Violée et séquestrée, Manuela parvient à se défaire de son pervers d'agresseur en lui perforant le crâne. Satisfaite d'un tel dénouement, elle enterre le corps du défunt dans les bois, pensant tirer alors un trait définitif sur cette douloureuse affaire. Malheureusement, cinq ans plus tard, alors que d'horribles cauchemars troublent ses nuits et que son psy l'écoute d'une oreille distraite, Manuela est à nouveau victime d'un grand malade. Elle et sa petite amie seront donc mises à mal par un nouveau tortionnaire à la fois sadique, nécrophile et de toutes évidences sexuellement déviant… Tout un programme !
Grand spécialiste du cocktail «gore et fesse», Andreas Bethmann est de retour en 2006 avec EXITUS INTERRUPTUS, un film particulièrement inspiré dans lequel il nous expose à nouveau son amour pour la chair sous toutes ses formes… Nous avions déjà évoqué le cas du réalisateur allemand à l'occasion des chroniques de ROSSA VENEZIA et DEMON TERROR ; Les lecteurs assidus sauront donc à quoi s'en tenir avec ce nouveau métrage surfant allègrement sur la même vague que son «chef d'œuvre» vénitien… Bethmann met ainsi en scène la porno-star australienne Renee Pornero dans le rôle de Manuela, jeune malchanceuse qui sera donc victime puis re-victime de violeurs particulièrement dérangés. Une fois n'est pas coutume, le cinéaste tente ici d'élaborer une trame scénaristique plus complexe qu'à son habitude et nous livre un résultat qui, effectivement, aurait plutôt tendance à tenir la route.
Ecrit en cinq jours seulement par l'intéressé aux multiples casquettes, EXITUS INTERRUPTUS est en réalité une somme assez cohérente d'éléments clés piochés de-ci de-là au sein d'œuvres horrifiques cultes. Le peu scrupuleux réalisateur n'hésite donc pas un seul instant à nous livrer sa version du repas de MASSACRE A LA TRONCONNEUSE, pas plus qu'il ne se fait prier pour ressortir du placard la mère possessive et desséchée de PSYCHOSE. Ne nous faisons pas d'illusions toutefois : s'il était possible d'acquérir du talent aussi simplement qu'on reprend et ré-agence les idées, le cinéma de Bethmann et de bien d'autres ne serait pas ce qu'il est actuellement… Le réalisateur tente donc, et ce avec des moyens bien entendu très limités, de recréer l'ambiance malsaine qui fit le succès des œuvres précitées. Il aligne ainsi quelques cadavres autour d'une table et ligote sa victime terrifiée, hurlante et bien entendu nue, à leurs côtés. Il va même plus loin et pousse le vice jusqu'à imiter la voix stridente de la momie Bates du film de Hitchcock ! De nombreux plans sur de malheureuses poupées entremêlées de fils barbelés symbolisent par ailleurs la tentative Silent Hill-esque de convertir d'innocents jouets en objets de répulsion…
Cependant rien n'y fait. La mayonnaise peine à prendre, les éclairages sont d'une neutralité effarante et les décors demeurent désespérément vides. La bande originale, reprenant laborieusement à son compte le travail effectué par Wayne Bell et Tobe Hooper sur le MASSACRE A LA TRONCONNEUSE de 1974 devient très vite redondante et même énervante… Malgré les efforts évidents de Bethmann, le climax peine donc à s'installer et cette tentative d'offrir au spectateur une œuvre plus travaillée se solde par un échec qu'il convient toutefois de relativiser. En effet, notre amoureux de la tripaille ne se contente pas d'exhumer quelques classiques, il tape aussi dans un registre bien plus actuel et dans ses cordes. C'est ainsi qu'il débute son film par un générique à la pellicule faussement vieillie, ouvertement emprunté au MASSACRE A LA TRONCONNEUSE version Nispel. Il offre par ailleurs à son tueur masqué l'opportunité de jouer avec ses victimes à la manière du Jigsaw de la saga SAW. Deux pièges particulièrement sadiques seront ainsi exposés à nos yeux ébahis. Le premier, simple bien qu'efficace, est une variante pubienne du supplice de la goutte d'eau. L'occasion pour ce petit vicieux de Bethmann de nous offrir quelques longs, très longs, trop longs, plans gynécologiques d'une Renee Pornero qui semble hésiter entre ennui, orgasme et franche rigolade. Insistons bien sur le «semble» puisque les performances globalement navrantes des acteurs/actrices rendent difficile toute analyse émotionnelle réellement pertinente...
Le second jeu se montre quant à lui bien plus divertissant et machiavélique. Monique, maîtresse un peu crétine de Manuela est ainsi attachée, jambes écartées, sans que ne lui soit offerte la moindre possibilité de mouvement. Pour Manuela, le challenge est simple : Elle dispose de moins d'une minute pour apaiser sexuellement ce tueur décidément très pervers (et pressé)… Nous entrons bien entendu là de plein fouet dans la partie pornographique du métrage, avec tout ce que cela implique de crudité et d'anti-esthétique. Bethmann, très conscient des limites du genre en termes de beauté formelle, trouve là l'occasion de se laisser aller à un parallèle des plus audacieux : Nous faire profiter pendant plus de trente secondes d'une alternance classieuse entre un geyser de sang et le bouquet généreusement offert par la jouissance du psychopathe. Certains pourront trouver l'idée globalement graveleuse et d'une simplicité cinématographique confondante mais ne nous y trompons pas, nous atteignons bien là des sommets de poésie Berthmannienne ! Les goûts suspects du monsieur en matière d'images et sa conception toute particulière du beau sont ici au rendez-vous avec tout ce que cela implique de perplexité pour le spectateur. Qui y'a t'il de plus sexy qu'une demoiselle vêtue d'une grosse culotte aux motifs rappelant étrangement ceux des rideaux fleuris de nos grand-mères ? Qui y'a t'il de plus émoustillant que d'entendre cette même perle de sensualité molle palabrer avec sa partenaire faussement lascive en allemand ? Beaucoup de choses en réalité. Bethmann ne se prive pourtant pas de ce genre de plan et c'est bien là que le bât blesse. Réellement incapable de nous offrir de la fesse conviviale et totalement dépassée lorsqu'il s'agit de faire monter la tension, l'homme échoue dans le domaine du porno comme dans celui de l'horreur. Nous noterons du reste que EXITUS INTERRUPTUS se montre particulièrement et étrangement léger en termes d'effusions de sang. Les quelques cadavres au visage de papier mâché et au sexe de caoutchouc n'y changeront rien : Le dernier Bethmann fait dans le gore gentillet !
Constat d'autant plus regrettable que l'édition DVD chroniquée ici est bien la version longue et complète du film. Car en effet, EXITUS INTERRUPTUS ne fait pas exception et se décline, comme tout les films de Bethmann, en deux versions : Une courte de 94 minutes et une longue de 115 minutes. L'éditeur Uncut Movies, fidèle à sa ligne éditoriale, fait l'impasse sur la version tronquée et nous offre bien entendu la version intégrale du métrage. Bien qu'au format 2.35 d'origine, l'image n'est malheureusement encodée qu'en 4/3 dans une qualité honnête. Encore une fois, les sous-titres français accompagnant la piste allemande stéréo sont placés trop bas pour que l'on puisse zoomer l'image sans les voir disparaître. Le Uncutophile sera donc contraint, mais il en a l'habitude, de regarder son nouveau chef d'œuvre au format timbre-poste…
Côté supplément, c'est la déception. Une édition triple DVD bardée de bonus existe en effet en Allemagne et ridiculise gentiment le disque français. Elle propose entre autres un commentaire audio du réalisateur qu'il aurait sans doute été pertinent de reproduire sur le disque français. Exit aussi le making-of de 133 minutes (!!!) nous exhibant avec fierté le maître à l'œuvre ! Oublié de même le pourtant très bref teaser de l'attendu (?) EXITUS 2 : HOUSE OF PAIN… L'édition Uncut Movies ne propose donc qu'une série de 23 scènes coupées en version originale non sous-titrée. Mises bout à bout, ces scénettes qui sont la plupart du temps de simples plans ou rushs, atteignent avec peine une durée totale de 11 minutes. N'offrant ni coup de langue, ni tache de sang additive, ces scènes manquent particulièrement d'intérêt. La palme revenant à un plan fixe montrant Monique lire son courrier alors qu'elle est confortablement installée dans ses toilettes… Le DVD Uncut Movies propose par ailleurs quantité de photographies de tournage (environ 80), réalisant par là même un tour d'horizon complet allant d'une poupée à la posture explicite à un gros plan sur le visage fraîchement souillé de Miss Pornero. De quoi satisfaire sans doute les fans les plus endurcis !
Terminons le dépiautage du disque avec les teasers et trailers du film ainsi que les bandes annonces de l'intégralité du catalogue Uncut. Le tout est présenté en version originale sous-titrée mais, malheureusement, mis bout à bout sans possibilité d'en choisir une en particulier.
Le dernier opus d'Andreas Bethmann déçoit donc quelque peu. Bien que nourri d'idées intéressantes ayant fait leurs preuves, le film n'atteint aucun des buts fixés. L'amoureux de la chair, morte ou vive, risque donc fort de rester sur sa faim et ce malgré les évidentes et louables intentions du réalisateur allemand. Nous voici donc contraints d'attendre encore quelques temps la sortie du second opus, en espérant bien évidement que cette fois-ci, la sauce prendra.