Philip et ses deux acolytes Wurst et Konrad sont ce que l'on appelle des «loosers» au lycée : ils ne sont pas «hype» question fringue, sont nuls en sport, et surtout ne pensent qu'à tremper le biscuit malgré le manque d'ouverture ! Comment se sortir de cette situation terrible que l'on appelle communément l'adolescence ? Et bien en faisant une séance de magie noire avec les gothiques du bahut pour que leurs attributs de nouveaux mâles puissent enfin faire effet sur la gent féminine. Malheureusement, les trois compères ont un accident de voitures sur le chemin du retour. En se réveillant dans une morgue, ils prennent conscience qu'en lieu et place de Dom Juan, ils sont devenus des zombies.
LA NUIT DES LOOSERS VIVANTS, de son vrai nom DIE NACHT DER LEBENDEN LOSER, est donc un film allemand écrit et réalisé par un certain Mathias Dinter en 2004. C'est le deuxième long-métrage du metteur en scène, après une dizaine d'années d'écriture principalement pour la télévision locale. Avec son concept de comédie mettant en scène des morts-vivants, LA NUIT DES LOOSERS VIVANTS fait irrémédiablement penser sur le papier à un SHAUN OF THE DEAD teuton. Mais si le film d'Edgar Wright et Simon Pegg était très attentif à ce que l'humour ne phagocyte pas la facette horrifique du film, l'opus de Dinter n'en a que faire. Et pour cause, la figure du mort-vivant dans LA NUIT DES LOOSERS VIVANTS n'est qu'un vague prétexte profitant de l'air du temps (les sorties rapprochées de 28 JOURS PLUS TARD, L'ARMEE DES MORTS et consorts). L'ambition affichée est plutôt de pondre un équivalent germanique aux comédies américaines sexy à la AMERICAN PIE et d'y rafler sa part du gâteau.
Ne cherchons pas de «relecture pertinente» ou encore un «dynamitage des clichés du genre» dans LA NUIT DES LOOSERS VIVANTS. Car si l'on surprend au détour d'une séquence nos trois héros rigoler bêtement devant LE JOUR DES MORTS-VIVANTS de Romero un gros pétard dans le bec, l'aspect fantastique du film est traité avec une paresse d'écriture désarmante. Transformé en zombie, notre trio se découvre une force herculéenne (pratique pour filer une raclée au goss'bo rugbyman qui truste «la plus belle fille du bahut»), peut boire des hectolitres d'alcool sans être bourré, pourri un peu mais pas trop (l'un perd ses testicules tandis que l'autre au contraire est en érection constante), et développe un goût pour la chair fraîche sur une progression psychologique qui doit beaucoup plus à MADAGASCAR qu'à MOI, ZOMBIE, CHRONIQUE DE LA DOULEUR.
Le fantastique étant en berne, reste au pauvre spectateur le versant «comédie». En toute simplicité, l'humour du film se borne à mettre des mots à connotations sexuelles dans la bouche de personnages au vocabulaire d'ordinaire plus châtié. Lors d'un prologue à Haïti, une famille est attaquée par un mort-vivant. La mère, en dégainant un fusil, lâche un cocasse «tire-toi, espèce de branleur de zombie». On arrive à notre jeune héros rêvant dans son lit à une hypothétique remise des diplômes où le directeur de l'école annonce en grande pompe : «bravo à Philip, il a bien mérité une bonne pipe» ! La mère de ce dernier le réveille alors en rentrant brusquement dans sa chambre. Le pauvre bougre se contorsionne dans sa couette pour dissimuler son érection. En ouvrant sa fenêtre, la mère annonce à la jolie voisine : «Philip ne peut pas te parler, il a son érection matinale». Plus tard, le père s'exprime à son tour : «si tu fais une fête à la maison pendant mon absence, je t'arrache les testicules»… Etc… Etc… Etc…
On aimerait presque pouvoir taxer LA NUIT DES LOOSERS VIVANTS de comédie grasse ou vulgaire, mais même pas. Le film pratique un humour, certes orienté en dessous de la ceinture, mais terriblement fade et inoffensif à l'image des navetons qui lui servent de références. On a beau dire le mot «pénis» toutes les trois phrases ou encore déclarer que les pétards «ça fait délirer» (mais heureusement, nos héros décident d'arrêter ça dès le premier quart d'heure), le film se complait paradoxalement dans une morale conservatrice défonçant minutieusement les portes ouvertes. Philip découvrira au terme de l'aventure que son fantasme de coucher avec «la plus belle fille du lycée» (blonde, à forte poitrine, et donc insupportable) n'était pas une si bonne idée : mieux vaut tomber amoureux de sa voisine d'enfance, moins bombasse mais, elle au moins, elle est vierge !
Techniquement, LA NUIT DES LOOSERS VIVANTS se montre plutôt de bonne facture malgré quelques décors trahissant un budget sûrement très limité. Bien évidemment, l'environnement fait tout pour mimer les Etats-Unis, et seul quelques morceaux de punk rock chantés en allemand trahissent les origines du métrage. Si les effets spéciaux «physiques» ont un rendu volontairement plastique pour ne pas trop écœurer nos jeunes spectateurs, les maquillages numériques sont plutôt bien troussés pour une production de ce calibre. La mise en scène est très académique compte tenu des origines télévisées de Dinter, et l'interprétation est globalement d'un bon niveau (si l'on excepte quelques plans où certains comédiens ont du mal à retenir leur gaudriole – il n'y avait visiblement pas le budget pour une seconde prise). LA NUIT DES LOOSERS VIVANTS n'est donc pas un film honteux dans sa forme, mais totalement désespérant dans son écriture et son concept. Ca doit être parce qu'on a passé l'âge !
Inédit en salle, LA NUIT DES LOOSERS VIVANTS est disponible en zone 2 via WE Productions, un éditeur d'ordinaire attaché au cinéma asiatique ou aux courts-métrages en dehors de quelques exceptions (THE CIRCLE, WENDIGO...). Le film est présenté dans des conditions optimales : image au format et compression impeccable. Le disque propose des pistes multicanaux à la fois en version originale allemande et en version française (de très bonne tenue d'ailleurs).
La section bonus est copieuse et pas si inintéressante que le laisse présager ses premiers modules. En effet, le Making Of n'est qu'une petite fumisterie de deux minutes et demie fait d'images prises sur le tournage de la séquence du match de rugby (peut-être la scène la plus sympa du métrage d'ailleurs). Les interviews des principaux protagonistes ainsi que du réalisateur et du producteur sont également vides d'intérêt compte tenu de leur contenu totalement promotionnel. Il s'agit en fait de «rushes nettoyées» destinées à la télévision, et livrées ici en brut. Et si vous ne parvenez pas à décrocher, ce seront les sous-titres qui le feront pour vous à plusieurs reprises. Passons également sur le bêtisier, presque dix minutes de comédiens qui savonnent ou qui n'arrivent pas à ouvrir une fenêtre.
Les suppléments pertinents sont rassemblés dans les scènes coupées et alternatives. En effet, de nombreux passages du film furent retournés après la première version du montage. On pourrait croire qu'il s'agissait de retravailler des séquences trop faibles, or ce matériel inédit vient nous prouver le contraire. Les scènes alternatives, dans l'ensemble bien plus agréables que les versions finales, bouleversent parfois le métrage. C'est surtout le cas du final qui est ici complètement inédit : la bande des sportifs (ennemis jurés des loosers) devient elle aussi zombie pour une bagarre pleine de câbles et d'effets spéciaux (certes non finalisés) avec nos héros. Un dernier quart d'heure bien plus enlevé que les pathétiques dialogues de couloir mystérieusement insérés en lieu et place dans le film fini.
A milles lieux de LA MAIN QUI TUE (un sympathique essai de crossover entre film d'ados et fantastique), à des milliards de kilomètres de SHAUN OF THE DEAD (qui avait parfaitement réussi à résoudre l'équation impossible entre comédie et horreur) ou encore de STACY (et de son métissage zombiesque le plus improbable du monde), LA NUIT DES LOOSERS VIVANTS n'est qu'un prétexte paresseux pour concurrencer le cinéma américain sur le terrain de la teen comedy post-premier poil. Un sous-AMERICAN PIE pratiquant une subversion humoristique de pacotille, qui ne pourra faire illusion qu'auprès des très jeunes ados, légèrement abrutis de surcroît !