Bien que fondée quelques années plus tôt par les producteurs/scénaristes américains Milton Subotsky et Max Rosenberg, ce n'est qu'en 1964 avec la production de LE TRAIN DES EPOUVANTES que la société Amicus Production prendra réellement son envol. Imitée un peu plus tard par d'autres comme Tigon British Film Productions et Tyburn Film Productions, la Amicus surfe donc sur la vague horrifique britannique initiée par la Hammer. Mieux encore, elle s'offre les services des acteurs et réalisateurs qui contribuent au succès de la firme. Parmi ceux-ci, nous citerons bien entendu Peter Cushing, Christopher Lee, Ingrid Pitt, Roy Ward Baker ou encore Freddie Francis. Les réalisations Amicus ne s'égareront que rarement du fantastique et oscilleront plus généralement entre l'horreur (tantôt gothique, tantôt granguignolesque), l'aventure et la science-fiction. Impossible d'évoquer cette seconde catégorie sans citer les deux films dédiés au fameux Docteur Who, lequel trouve régulièrement écho dans nos colonnes…
Pour en revenir aux productions horrifiques, la réussite de LE TRAIN DES EPOUVANTES incitera à renouveler l'expérience du film à sketches de manière régulière. En une dizaine d'années, ce sont donc neuf titres basés sur ce concept qui verront le jour. ASYLUM apparaîtra sur les écrans en 1972, entre LA MAISON QUI TUE et HISTOIRES D'OUTRE TOMBE, adaptation par Freddie Francis de cinq histoires tirées de différents comics dont « Les contes de la crypte ». A cette époque, la « machine » Amicus est bien rôdée et ASYLUM se voit confié à Roy Ward Baker, inoubliable réalisateur auquel nous devons, entre autres, quelques perles comme THE ANNIVERSARY, THE VAMPIRE LOVERS ou encore DOCTEUR JEKYLL ET SISTER HYDE. L'homme sera par ailleurs aux commandes en 1980 de LE CLUB DES MONSTRES, film à sketches là encore qui sonnera le glas de la Amicus un an après la dernière production Hammer, UNE FEMME DISPARAIT…
Le scénario de ASYLUM sera pour sa part rédigé par Robert Albert Bloch. Bien qu'il compte à son actif une bonne centaine de nouvelles, une vingtaine de romans et bon nombre de participations à différents magazines, Robert Bloch est essentiellement connu pour son roman « Psycho » qui servira de base un an plus tard au film PSYCHOSE de Alfred Hitchcock. A l'évidence, l'homme s'intéresse de prés aux troubles dissociatifs (qui n'ont en réalité rien à voir avec la schizophrénie) et c'est donc à de nombreuses reprises que ses écrits traiteront d'individus aux personnalités multiples. Ce sera encore une fois le cas dans ASYLUM qui assoit sa trame générale sur cet étrange trouble relevant de la psychiatrie.
ASYLUM est donc constitué de quatre petites histoires, regroupées entres elles via une trame simple mais plutôt efficace : Le jeune Docteur Martin doit remplacer au pied levé le Docteur Star, directeur de la clinique qui vient subitement de « griller un fusible » au point de se retrouver patient de son propre établissement. En guise de test d'embauche, il est proposé à Martin, incarné ici par Robert Powell, de rencontrer quatre patients souffrants de maux divers. A lui de retrouver lequel de ces patients est en réalité le Docteur Star… La folie et l'asile sont donc les liens qui permettent de passer d'un sketch à l'autre de manière bien plus fluide et logique que dans CAT'S EYE ou CREEPSHOW par exemple…
La première histoire nous invite à partager une soirée bien particulière avec un couple au bord de la rupture. Monsieur, incarné par Richard Todd, a en effet décidé d'offrir à sa femme un tout nouveau congélateur… et de la mettre dedans ! Malheureusement pour lui, sa délicieuse épouse, jouée ici par Sylvia Syms, est adepte du vaudou et le démembrement dont elle fait l'objet n'est qu'un problème mineur qui n'entravera en rien sa vengeance… Ludique et particulièrement bien conçu, ce premier sketch joue la carte du granguignolesque avec pas moins six morceaux de cadavre totalement autonomes et animés par une pulsion meurtrière que rien ne semble pouvoir arrêter. L'interprétation est sans faille, l'animation des membres tranchés est étonnante et, malgré la legèreté du concept, l'ambiance répond bien présente. A la fois déroutant, ludique, vicieux et angoissant, ce premier pan de ASYLUM marque les esprits et débute l'aventure avec brio.
Comme c'est souvent le cas avec les films à sketches, les différentes histoires qui nous sont contées sont de qualité inégale. La seconde aventure, bien que mettant en scène un Peter Cushing comme toujours irréprochable, s'avère donc être un cran en dessous. A dire vrai, les mésaventures de ce tailleur (incarné par Barry Morse) passionnent peu et l'issue, convenue au possible, s'avère être la bienvenue puisqu'elle permet d'enchaîner sur un troisième pan bien plus réjouissant !
Nous voici donc en présence d'une Charlotte Rampling toute jeunette incarnant Barbara, demoiselle perturbée par une dépendance incontrôlable à de petits cachets… De retour dans la demeure familiale, Barbara tente un sevrage sous l'œil bienveillant de son frère George. Malheureusement, la pression mise sur les épaules de la jeune femme est trop forte et bien vite, elle craque. Consciente du problème, sa meilleure amie décide de l'aider et d'apporter une solution radicale aux différents problèmes… Bien que relativement convenu lui aussi, ce sketch s'avère être de qualité et ce en grande partie grâce à son casting irréprochable. Comme à son habitude, Rampling nous livre ici une composition étonnante et donne vie avec exactitude à son personnage perturbé, tiraillé entre sa famille, son amie et ses horribles cachets qui l'éloignent peu à peu des êtres qu'elle aime. Encore une fois, le regard de l'actrice envoûte et agit comme un véritable élément de narration, sorte de porte ouverte sur l'esprit et les contrariétés de son personnage. Etonnant. Charlotte Rampling sera pour les besoins de ASYLUM confrontée à un casting très « James Bondien » puisqu'elle donnera la réplique à James Villiers (RIEN QUE POUR VOS YEUX) ainsi qu'à Britt Ekland qui sera en 1974 une magnifique « James Bond Girl » dans le douteux L'HOMME AU PISTOLET D'OR. L'actrice suédoise incarne ici l'amie bienveillante mais délurée de l'héroïne et agit comme son pendant décomplexé, débarrassé du paraître et du socialement correct qui semble bloquer la pauvre Barbara dans son épanouissement…
Le dernier sketch nous propose de faire la connaissance avec le docteur Byron, lequel semble avoir malheureusement perdu l'esprit et se consacre maintenant à la modélisation de petites poupées. Pas n'importe quelles poupées toutefois ! Il s'agit là de poupées que l'homme certifie « vivantes » et auxquelles il a donné de sa personne à un point que l'on n'imagine pas. Eblouissant, cet ultime volet de ASYLUM nous confronte à l'acteur Herbert Lom, bien connu pour avoir tenu le rôle titre dans LE FANTOME DE L'OPERA version Hammer mais aussi pour son interprétation de l'inspecteur Dreyfus dans la saga cinématographique LA PANTHERE ROSE. Lom nous offre une composition d'un très haut niveau et son regard, glaçant, agit ici comme une incroyable apothéose capable de rivaliser dans les mémoires avec celui du Richard Burton dément de LA GRANDE MENACE. A cette interprétation de qualité s'ajoute un dénouement étonnant et particulièrement graphique qui, là encore, devrait marquer les esprits.
ASYLUM fait donc partie de ces films à sketches qui ne déçoivent pas et dont les différents segments, bien qu'ayant la folie en dénominateur commun, s'avèrent suffisamment variés pour éviter de tomber dans la redite. Il sera bien entendu toujours possible de déplorer la présence d'une histoire très inférieure aux autres mais qu'importe car au final, le résultat est là : ASYLUM est bien construit, magnifiquement interprété et mis en scène avec un réel talent. Tour à tour amusants, étonnants et angoissants, les récits qui nous sont fait intriguent et s'inscrivent dans la logique de ce film choyé jusque dans sa bande originale s'ouvrant (et se clôturant) sur l'inquiétant « A night on Bald Moutain » de Modest Mussorgsky. Du grand art !
Le disque édité par D'Vision ne relève en revanche pas vraiment de l'art avec un grand « A ». Tout d'abord, à l'image des autres films de la collection, il s'ouvre sur un film-annonce de près de deux minutes impossible à zapper. Passé cette énervante introduction, nous atterrissons sur un menu soigné mais désespérément vide… En effet, D'Vision suit là encore sa ligne éditoriale en ne proposant aucun bonus d'aucune sorte. Le choix nous sera donc offert de débuter la vision du métrage de Roy Ward Baker ou de sauter directement à une scène via un morcellement arbitraire en huit chapitres.
Abordons maintenant la qualité technique du disque. L'image est proposée dans un format assez proche du format d'origine. A savoir qu'en lieu et place du 1.85, nous nous retrouvons ici avec un ratio 1.77 qui ne dénature toutefois pas l'œuvre présentée. Les couleurs apparaissent comme légèrement ternes, les artefacts se font rares mais existent et les contrastes sont corrects avec toutefois des noirs ressemblant furieusement à des gris... On pourra aussi reprocher un grain trop présent, une compression par instant visible et une définition (encodage 4/3 oblige) en deçà de ce que l'on est en droit d'attendre. S'il est indéniable que le film aurait mérité meilleure copie, reconnaissons qu'il n'y a rien cependant qui empêche réellement le visionnage du film.
Plus fâcheuse est l'absence de la version française, déjà constatée sur les autres disques de « l'horrible collection ». Bien que fervents défenseurs de la version originale, nous ne pouvons que déplorer l'absence de version francophone sur un disque commercialisé sur le territoire français, particulièrement quand celle-ci existe bel et bien. Une petite déconvenue regrettable, bien vite oubliée toutefois puisque la piste originale en mono se montre claire, tant dans ses dialogues que dans sa restitution de l'ambiance sonore, bande originale incluse. Les sous-titres français sont pour leur part tout à fait corrects et rendent justice à l'humour noir très présent lors du premier sketch.
Une édition juste honnête donc pour un film qui méritait sans aucun doute un meilleur traitement. Le disque américain par exemple, bien que dénué de sous-titres français, disposait d'une pleine brouettée de bonus avec notamment un commentaire audio de Roy Ward Baker. Si la langue n'est pas un obstacle, c'est donc pour cette édition d'outre atlantique que nous vous recommandons malheureusement d'opter…