Il y a quelques années de cela, une météorite est venue percuter la terre provoquant, en plus d'une nuit éternelle, l'anéantissement d'une bonne partie de l'humanité. Les survivants se sont alors vus confrontés à la folie, au chaos et à la maladie. Celle-ci, variante de la peste, poursuit sans mal l'éradication de l'Homme débutée par la météorite... Alors que tout espoir semble donc définitivement perdu, une poignée de chercheurs découvrent l'existence de six humains naturellement immunisés contre le fléau. L'occasion est trop belle et ces individus sont regroupés pour être sujets à une série d'examens. Malheureusement, le convoi est massacré par Little Ray et ses hommes, bandits de grands chemins persuadés de mettre la main sur une denrée négociable à bon prix. L'espoir de l'humanité toute entière se trouve ainsi éliminé d'une simple balle dans la tête... Parmi les six victimes se trouvait Oliver, frère jumeau du chasseur de prime Roland. Ce dernier, d'un naturel susceptible, décide de venger l'affront fait à sa famille et découvre par là même qu'il existe en réalité un septième porteur d'espérance. Dès lors, Roland va devoir protéger cette ultime chance, usant pour cela de son intelligence, de son tact et surtout de son incroyable promptitude à coller des coups de pieds dans la tronche.
Amoureux des arts martiaux (il pratique le Judo et le Karaté), Isaac Florentine se découvre une passion pour le cinéma à la vision du LE BON, LA BRUTE ET LE TRUAND de Sergio Leone. L'homme d'origine Israélienne décide donc tout naturellement de concilier les deux en bouclant son cursus scolaire par quelques études de cinéma à l'université de Tel-Aviv. Fort du succès de ses films estudiantins, Florentine part aux Etats-Unis pour nous pondre un premier long-métrage assez catastrophique nommé DESERT KICKBOXER. Cette grave erreur de parcours aurait pu anéantir les espoirs du jeune cinéaste mais il n'en est rien. La télévision va en effet lui ouvrir les bras et lui proposer d'entrer dans le monde merveilleux des POWERS RANGERS. Costumes grotesques et dialogues idiots sont alors malheureusement au rendez-vous… Reste qu'il s'agit là d'une opportunité pour Florentine de faire se succéder à l'écran moultes scènes d'action et quantité de bourre-pifs. L'homme y prendra naturellement goût et réalisera tout de même 70 épisodes et téléfilms de cette saga sans fin… Le réalisateur ne s'arrêtera bien entendu pas là et donnera libre cour à son amour du corps à corps dans la série WMAC MASTERS mettant en scène, durant 26 épisodes, différents combattants venus démontrer par la force que leur art martial est bel et bien le meilleur. Un spectacle à la fois bourrin et réjouissant qui permettra à Isaac Florentine d'œuvrer à l'avenir dans le domaine du direct-to-video musclé. C'est ainsi que se succèderont sous sa direction quelques latteurs bien connus comme Antonio Sabato Jr., Olivier Gruner, Dolph Lundgren ou encore Michael Worth.
Pour les besoins du COLD HARVEST qui nous intéresse ici, Florentine se paye même le luxe d'offrir la tête d'affiche à un véritable champion martial, le bondissant Gary Daniels (KEN LE SURVIVANT)… Avec plus de 40 films d'action à son actif, Daniels est en effet l'un des plus grands distributeurs de pêches qu'il soit possible de trouver dans son vidéoclub. Gary Daniels au casting, c'est l'assurance de redécouvrir inlassablement à l'écran les fondamentaux du bonhomme : Un regard bleu fixe et inexpressif, un jeu d'acteur étonnamment limité et, bien entendu, d'ébouriffantes cabrioles qui, quoiqu'il arrive, se terminent par un douloureux impact facial. Rien de surprenant donc à ce que les chemins des deux hommes se croisent en 1999…
COLD HARVEST se présente en réalité comme un métrage post-apocalyptique plutôt classique. On y retrouve sans exception tous les poncifs du genre (chaos, décors en friches, bandes de pillards etc.) et le connaisseur n'en sera guère surpris. La trame générale rappelle en effet celle du sympathique CYBORG d'Albert Pyun et de son clone AMERICAN CYBORG : STEEL WARRIOR. La maladie est une menace pour l'humanité et un homme seul devra aider une femme à rejoindre un lieu où sera possible l'exploitation d'un vaccin salvateur. Cette idée avait par ailleurs été exploitée dans le cyberpunk JOHNNY MNEMONIC (1995) mettant en scène un Keanu Reeves portant à son insu la solution aux maux du monde. De ce dernier film, COLD HARVEST reprend du reste beaucoup, que ce soit en terme d'histoire, de décors ou même de gangs… Malgré l'évidente banalité des propos et des situations donc, COLD HARVEST parvient sans mal à se créer une identité. En effet, en grand fan du genre, Isaac Florentine se permet d'imaginer un futur aux forts accents de Western. Pour cela, il fourre un cigarillo dans le bec souriant de Daniels et lui colle bottes, cache-poussière, fusil et foulard. La totale. Bien que le mélange des genres puisse paraître surprenant, force est de constater que l'ensemble fonctionne plutôt bien à l'écran. Le réalisateur peut enfin rendre un hommage très personnel à Sergio Leone et organiser quelques attaques de convois ou autres bagarres de saloon. Fort de cette expérience concluante, Isaac Florentine adoptera une démarche similaire dans son film suivant (BRIDGE OF DRAGONS) qui mixera, de manière bien moins heureuse, conte de fée et film de guerre…
C'est donc dans un univers plutôt sympathique qu'évoluent les différents personnages de COLD HARVEST avec d'un côté, les bons, et de l'autre…les truands ! Du côté des bons donc, c'est avec joie que nous nous retrouvons avec une double dose de Gary Daniels. Tout comme Jean-Claude Van Damme (DOUBLE IMPACT, RISQUE MAXIMUM) avant lui, l'homme incarne à la fois le couard Oliver et son ténébreux frère jumeau Roland. Si la courte espérance de vie de Oliver ne permet pas vraiment de prendre son personnage en affection, il n'en est rien de son frangin cogneur. Immanquablement fidèle à ses habitudes et ce malgré les déclarations d'un vieux sage («Je vois la lueur du guerrier briller dans tes yeux»), il semble difficile de discerner la moindre étincelle dans le regard désespérément vide de Daniels. Qu'importe car l'homme, véritable artisan du coup de pied retourné, est là pour cogner à la chaîne. En l'occurrence, c'est le diabolique Bryan Genesse (PROJECT : SHADOWCHASER II, CYBORG COP III, THE CIRCUIT…) qui va en faire les frais. Plutôt charismatique dans le rôle de l'odieux Little Ray, Genesse s'avère être un choix de casting judicieux : L'homme bouge vite et les combats, assez brillamment mis en scène, se succèdent avec une énergie que l'on retrouve dans la plupart des films de Florentine.
Ne nous y trompons pas cependant : Travailler pendant près de dix ans au contact des POWERS RANGERS, ça laisse des traces. Dans le cas présent, le réalisateur souffre de quelques séquelles qui se révèlent par moment assez nuisibles à l'ensemble. Le premier de ces «tics» se situe au niveau des bruitages. Chaque action des personnages se voit ainsi accompagnée d'un échantillon sonore que nous pensions jusqu'à présent réservé aux seuls Ninjas des années 80. Cet étrange bruitage, supposé accompagner les mouvements puissants et rapides, se trouve ici exploité à outrance, jusqu'aux fragiles frontières du ridicule. Qu'il s'agisse de hocher la tête ou d'allumer une simple cigarette, le geste est immanquablement souligné par l'usage de ce très décalé phénomène sonore… Autre particularité de la mise en scène du monsieur, le sur-découpage dont il use lors des nombreuses séquences d'altercations. Cette technique couplée à un placement de caméra souvent très judicieux crée une véritable sensation d'accélération, donnant aux combats une dimension assez surréaliste à laquelle on adhère, ou pas. Quoiqu'il en soit, le style de Florentine, vif et très efficace, est indiscutablement adapté aux œuvres qu'ils signent. A savoir qu'il s'agit là de films peu inspirés mettant en scène une poignée de brutes dont les capacités, même modestes, sont exploitées avec un certain talent.
COLD HARVEST n'échappe donc pas à la règle et s'avère aussi divertissant qu'il est crétin. L'alternance entre les combats nerveux et les dialogues totalement hors de contexte («On voulait s'acheter une ferme, je voulais faire la culture des champignons») fonctionne plutôt bien et mène sans mal son spectateur une heure trente durant. Nous nous permettrons pour finir d'évoquer ce qui pourrait bien être un début de cécité chez l'éclairagiste. Celui-ci nous impose en effet une alternance de brumes bleues et rouges d'un goût plus que douteux… De même, la légèreté des décors a de quoi laisser perplexe : Les murs semblent être l'œuvre d'un enfant adepte du papier mâché et les planches de bois partent en éclats dès qu'une légère brise se lève. Bien que ce soient là des économies auxquelles les productions Nu Image nous aient déjà habitué de par le passé, il est dommage de constater qu'aucun décor ne sorte vraiment du lot comme c'est par ailleurs souvent le cas dans les films post-apocalyptiques (usines délabrées, ruines, étendues désertiques et autres…).
L'édition DVD zone 2 nous propose quant à elle le strict minimum. C'est ainsi que nous devrons nous contenter d'une image encodée en 4/3 au format 1.33 d'origine, certes exempte d'artefact mais souffrant par moment d'un encodage assez visible. Le film, à la fois sombre, brumeux et rapide tend de nombreux pièges dans lesquels tombe sans sourciller ce disque proposé par Opening. Rien de dramatique toutefois, d'autant qu'il eût été étonnant qu'un traitement de faveur particulier soit apporté à un film clairement destiné aux bacs à soldes… Dans le même ordre d'idée, le spectateur devra donc se contenter d'une piste française en stéréo et d'un menu étonnamment sobre. Et pour cause : Les bonus brillent par leur absence, l'éditeur n'ayant pas même jugé bon d'inclure la bande annonce du film… Nous noterons enfin qu'à l'occasion de son arrivée sur le sol Français, le film s'est vu attribué le sous-titrage «Le virus», faisant passer l'œuvre pour un ALERTE ! fauché…
COLD HARVEST est donc un film sans prétention et sans réelle surprise. N'exploitant que très peu les multiples concepts balancés en vrac au visage du spectateur (météorite, gangs, peste, chasseurs de primes etc.), le film préfère se concentrer sur l'action. Souvent vaine, celle-ci profite en revanche des compétences indiscutables de Isaac Florentine et Gary Daniels dans le domaine. Le résultat est donc nerveux et nous permettra de passer sans mal une heure et demi en compagnie d'un cow-boy aux yeux bleus adepte des coups de pieds sautés. Et ça, même Leone n'y avait pas pensé !