à regarder en amont de la carrière de Chow afin d'y dénicher quelques titres intéressants. Première bonne nouvelle, la filmographie de l'homme regorge de pépites. Deuxième bonne nouvelle, BONS BAISERS DE PEKIN en est l'une d'elle.
Tourné en 1994 simultanément au génial LOVE ON DELIVERY (une adaptation de la bande dessinée japonaise Nori Taka), BONS BAISERS DE PEKIN marque un tournant dans la carrière de Chow. Déjà co-auteur de ses scénarios, il passe pour la première fois à la co-réalisation afin de mieux contrôler son art. Le film est bien évidemment une parodie de James Bond, ou plus largement du film d'espionnage. Se moquer de l'agent 007 n'a jamais été un grand défi, comme en témoignent les kilos de comédies se partageant le créneau. Même le cadre cantonnais n'est plus vierge depuis le mirifiquement pathétique BONS BAISERS DE HONG KONG avec les Charlots ou la série des ACES GO PLACES (plus connu en France sous le patronyme de MAD MISSION). Heureusement, l'humour de Stephen Chow a bien d'autres choses à proposer que des éternels gadgets foireux ou des méchants stupides et mégalomaniaques.
Comme dans beaucoup de ses précédents films, et notamment le génial KING OF COMEDY, BONS BAISERS DE PEKIN se joue tout d'abord des apparences. Boucher de quartier rustre transformé en quelques secondes en super agent au look impeccable, qui est vraiment ce 007 ? Un idiot se prenant toutes les peaux bananes du scénario ? Ou un authentique super héros juste un peu plus maladroit que la normale ? Le film a de plus l'idée très intelligente de faire de la James Bond Girl de service un double agent censé l'éliminer. Loin des recettes faciles, BONS BAISERS DE PEKIN tire donc l'essentiel de sa dynamique de ce couple improbable, où le génie comique de Chow fait des étincelles lors de séquences de drague laborieuse ou autres tentatives d'assassinats ratées. Attention tout de même, l'humour cantonnais est très spécial, et celui de Chow volontairement placé en dessous de la ceinture. Comme en témoigne cette séquence où notre héros doit se faire extraire une balle de la jambe. Pour stopper l'hémorragie, il s'oblige à visionner un film porno pendant l'opération, afin de « mieux concentrer le sang dans un seul organe » !
Même si BONS BAISERS DE PEKIN n'a aucun scrupule à s'éloigner de son modèle, il y revient pourtant régulièrement en se pliant à la charte de toute bonne parodie de James Bond. Q (renommé De Vinci), le spécialiste des gadgets, est bien entendu présent avec tout un lot d'objets complètement débiles. Citons la lampe torche à énergie solaire, qui s'allume quand il y a déjà de la lumière ! Mais 007 ne retiendra que les gadgets les plus indispensables, comme le téléphone qui fait rasoir, le rasoir qui fait sèche-cheveux, le sèche-cheveux qui fait rasoir, et enfin la chaussure qui fait sèche-cheveux. « Pour un espion, l'apparence est très importante », lance 007 à sa complice effarée. Un souci d'élégance qui n'ouvrira pas pour autant les portes des palaces à notre agent, mais plutôt la porte des hôtels miteux et insalubres. Le gouvernement chinois n'ayant pas les mêmes priorités budgétaires que son homologue britannique.
Hong Kong oblige, BONS BAISERS DE PEKIN est aussi un film généreux en action. Le « bad-guy » de service est bien décidé à nous montrer la fiabilité de son armure le rendant indestructible (ou presque) lors de diverses séquences de fusillades riches en pyrotechnie. Il est d'ailleurs étonnant de constater que pour une comédie, BONS BAISERS DE PEKIN n'hésite pas à prendre quelques détours hardcores. Comme de coller un pistolet sur la tempe d'un enfant de cinq ans, pour ensuite exécuter son père sous ses yeux de plusieurs balles dans la tête. Chow n'a également pas de scrupule à toiser le système de répression de Chine Populaire et ses exécutions sommaire, voir la longue (et hilarante) séquence où notre héros doit faire face à un peloton devant le fusiller.
Très drôle, mené sans temps morts, BONS BAISERS DE PEKIN se paye le luxe de bénéficier d'une vraie personnalité laissant loin derrière les autres tentatives de parodies bondiennes, toutes nationalités confondues. S'il suit parfois quelques chemins déjà balisés (comme l'apparition d'un sous-fifre à la mâchoire « bionique »), il se paye le luxe de quelques références plus pointues au cinéma chinois (comme la reconstitution du plan de « temps arrêté » de Tony Leung dans CHUNGKING EXPRESS de Wong Kar-Wai, symbole du glamour à Hong Kong). Plus qu'une curiosité pré-SHAOLIN SOCCER, le film est une vraie réussite à conseiller à tous ceux qui veulent découvrir Stephen Chow sous son angle le plus typique, moins familial aussi que ses œuvres récentes. A contrario des idées reçues, il est parfaitement possible à nous autres occidentaux de pouvoir nous plonger avec bonheur dans la filmographie du comique, même si la non-compréhension du cantonnais nous fait perdre beaucoup du talent de l'artiste (ce dernier bénéficiant d'un vocabulaire particulier ayant le don de rendre hystérique les Chinois).
Inédit jusqu'alors dans nos contrées, BONS BAISERS DE PEKIN intègre le catalogue d'HK Vidéo, un éditeur qui n'a plus à faire ses preuves. Il suffit de comparer ce DVD français avec le DVD chinois pour s'en convaincre. L'édition parue à Hong Kong offre une image largement plus imprécise et dont les teintes de couleurs sont bien trop chaudes même s'il découvre un petit peu plus d'image en haut et en bas. Conformément à l'exigence de la maison HK Vidéo, l'image du film est d'excellente qualité et d'une propreté exemplaire.
Les options audios nous proposent des remixages en Dolby Digital 5.1, globalement de bonne tenue malgré un léger souffle durant les envolées musicales. Les puristes préfèreront le mono d'origine, également présent sur la piste cantonaise. Pour élargir la cible du film, un doublage français a été réalisé pour l'occasion, de qualité honnête mais totalement incapable de se mettre au diapason des mimiques linguistiques de Chow. Question bonus, l'éditeur n'a que très peu de matériel à proposer (des bandes-annonces et une galerie photo). En guise de compensation, un petit livret explicitant le film et l'univers de Stephen Chow est glissé à l'intérieur du packaging, comme d'habitude extrêmement soigné.