Après avoir purgé une peine de prison, un néo nazi nommé Adam est envoyé faire un stage de ré-insertion sociale dans une paroisse reculée tenue par Ivan. Ce dernier est un curieux homme de dieu qui réfute le caractère malfaisant de ceux qu'on lui envoie. Le séjour va provoquer de nombreuses remises en question au sein de la communauté où séjourne aussi Gunnar, un ancien violeur, Khalid, un braqueur de stations service, et Sarah, une alcoolique.
Pendant plusieurs années, Anders Thomas Jensen va s'illustrer en tant que scénariste au sein de la production danoise. En 1996, il va commencer à s'intéresser de plus près à la réalisation et il va ainsi tourner plusieurs courts-métrages qui vont être nominés aux Oscars. Une première approche qui va le mener naturellement au long métrage. Toutefois, s'il devient réalisateur, Anders Thomas Jensen ne lâche pas pour autant la plume et il continuera de travailler sur l'écriture de nombreux films danois. Au poste de réalisateur, il va tourner son premier long métrage en 2000 avec un polar teinté d'humour, LUMIERES DANSANTES, puis, en 2003, il réalisera la comédie cannibale LES BOUCHERS VERTS. Son troisième long va prendre une direction un peu inattendu puisque ADAM'S APPLES est une fable mystique toujours dotée d'un humour noir agressif.
Devant la caméra, la plupart des rôles sont tenus avec talent par des connaissances de Anders Thomas Jensen. En effet, si l'on excepte Paprika Steen et le rappeur danois Ali Kazim, tous les acteurs principaux ont déjà collaboré avec le cinéaste par le passé (Nicolas Bro, Ole Thestrup, Nikolaj Lie Kaas...). De LUMIERES DANSANTES et LES BOUCHERS VERTS, on retrouve donc Mads Mikkelsen qui était aussi l'un des personnages principaux des deux premiers films de la trilogie danoise PUSHER ou encore, dernièrement, Le Chiffre dans CASINO ROYALE. De son côté Ulrich Thomsen assure la gestuelle brute de Adam après avoir été aux génériques de LUMIERES DANSANTES et ELECTION NIGHT, le court-métrage pour lequel Anders Thomas Jensen remportera un Oscar.
ADAM'S APPLES prend ses racines dans la religion et l'on trouvera donc de nombreuses références bibliques. Mais le film de Anders Thomas Jensen est avant tout un film sur la foi et non pas sur la religion. Si certains des ressorts du film laisse à penser qu'il puisse y avoir une intervention divine, rien ne sera réellement explicité et la forme du film, sorte de fable surréaliste à l'humour agressif, s'affranchit sans peine des éventuelles critiques de prosélytisme que l'on pourrait être amené à lui faire. Et ce même si parmi les nombreux prix que le film a gagné à travers le monde, il a reçu la distinction religieuse du « Culture Award of Danish Pastors ». Mais que dieu existe ou qu'il n'existe pas, que le diable se joue des êtres humains ou qu'une puissance divine nous surveille, cela n'a finalement pas une grande importance car ADAM'S APPLES préfère démontrer que l'important est avant tout la foi dans l'optimisme.
Le personnage d'Ivan est persuadé que le diable est partout et met à l'épreuve sa foi. Plutôt de baisser les bras devant l'adversité, il trouve le bon côté dans chaque situation et il dédramatise à sa façon l'injustice du monde. Sa ténacité et son enthousiasme sont tellement communicatifs qu'il rallie à sa cause ses pensionnaires donnant un équilibre à l'étrange vie de la paroisse. Entre Ivan et Adam, l'affrontement est donc inévitable. Le prêtre va se heurter à un néo nazi qui accroche dans sa chambre un portrait d'Adolf Hitler et résout ses problèmes avec des coups de boule. Et Adam entend bien détruire ce prêtre qui lui tape sur le système avec toute sa bonté. Pourtant ADAM'S APPLES fait fi d'une approche trop manichéenne car notre prêtre plein de convictions occulte totalement de sombres secrets de son existence ou bien délivre parfois des conseils irresponsables.
En débarquant au sein de cet univers surréaliste, on a un peu l'impression que le personnage le plus «normal», c'est notre néo nazi. L'empathie avec ce personnage, que l'on serait plutôt amené à détester, est renforcée de manière plutôt maligne par l'air ahuri de Adam faisant la découverte progressive du petit monde dans lequel il va être obligé de vivre. Si l'endroit semble carrément en dehors de la «normalité», il s'avère que tous vivent paisiblement et en harmonie dans ce lieu. Le retour à la «normale», par la suppression de l'enthousiasme catalyseur, provoquera l'effondrement de la communauté. Pour se sentir bien, ADAM'S APPLES préconise donc de voir le bon côté des choses, d'avoir foi dans la vie et de se fixer des buts constructifs. Des préceptes moraux qui ne sont pas si éloignés de la comédie américaine à la Frank Capra mais teinté ici d'un humour extrêmement corrosif. Le film de Anders Thomas Jensen s'amuse de tout et n'hésite jamais à toucher des sujets sensibles, tel que les handicapés, ce qui ne sera certainement pas au goût de tout le monde. De plus, les changements de tons assez brusques risquent d'en désarçonner plus d'un mais c'est probablement pour le cinéaste danois la meilleure manière de prouver que la vie est faite de toutes sortes d'émotions et que celle-ci n'arrivent jamais au moment où vous vous y attendez. ADAM'S APPLES est ainsi une belle fable humaniste et caustique dont le traitement est résolument adulte.
L'édition DVD de Europa Corp donne l'occasion de voir le film dans son format cinéma respecté (2.35) et servi par un transfert 16/9 de toute beauté. Les ambiances ensoleillées ou nocturnes du film sont retranscrites parfaitement et on n'aura du mal à trouver des failles en ce qui concerne l'image de ce DVD. En ce qui concerne le son, vous n'aurez le choix qu'entre deux pistes audio pour la version originale danoise en Dolby Digital 5.1 et stéréo. Le sujet ne se prête pas à des déferlements de décibels et les deux pistes font preuve surtout de subtilité dans le rendu des ambiances ou de la musique. Quelques passages seront un peu plus impressionnant et vont surtout mettre en avant les événements climatiques.
L'absence d'un doublage français sur le DVD va surprendre puisque celui-ci existe. Réputé de mauvaise qualité, il a tout de même été placé sur le disque distribué du côté du Benelux. Mais Europa Corp fait donc le choix de la version originale obligatoire ce qui n'est pas plus mal, de notre point de vue, pour découvrir ce film. Toutefois, même si nous sommes plutôt à enclin à militer pour la version originale, il aurait sûrement été plus logique de donner tout de même une alternative aux consommateurs français.
Il n'y a que deux suppléments sur cette édition DVD. La bande annonce française ainsi qu'un Making Of d'un peu moins d'une demi heure. Si l'on pourra y glaner quelques informations intéressantes comme le passage concernant les dresseurs de corbeaux, il est difficile d'être contenté une fois que cela se termine. Ce petit documentaire a été réalisé en amont de la sortie du film et, d'ailleurs, le cinéaste nous fait part de son espérance de voir le film trouver son public lors de la sortie dans les salles danoises. Ce segment vidéo survole donc de manière superficielle la création de ADAM'S APPLES et nous donne des phrases toutes faites de la plupart des acteurs et du réalisateur. Le reste étant un assemblage d'images de tournage souvent parachutées là pour illustrer plus que pour expliquer les propos des divers intervenants. Le maquillage est évoqué mais de manière si évasive qu'il ne sera même pas fait mention de l'effet réaliste sur le visage de Mads Mikkelsen. A l'arrivée, ce Making Of n'est pas forcément désagréable à regarder pour autant mais on y apprend finalement rien ou presque.