Dans les années 80, en Inde, le groupe Taylor-Eriksson explore toutes sortes de techniques afin de repousser ses propres limites. De vilaines rumeurs se répandent suite à la disparition du groupe et de son mentor, Lars Eriksson. Le destin de trois anciens adeptes va se montrer très différent...
D'après Andreas Marschall, faire un film d'horreur outre-Rhin, c'est aussi bien vu que de tourner un porno en Allemagne. Peu gâté par le système de distribution très particulier des oeuvres jugées trop violentes, l'acheteur de pelloche horrifique se doit, en effet, de rester discret en Allemagne. Cela n'empêche pas pour autant la production d'oeuvrettes gores mêlées à de la fesse triste, torchées par les Andreas Bethmann et consorts qui n'arrangent pas vraiment le portrait du fantasticophile teuton. Avant de réaliser son premier long-métrage, Andreas Marschall va bosser dans le milieu de l'édition en élaborant des visuels de films underground (dont NEKROMANTIK) ou des pochettes de disques. Il fera d'ailleurs ses premières armes de cinéaste en mettant en scène les clips vidéo de groupes de la scène metal européenne : Kreator, Thunderhead, Grave Digger, Moonspell ou Rage. Plus de dix ans après, il tourne un premier court-métrage horrifique, titré DER KALI PROZESS, qui reçoit un accueil dithyrambique. Avec comme base ce court, il se décide alors à produire un long-métrage composé de trois histoires, un tiers du film étant déjà prêt ! Les deux premiers récits de TEARS OF KALI sont ainsi tournés. Le résultat enthousiasme Andreas Marschall mais les financiers considèrent que la différence de niveau de production entre DER KALI PROZESS et ce qu'il vient de tourner est bien trop importante. Le court DER KALI PROZESS sera donc laissé de côté et une troisième histoire sera conçue spécialement pour l'occasion.
Comme presque tous les films à sketches, TEARS OF KALI a un fil conducteur qui ne peut pas vraiment être considéré comme une véritable histoire. Plus porté sur l'ambiance, comme le reste du métrage, il nous permet de suivre les adeptes du groupe Taylor-Eriksson et, plus particulièrement, la relation, assez vague, entre Lars Eriksson et une de ses disciples, qui n'hésite pas à s'ouvrir (littéralement) les yeux pour mieux appréhender son être et le monde qui l'entoure. L'italien Peter Martell prête ses traits à Lars Eriksson, un inquiétant gourou vieillissant. Très linéaire, sans véritable intrigue, cette partie du métrage, présente au sein de chaque opus, prend des airs de film d'auteur à la limite de l'expérimentation. L'écueil de la prétention n'étant pas très loin mais l'atmosphère étrange teintée d'un soupçon d'érotisme emporte l'adhésion de ce segment récurrent et titré « Poona, India 1983 ».
La première véritable histoire, « Shakti », déçoit carrément après l'entrée en matière indienne du film. Une journaliste se rend auprès d'une femme enfermée dans un établissement psychiatrique, qui aurait donc fait partie du groupe Taylor-Eriksson et aurait été impliquée dans un meurtre sanglant. La première partie apparaît très longue, à coups de bavardages entre nos deux protagonistes. L'argument fantastique finit par débouler un peu tardivement et secoue une situation qui sombrait dans un certain immobilisme. Mais la simplicité du segment ne joue pas en sa faveur, les rebondissements n'ont rien d'exceptionnel et l'intrusion de passages sanglants peine un peu à lui faire remonter la pente.
Heureusement, la seconde histoire, « Devi », s'avère bien mieux menée. Toujours d'une grande simplicité, on suit la visite chez un médecin d'un toxicomane violent espérant trouver une échappatoire à sa condition via une nouvelle thérapie. Le docteur Steiner lui amènera bien plus que ce qu'il pouvait attendre. L'affrontement verbal entre les deux hommes offre des situations plus tendues et curieuses que dans celui du sketch précédent. Un contexte étrange, parfois à la limite de la comédie glaçante, s'installe assez rapidement jusqu'à un dénouement assez corsé qui flirte quelque peu avec HELLRAISER II.
Enfin, « Kali » clôt la troisième histoire avec l'acteur allemand Mathieu Carrière, que l'on aurait tendance à associer au cinéma dit « prestigieux ». Capable de guérir grâce à un don, le thérapeute va être confronté à un mal contre lequel il ne pourra pas grand-chose. Par certains aspects, le récit ressemble à la première histoire mais entre plus rapidement dans l'action et fait, en passant, un petit clin d'oeil à L'ENFER DES ZOMBIES de Lucio Fulci. À mi-chemin entre le film de monstre invisible et le huis clos, cette dernière partie s'avère toujours aussi simpliste et ne retrouve pas le brin d'astuce des situations du segment précédent (« Devi »).
Filmé en vidéo, TEARS OF KALI réussit le pari d'offrir un métrage d'ambiance tourné avec pas mal de soin. Toutefois, les histoires développées au sein du métrage demeurent très inégales. La frustration est exacerbée par l'établissement d'un fond mystérieux consacré à une secte secrète basée en Inde, qui ne servira que de justification aux récits. Les touches orientales n'apparaissent, la plupart du temps, qu'au niveau de l'énoncé et le destin du gourou ainsi que celui de ses disciples ne sera pas vraiment développé. C'est d'autant plus surprenant que le court original, DER KALI PROZESS, narrait une histoire plus intrigante et pourvue d'un retournement de situation inattendu. D'autre part, ce court-métrage apporte un quatrième « témoignage » sur la destinée de ceux qui ont suivi l'enseignement très particulier du groupe Taylor-Eriksson.
Moins brut que les vidéos gores teutonnes habituelles, TEARS OF KALI reste une tentative intéressante de fantastique à l'européenne où le drame psychologique se voit teinté de surnaturel. Plus que ses défauts de narration, ce sont les qualités du film d'Andreas Marschall qui seront couronnées dans divers festivals à travers le monde (grand prix au Cinénygma du Luxembourg, mention spéciale à Bruxelles...). Notons enfin que parmi les acteurs inconnus, le film emploie quelques interprètes confirmés comme Anja Gebel, Michael Balaun et Cora Chilcott, avant tout renommés de l'autre côté du Rhin.
TEARS OF KALI était déjà paru au début de l'année 2005 en Allemagne via une édition minimaliste. Environ deux ans plus tard, le coproducteur du film, Anolis Entertainment, sort un triple disque dont les galettes sont insérées au sein d'un gros digipack sobre et de bon goût. Sur les trois disques, on trouve deux DVD ainsi qu'un CD audio reprenant l'intégralité des partitions composées pour le film mais aussi pour le DER KALI PROZESS. L'initiative musicale ravira les mélomanes, qui pourront réécouter la très bonne bande originale atmosphérique alternant passages planants et énervés. A l'intérieur du digipack, on découvre également un livret d'une vingtaine de pages qui ne parlera qu'à ceux qui comprennent l'allemand. Pour ceux qui ne possèdent aucune notion de la langue de Goethe, il faudra retomber en enfance pour apprécier le feuilletage du livret, en cherchant uniquement les illustrations.
Contrairement à la première édition parue en Allemagne, cette nouvelle sortie propose un éventail conséquent de langues pour les sous-titrages. Parmi les textes permettant de décrypter la version originale allemande, on trouve du français ! Il y a bien quelques petites anicroches, genre la voix off qui ouvre le segment « Shakti » qui n'est pas traduite, mais cela s'avère salvateur ! La piste sonore de TEARS OF KALI est déclinée en stéréo et Dolby Digital 5.1. Le mixage multicanaux reste clair mais ne sonne pas d'une façon très naturelle. Une grande partie se trouve localisée sur les avants mais, tout d'un coup, des effets viennent habiter, parfois avec une différence marquée, les enceintes arrière. Il est probable que le mixage original soit en cause et qu'il ne s'agisse pas d'une éventuelle anicroche du DVD. Cela n'empêche pas d'apprécier le spectacle avec une piste bien plus massive que son pendant stéréo.
TEARS OF KALI a été tourné en vidéo au format 1.85. Le DVD semble reprendre tel quel la source vidéo du montage original qui n'a pas, apparemment, été produit en 16/9. L'image est donc en 4/3 mais au format cinéma respecté. Les sous-titrages ont été placés dans la barre noire du bas, ce qui ne parasite pas l'image mais empêche de zoomer avec un téléviseur 16/9 de manière à remplir toute la surface de l'écran. La qualité est, en tout cas, au rendez-vous pour un transfert 4/3.
Sur le premier DVD, il faudra de bonnes notions d'allemand pour écouter le commentaire audio, qui n'a pas été sous-titré, la discussion entre Andreas Marschall et son producteur, Heiner Thimm, restera donc très obscure pour la majorité du public francophone. Les bandes-annonces et la vidéo promo seront largement plus accessibles. Le contenu du second DVD sera, en revanche, abordable en partie pour ceux qui comprennent aussi l'anglais. Un sous-titrage anglais, mais pas français, vient en effet éclairer une partie de son contenu !
Le premier supplément du second DVD apparaît comme la pièce incontournable de TEARS OF KALI. Il s'agit du court-métrage DER KALI PROZESS qui, bien que produit avec des moyens moins importants, réussit à se placer, en termes d'intérêt, au même niveau que le film (voire à le surpasser). Présenté en version allemande, il est donc sous-titré en anglais. Autre supplément sous-titré dans cette langue, la fin coupée du segment « Shakti », qui aurait très bien pu s'insérer dans la continuité du métrage. Andreas Marschall explique en allemand les raisons de son éviction dans le commentaire audio qui accompagne cette séquence. Dernier supplément à être proposé avec un sous-titrage anglais, le making of donne la parole au réalisateur et à son producteur, le temps d'expliquer la genèse du court-métrage ainsi que celle du film. On y apprendra que Andreas Marschall s'est inspiré d'une drôle de séance lorsqu'il s'était intéressé au « New Age » et autres « sciences » parallèles. Cette vidéo présente l'avantage de faire le tour de son sujet en moins d'un quart d'heure et se regarde sans ennui.
Plus de sous-titrage pour le reste des suppléments, à savoir une balade lors de la présentation du film au festival de Bruxelles, dont les différentes interventions resteront obscures, y compris les traits d'humour, trahis par les rires des intervenants, qui échapperont à ceux qui ne comprennent rien à la langue allemande. Trois vidéos offrent des images brutes de tournage même si la langue allemande demeure un frein, on pourra tout de même y voir la conception de certains effets spéciaux ou l'équipe au travail. Aucun problème de langue, en revanche, ne sera un obstacle pour les deux galeries de photos (l'une pour le tournage et l'autre pour les clichés du film) ainsi que les deux clips musicaux. Ces derniers sont plus des curiosités puisque les chansons n'apparaissent pas, à première vue, dans le film. Le clip de She Male Trouble reprend toutefois des extraits du film tout en ajoutant des effets horrifiques sur les membres du groupe. De son côté, le clip de Tanzwut n'utilise que l'acteur Peter Martell, spectateur d'un combat de boxe gore sonorisé dans un style musical très proche de Rammstein et avec une cornemuse.
Cette très belle édition posera quelques soucis pour la compréhension mais il y a fort à parier que la majeure partie de son contenu ne sera pas reprise (on espère se tromper) sur un éventuel DVD français. TEARS OF KALI ayant, vous l'aurez compris, déjà trouvé un acquéreur à destination du marché français !