Dans un premier temps, le grec Ovidio G. Assonitis se distingue au sein de l'industrie italienne en produisant plusieurs films, dont AU PAYS DE L'EXORCISME d'Umberto Lenzi ou le giallo CHI L'HA VISTA MORIRE ? d'Aldo Lado. Puis, il passe lui-même à la mise en scène en réalisant LE DEMON AUX TRIPES, un succédané de L'EXORCISTE. Bref, une carrière placée sous le signe de l'opportunisme, ce que confirme sa réalisation suivante : TENTACULES, sorti deux ans après LES DENTS DE LA MER et s'en inspirant très largement.
Pour maximiser ses chances de succès commercial, Ovidio G. Assonitis met tout en oeuvre pour masquer la provenance européenne de son film. Les extérieurs sont tournés en Californie et le metteur en scène prend soin de dissimuler son nom derrière un pseudonyme aux consonances anglo-saxonnes : Oliver Hellman. Surtout, il recrute une troupe de comédiens américains aguerris, tels que Bo Hopkins (un des plus jeunes membres de LA HORDE SAUVAGE) ou Claude Akins (RIO BRAVO). Surtout, ils s'offre la présence de trois véritables Stars préalablement récompensées par des Oscars : Shelley Winters (L'AVENTURE DU POSEIDON), l'acteur réalisateur John Huston (LE TRESOR DE LA SIERRA MADRE) et même Henry Fonda en personne !
Au large de la Californie, des personnes disparaissent en mer et des restes humains déchiquetés sont retrouvés. Le journaliste Ted Turner et Will Gleason, expert en océanographie, découvrent que ces crimes sont commis par une pieuvre géante, rendue folle par des phénomènes physiques et électromagnétiques mystérieux...
Dans les années 70, la mode est aux films-catastrophes, comme le prouve les succès de productions d'Irwin Allen telles que LA TOUR INFERNALE ou L'AVENTURE DU POSEIDON. En 1975, LES DENTS DE LA MER, réalisé par un dénommé Steven Spielberg, mêle à ce genre l'aventure maritime et l'horreur. Son triomphe provoque une vague de copies en provenance du monde entier. Dans les années qui suivent, nous assistons à un déferlement de requins (TINTORERA de René Cardona Jr.), de piranhas (PIRANHAS de Joe Dante) ou de barracudas (BARRACUDA de Harry Kerwin) en tous genres.
TENTACULES s'avère la première copie made in Cinecitta de ce style de productions. Elle reprend donc les clichés d'usage. Les baigneurs sont happés par une pieuvre géante qui les approche en vue subjective. Les enfants ne sont pas épargnés. Et, si la nature se révolte, c'est qu'elle a été provoquée par l'inconscience des hommes. Et plus particulièrement par une entreprise qui effectue des expériences sous-marines pour le moins dévastatrices. Toutefois, le scénario de TENTACULES reste prudemment dans le flou quand il s'agit d'expliciter cette partie de l'intrigue, tout comme lorsqu'il faut évoquer la sensibilité de la pieuvre aux ondes radios. Cohérence et clarté sont ici aux abonnés absents !
Les situations grotesques, par contre, s'accumulent dangereusement. Bo Hopkins incarne ainsi un ami des animaux marins qui soliloquent gravement avec, pour seul auditoire, deux épaulards. La pieuvre est au mieux incarnée par un petit poulpe confronté à des modèles réduits dans un aquarium ; au pire par une maquette inerte absolument pas crédible. Les cachets des vedettes ayant sans doute coûté fort chers, il semble que le budget «effets spéciaux» aient été, lui, calculé au plus juste.
Mais il faut aussi blâmer la maladresse du réalisateur Assonitis. On en veut pour preuve l'attaque par la pieuvre d'une course de petits bateaux, attaque mise en scène avec une maladresse éprouvante. A coups de montage alterné et d'arrêts sur images en rafale, Assonitis tente l'expérimentation. Il en résulte une bouillie d'images pour le moins informe, au cours de laquelle victimes et monstre ne semble jamais se rencontrer. L'horreur et le suspense font alors gravement défaut...
Et à côté de cela, quid de toutes ces vedettes ostensiblement mises en avant par les affiches de TENTACULES ? Henry Fonda n'a apparemment eu qu'une journée de tournage, dans un décor unique. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il n'a pas spécialement l'air content d'être là ! Shelley Winters reprend, en appuyant encore plus le trait, son personnage de femme rondelette et souriante qui lui avait permis de reconquérir le coeur du public avec L'AVENTURE DU POSEIDON. Seul John Huston, dans le rôle d'un journaliste endurci et persévérant, garde un peu de dignité, en incarnant un personnage de vieux baroudeur évoquant Ernest Hemingway.
Prises de vue aériennes, acteurs de luxe, beaux extérieurs californiens, photographie correcte... La facture de ce TENTACULES semble indiquer qu'il a disposé de moyens relativement confortables. Malheureusement, son scénario bâclé et la maladresse constante de sa mise en scène le tirent vers le bas et en font un film aussi raté qu'insipide. On rêve de ce que ce sujet aurait pu donner dans les mains d'artisans plus consciencieux, tels que Sergio Martino ou Antonio Margheriti...
En DVD, TENTACULES est déjà sorti dans plusieurs éditions. Ainsi, il est paru dans la collection MGM Midnite Movies (zone 1, NTSC) aux USA, sur un disque "double-programme" livré avec le laborieux L'EMPIRE DES FOURMIS GEANTES de Bert I. Gordon. Si TENTACULES y est bien proposé dans son format scope 2.35 d'origine et en 16/9, seul le doublage anglais (sous-titré en français) est disponible en bande-son. En Italie, un autre disque (PAL, zone 2) a été distribué et propose bien la version italienne du film... mais sans sous-titrage anglais ou français. En France, Néo vient de sortir ce titre dans une toute nouvelle édition...
Ce disque propose une belle copie italienne au format scope 2.35 respecté (et en 16/9). La copie laisse tout de même paraître quelques rayures ponctuelles, et certaines scènes sombres peuvent sembler exagérément obscures. Mais, globalement, il s'agit d'un travail de très bonne tenue, en particulier au vu de sa bonne définition et des couleurs agréables.
La bande-son est disponible aussi bien en français qu'en version originale italienne, dans les deux cas en mono d'origine codé sur deux canaux. La piste française, dotée d'un doublage d'origine savoureux, s'avère de bonne qualité. La piste italienne laisse ponctuellement entendre des craquements et un bruit de fond sensible. Cela reste tout de même honnête. Un sous-titrage français est bien sûr disponible pour la version originale...
Pour les suppléments, Néo s'est contenté de proposer une fiche technique du film, quelques filmographies et une galerie de photos, laquelle propose des photos d'exploitation anglo-saxonne en noir et blanc et des affiches. A noter qu'on trouve aussi des "photos d'exploitations" française qui sont en fait des faux grossiers, apparemment bricolés à partir de visuels américains par Néo pour ajouter un peu de plus-value à des clichés en couleurs dont il disposait. Une méthode pour le moins discutable...
Quoi qu'il en soit, ce DVD lancé à un prix raisonnable permet de consulter TENTACULES dans des conditions techniques tout à fait acceptables. Les amateurs de ce film peuvent donc l'acquérir sans se poser de questions...