Seth Brundle, interprété de façon magistrale par Jeff Goldblum, est un scientifique génial. Comme tout savant qui se respecte, il consacre sa vie à la recherche, laissant de côté les plaisirs terrestres dont il ne connaît pas grand chose. Il a travaillé sur un prototype de "Télépod" - dont le design, pour la petite histoire, a été inspiré par un cylindre de Ducati - destiné à la téléportation ce qui va révolutionner l'idée de transports, de marchandises mais aussi d'humains. L'engin est presque prêt, il n'a plus qu'à en faire la démonstration en avant-première à Veronica, une journaliste interprétée par Geena Davis, qu'il vient de rencontrer, et auprès de qui il a envie de se faire mousser. En plus de l'impressionner et de lui faire miroiter le scoop de sa vie, il la séduit par son côté innocent et délicieusement naïf. Elle va l'initier à la chair, à l'amour ce qui marquera le commencement de la fin.
A l'origine, LA MOUCHE est une nouvelle de George Langelaan dont une première adaptation a été réalisée en 1958 sur un scénario de James Clavell. Dans cette version, le savant est marié et vit dans une somptueuse maison. Seth quant à lui, habite un immeuble désaffecté, où il a pour uniques trésors une vraie machine à expresso et un piano. Il vit seul et n'a jamais eu de relation avec une femme aussi, lorsqu'il rencontre la séduisante Veronica, il veut la séduire immédiatement. La transformation, quant à elle, se limitait dans la version de 1958 à intervertir les têtes et un membre de la mouche et du scientifique. L'affiche de LA MOUCHE de Cronenberg reprend d'ailleurs l'idée d'échange - on distingue le corps d'un homme affublé d'une énorme patte de mouche-, alors qu'en réalité il s'agit dans le film d'une assimilation, ou plus précisément d'une fusion génétique entre les deux entités.
Quand Mel Brooks a envoyé le scénario de LA MOUCHE à David Cronenberg, il savait que lui seul pouvait maîtriser cette histoire de fusion génétique et en faire un film réellement terrifiant. A la lecture du scénario, et malgré sa réticence à faire un remake, il a perçu l'intérêt de réaliser ce film qui n'avait plus grand chose à voir avec LA MOUCHE NOIRE de 1958, film qui l'avait quelque peu laissé sur sa faim. Il considérait en effet que cette adaptation était un peu trop mélodramatique et naïve. Cronenberg a voulu faire de son film, au-delà de la dimension horrifique de la transformation physique de Seth Brundle, une histoire d'amour tragique, sur fond de maladie dégénérative. Il est clair que lui demander de travailler sur ce film tombait sous le sens : les transformations physiques et leurs conséquences psychiques étaient indéniablement son terrain de prédilection. Le réalisateur a été séduit d'emblée par l'idée de la lente transformation du scientifique. Il laissa tomber TOTAL RECALL, projet sur lequel il travaillait depuis un an et qui n'aboutissait pas à cause d'opinions divergentes avec Dino De Laurentiis pour se consacrer à LA MOUCHE.
Cronenberg a fait un film certes effrayant, mais aussi incroyablement émouvant. Prenant pour prétexte une expérience scientifique qui tourne mal, il montre surtout la lente dégénérescence de ce corps soumis à une maladie incurable et les implications de ce drame sur l'entourage de celui qui devient un monstre. Ici, Seth et Veronica vivent une merveilleuse histoire d'amour. La passion transpire dans leur relation, passion exacerbée par la découverte de Seth et ses implications économiques. Lorsque Seth devient véritablement monstrueux, Veronica le prend encore dans ses bras, dans une étreinte désespérée.
Parce qu'il ne connaît rien de la chair, l'ordinateur recompose, à sa façon, la matière en formules chimiques. Seth, trop occupé à travailler sur son programme, ne s'est pas interrogé sur ce problème d'interprétation de la machine, jusqu'à ce que Veronica lui révèle la solution, sans le vouloir. Mais c'est seulement parce qu'il a appris le plaisir de cette chair, qu'il va réfléchir différemment au problème de la reconstitution biologique. On retrouve dans ce thème l'une des préoccupations essentielle de Cronenberg, qui est proprement fasciné par les transformations que l'humain a subies au fil des millénaires, mais aussi celles que nous subissons en vieillissant, tout simplement. Cette lente dégradation du corps et de l'esprit n'est pas très éloignée de celle que subit Seth, au sens métaphorique du terme, bien sûr.
Première parution en DVD pour le film de Cronenberg, ce disque offre l'occasion de revoir le métrage dans de bonnes conditions. A l'origine, une scène montrait l'expérience sur deux animaux ensemble dans la machine. Le résultat était visuellement atroce, et ne figura malheureusement pas sur le montage final. Dans la featurette de sept minutes présente sur le DVD, personne ne parle de cela. D'ailleurs, c'est bien trop court pour qu'on puisse y apprendre quoi que ce soit de réellement intéressant. Pourtant, il y avait vraiment matière à faire des bonus passionnants ; par exemple en parlant des effets spéciaux, réalisés par Chris Walas, qui signera plus tard LA MOUCHE 2. Les interviews de l'équipe sont quant à elles une succession de courts monologues dont on aura déjà vu la quasi intégralité dans la featurette précitée. Pour compléter cette édition, on trouvera en plus une bande-annonce en version originale non sous-titrée. Pas grand chose, me direz-vous ? Oui, on aurait grandement apprécié un commentaire audio du génial réalisateur. Mais bon, pour une fois, on n'est pas en reste par rapport aux USA, qui eux ont dû se contenter des deux films sur une seule galette et de bandes-annonces en guise de suppléments.