Critique du film
et du DVD Zone 2
LE CHATEAU DE FRANKENSTEIN
1973
Après avoir mis la main sur le corps d'un homme des cavernes, le docteur Frankenstein lui transplante un nouveau cerveau. Dans le même temps, la fille de Frankenstein rentre au château familial avec l'une de ses amies…
Attention, ce CHATEAU DE FRANKENSTEIN n'est pas à appréhender comme l'un des films que Terence Fisher ou James Whale ont réalisé sur le sujet. Vous pouvez même oublier l'œuvre originale de Mary Shelley ! LE CHATEAU DE FRANKENSTEIN, c'est un peu la quintessence du métrage dégénéré après être passé à la moulinette du Bis. Cela ne fait pas de lui un mauvais film, bien au contraire. Car ce mélange délirant fonctionne ici à merveille de par l'accumulation d'idées et rebondissements saugrenus qui ne cesse de surprendre ! LE CHATEAU DE FRANKENSTEIN, c'est donc la cour des miracles ou tout et n'importe quoi traverse un récit qui conserve, et c'est sûrement le plus surprenant, une certaine unité !
Dans LE CHATEAU DE FRANKENSTEIN, on rencontre donc des hommes préhistoriques ou plutôt deux. Le premier devient la créature inévitable d'un film mettant en scène le docteur Frankenstein et le scientifique l'affuble du surnom affectueux de Goliath sans avoir oublié de lui avoir transplanté un cerveau aux antipodes de son aspect extérieur. La science selon Frankenstein reste assez obscure à ce niveau là tout comme lorsqu'il se sert de sa future compagne pour faire réagir émotionnellement son colosse. Après tout, nous ne sommes pas neurochirurgien (si vous l'êtes, n'hésitez pas à nous écrire) et il y a peut être là un fondement scientifique qui nous échappe ! Toute ressemblance entre l'acteur Loren Ewing et son maquillage avec d'autres créatures du célèbre savant est exclu même si l'on aurait pu espérer un rapprochement avec le pourtant très néandertalien FRANKENSTEIN ET LE MONSTRE DE L'ENFER. Le deuxième homme préhistorique du film est interprété par un certain Boris Lugosi. Oui, quand même ! En réalité, derrière ce pseudonyme «classe» se cache Salvatore Baccaro qui jouera souvent le rôle de la brute épaisse et bas de plafond avec, en point d'orgue, sa prestation dans LA BESTIA EN CALORE où il s'avère être l'instrument de déviances nazies. Ici, ce sera finalement plus léger puisqu'il n'est qu'un simplet troglodyte qui va découvrir la vraie vie grâce à un nain.
Et ce nain, ce n'est pas n'importe quel nain puisqu'il s'agit de Michael Dunn. Très connu, entre autres, pour avoir incarné le personnage de Miguelito Loveless dans la série LES MYSTERES DE L'OUEST, il est ici l'un des catalyseurs dramatiques de l'histoire. La morale pourrait même se résumer au fait qu'il est préférable de ne pas ennuyer un nain même s'il est grave pervers et que son truc, c'est de peloter la poitrine des cadavres. Car malgré sa petite taille, sa vengeance risque d'être maladroitement mortelle pour tout le monde. Son amitié avec un colosse idiot pourrait même être touchante s'il ne faisait pas son éducation en enlevant une jeune femme pour mieux la violer ! Michael Dunn n'est pas ici à son avantage et ne déploie pas vraiment l'étendu de son grand talent comme il aura pu le démontrer en roulant sa bosse dans d'autres productions bien plus prestigieuses. Et puisque l'on parle de bosse, un bon film d'épouvante gothique a toujours besoin d'un bossu et, bien qu'il ne serve pas à grand chose dans l'histoire, Xiro Papas interprète assez bien ce serviteur relégué aux basses œuvres.
Et dans un film avec Frankenstein, il est aussi de bon ton d'ajouter un «Igor» et, cette fois, il prend la dégaine sacrément inquiétante de Gordon Mitchell. Cela dit, son rôle s'avère encore moins développé que celui de Xiro Papas et la production aurait pu tout aussi bien nous faire un Igor bossu. Néanmoins, l'apparition de ces deux acteurs qui ont traîné leurs gueules dans un grand nombre de productions Bis fait toujours plaisir à voir et donne à l'arrivée un certain cachet généreux à l'entreprise ! Il en va de même pour Alan Collins (alias Luciano Pigozzi) en majordome et assistant de Frankenstein ou encore d'un Edmund Purdom plus en retrait dans le rôle d'un policier un peu dépassé par la situation.
Et on aura beau le répéter mais la grande qualité de ce CHATEAU DE FRANKENSTEIN, c'est essentiellement d'y brasser tout et n'importe quoi. Ce qui nous permet d'admirer les courbes de Christiane Royce et Simone Blondell lors de séquences de bains dans une source thermale ou encore lier des relations amoureuses parmi tous ces personnages. Au milieu de tout cela, quand Christiane Royce nous affirme le plus sérieusement du monde être professeur d'anthropologie, tout paraît assez normal. Après tout, nous ne connaissons pas de professeur en anthropologie même âgé et pas bien gaulé (si vous l'êtes, n'hésitez pas à nous écrire). Ce film de Robert H. Oliver est donc d'une grande générosité que ce soit pour la tripotée d'acteurs qui défilent à l'écran ou encore de par son scénario fourre-tout et finalement assez bien organisé !
Justement, le film est le seul et unique film réalisé par un mystérieux Robert H. Oliver. On en vient même à se demander pourquoi il n'a pas persister dans cette voie. Néanmoins, il semblerait surtout que Robert H. Oliver soit avant tout un pseudonyme derrière lequel se cacherait un autre cinéaste. Pour les uns, ce serait le producteur Dick Randall alors que pour les autres, et plus vraisemblablement, ce serait Oscar Brazzi. Plausible surtout que c'est son propre frère qui interprète le rôle titre de Frankenstein. Le savant aristocrate est joué par Rossano Brazzi qui aura autant œuvré dans le cinéma très populaire que dans des œuvres plus renommées comme le AUSTERLITZ d'Abel Gance ou encore en poussant la chansonnette dans SOUTH PACIFIC, une comédie musicale hollywoodienne de Joshua Logan. Si on le compare aux autres Frankenstein sur les écrans de cinéma, il fait partie des plus décontractés vis à vis de leurs travaux scientifiques. Un recul fort appréciable dans un métrage qui ne paie pas de mine !
Bon, on a l'air de se moquer comme ça. Mais ce CHATEAU DE FRANKENSTEIN n'est jamais ennuyeux et réussi à nous faire avaler, avec le sourire, son histoire délirante sans pour autant se tourner complètement en ridicule. D'autres, comme Jesus Franco, se sont frottés à Frankenstein sur un même ton et sont loin d'avoir fait mieux !
Le DVD français choisi de ne pas reprendre le titre original apposé sur les affiches au moment de sa sortie dans les salles. Apparemment, BL Films a préféré opter pour un titre plus évocateur, utilisé parfois sur les sorties vidéo, plutôt que de choisir un plus passe-partout LE CHATEAU DE L'HORREUR. Par contre, pour l'avant de la jaquette, l'éditeur utilise un visuel d'époque qui n'est pas vraiment évocateur du réel contenu du film, on peut même dire qu'il n'a rien à voir !
Something Weird Video avait déjà sorti ce film en DVD aux Etats-Unis puis Siren en avait fait de même au Royaume-Uni. Ces deux éditions disposaient de transferts plein cadre révélant plus d'image en haut et en bas. BL Films nous propose un transfert 16/9 assez différent puisque s'il camoufle de l'image pour retrouver plus ou moins le format cinéma d'origine, il révèle aussi un peu d'informations sur les bords droit et gauche. Mais c'est surtout la définition qui y gagne avec une image disposant d'un joli niveau de détail et d'une palette de couleurs très naturelle. La copie utilisée pour faire ce transfert est de plus en très bon état et ne laisse apparaître qu'assez peu de défauts de pellicule. De l'excellent boulot !
Si l'image est de grande qualité pour ce type de film, le son ne fera pas spécialement date. Le DVD reprend les pistes sonores en mono d'origine que ce soit pour la version italienne ou le doublage français. La piste italienne laisse échapper quelques petits craquements ici ou là sans que cela ne soit particulièrement gênant. Le doublage français s'avère assez sympathique même si le panel de voix d'acteurs semble plus restreint.
Les suppléments sont assez simplistes. On trouve donc une galerie de photos ainsi que trois filmographies. Elles s'avèrent peu aérés et donc assez peu lisibles sans oublier qu'elles sont incomplètes. En plus, il est aussi possible de visionner la bande-annonce américaine titrée assez justement FRANKENSTEIN'S CASTLE OF FREAKS comme on peut aussi le découvrir au générique du film. Une façon de comparer les versions française et italienne avec le doublage anglais sur les rares bribes de dialogue entendus dans ce film annonce.