Quelque part en Suisse... Le jeune Jean-Clément Gunter commence aux alentours de ses 15 ans à tourner un film en vidéo, qu'il achèvera en 1992. Ce long métrage, nommé TROIS PSYCHOPATHES, il le juge trop amateur pour mériter une distribution. Mais il envisage d'en tourner une version plus professionnelle. Ce sera DECADENCE, filmé sur pellicule 16mm, en France. Si les conditions techniques s'avèrent plus satisfaisantes que pour TROIS PSYCHOPATHES, DECADENCE reste tout de même conçu avec de tout petits moyens, comme le prouve sa distribution composée de comédiens n'ayant tourné dans pratiquement aucun autre film.
Alfred et Arthur, deux enfants à problèmes, sont recueillis par René, un psychopathe qui les élève et en fait de vrais serial killer ! Après de nombreux méfaits, cet étrange trio décide de se cacher dans un chalet abandonné. Ils y recueillent encore un autre garçon, nommé Yves... Et ils continuent à perpétrer viols et assassinats dans la région ! Finalement, les habitants d'une ville des alentours décident de mettre un terme à leurs agissements barbares.
Dans la tradition des MANIAC et autres HENRY, PORTRAIT D'UN SERIAL KILLER, DECADENCE prend le parti de suivre l'évolution d'un tueur en série, ou plutôt, pour être plus précis, d'un groupe de maniaques, d'une famille qui n'aurait rien à envier à la bande de Charles Manson ou aux cannibales de LA COLLINE A DES YEUX. En effet, mené par Alfred, le plus détraqué d'entre eux, ils se livrent à toute sorte de déviances et de méfaits : pédophilie, viols, cannibalisme sont monnaie courante pour ces nouveaux barbares !
Voilà a priori de quoi appâter le spectateur féru de Gore et de violence extrême... Toutefois, il est important de préciser que, tourné dans des conditions assez précaires, DECADENCE fait, par bien des aspects, très amateur ! Si HENRY, PORTRAIT D'UN SERIAL KILLER ou THE MANSON FAMILY ont eux aussi été réalisés avec des moyens techniques limités, cela ne les empêche pas d'être des films réellement bien faits.
Ici, la mise en scène s'avère parfaitement banale, tandis que la photographie, très terne, nous renvoie à des titres Bis français tels que KILLING CAR ou LA REVANCHE DES MORTES VIVANTES. Bref, on hésite entre professionnalisme très bas de gamme et amateurisme pur et simple... Dans le même ordre d'idée, nous n'épiloguerons pas sur l'interprétation, totalement au-delà du réel ! Ni sur la prise de son qui rend parfois certains dialogues difficilement audibles...
Bref, DECADENCE lorgne doucement vers la série Z. Pourtant, certains de ses éléments sont plus réussis, comme ces maquillages Gore plutôt convaincants. Nous avons ainsi droit à quelques séances de tortures et de cruauté intéressantes... Par ailleurs, DECADENCE se permet quelques embardés étranges et inattendues, tel cette envolée de récitation poétique tandis que la caméra parcourt le cadavre d'un travesti fraîchement assassiné par Alfred. Ou encore l'épilogue, nous montrant la rédemption d'Yves, garçon brisé par une enfance terrifiante. Des touches assez européennes, qui apportent à DECADENCE une bizarrerie bienvenue.
Par ailleurs, DECADENCE dérange aussi, en mêlant, à des excès plutôt habituels dans les films Gore mettant en scène des maniaques (tortures, meurtres, viols...), certaines situations plus rares nous mettant mal à l'aise. Et ce particulièrement au travers du portrait du très dingue Alfred, porté sur la pédophilie ou le travestissement, et, surtout, bourreau parfaitement conscient du mal qu'il fait et s'en réjouissant constamment, sans jamais éprouver le moindre regret !
Ne mentons pas, DECADENCE est un film Bis à vraiment petit budget, une de ses productions à l'ambiance campagnarde nous renvoyant à certains titres Eurociné des années 70… Néanmoins, dans ces limites, il parvient à imposer une certaine atmosphère malsaine et étrange qui, en définitive, en fait une curiosité susceptible d'intéresser l'amateur de bizarreries Trash...
Une fois terminée, DECADENCE a été montré épisodiquement dans des festivals, à partir de 1999. Il connaît enfin sa "grosse" sortie fin 2005, dans une édition DVD auto-produite et distribuée en Suisse par JCG Productions, la compagnie de Jean-Clément Gunter. Déjà disponible par correspondance auprès de divers vendeurs français (l'association Sin'Art, par exemple), ce DVD devrait connaître une distribution plus vaste dans notre pays au cours du printemps 2006...
A l'origine, DECADENCE a été filmé en 16mm et gonflé en 35mm. Ici, nous avons affaire à un télécinéma 16/9 au format 1.77. Difficile de savoir s'il s'agit du cadrage d'origine, mais nous remarquons tout de même quelques plans au cadrage très serrés vers le haut... Sinon, pour un film 16mm, le transfert numérique est d'une qualité tout à fait correcte, à part peut-être dans quelques rares plans très sombres...
La bande-son est proposée dans sa version française d'origine, dans un mixage mono convenable, codé sur deux canaux en PCM. Néanmoins, la prise de son étant parfois approximative, ne vous étonnez pas si certaines lignes de dialogues vous paraissent un peu obscures... Un sous-titrage anglais amovible est disponible.
En plus du film lui-même, nous trouvons quelques petits suppléments apparemment conçus récemment pour la sortie de ce DVD. Ainsi, un petit "Making Of" de sept minutes propose des images de tournage entrecoupées d'interviews de Jean-Clément Gunter et de plusieurs de ses acteurs. Il y a aussi une autre interview du metteur en scène, durant 6 minutes, nommées "De 3 Psychopathes à Décadence", plutôt consacrée à la genèse du projet qu'à son tournage. Enfin, un petit bêtisier de quatre minutes et la bande-annonce concluent l'interactivité dédiée à DECADENCE. Nous trouvons encore la bande-annonce de LA FORET DES DEMONS, le second film de Jean-Clément Gunter, sorti lui aussi en DVD du côté de la Suisse au cours de l'année 2005...
Cette unique édition au monde de DECADENCE permet donc de le visionner dans des conditions tout à fait correctes, et elle propose une interactivité nous éclairant sur la création de cette production suisse pas comme les autres !
