Né en France sous le nom d'Alfredo Antorini, Albert Band migra vers Hollywood où on le trouve, au début des années 50, en train de collaborer à des films de John Huston (QUAND LA VILLE DORT et LA CHARGE VICTORIEUSE). Au milieu de la décennie, il se met à son compte, produisant et réalisant des films à petit budget, en commençant par le western THE YOUNG GUNS. Puis, il s'oriente vers le cinéma de terreur avec I BURY THE LIVING…
Il s'entoure alors d'une équipe expérimentée. Pour la musique, il recourt aux services de Gerald Fried, certes assez jeune, mais déjà fidèle collaborateur de Kubrick sur LE BAISER DU TUEUR et L'ULTIME RAZZIA. Quant au montage, il est assuré par Frank Sullivan, un vétéran ayant travaillé depuis les années 20 pour le studio MGM. Pour le rôle principal, il choisit Richard Boone, ancien soldat de la seconde guerre mondiale qui fut recruté par la Fox au début des années 50, lequel studio l'utilisa dans de nombreux films d'action (western, guerre, policier). A ses côtés, le croque-mort de Immortal Hills est interprété par Theodore Bikel, comédien de théâtre s'étant fait un nom à Hollywood dans les seconds rôles : en 1958, il sera nominé aux oscars pour son apparition dans LA CHAINE de Stanley Kramer.
Robert Kraft, membre d'une famille puissante dans sa ville, se voit confier, en plus de son travail, la responsabilité de s'occuper du cimetière de Immortal Hills. Il se charge ainsi des taches administratives et de la gestion des sépultures. Pour l'aider, une grande carte du cimetière lui permet de savoir quelles sont les tombes vides ou occupées. Celles dont les propriétaires sont encore vivants s'avèrent marquées par une épingle à tête blanche, tandis que des épingles à tête noire indiquent celles des défunts dument enterrés. Par inadvertance, Robert place des épingles noires sur les tombes de deux nouveaux concessionnaires bien qu'ils soient encore vivants. Le lendemain, on apprend qu'ils sont décédés…
I BURY THE LIVING s'appuie sur un postulat fantastique intelligent et original, en tout point digne des meilleurs épisodes de LA QUATRIEME DIMENSION. Cette série ne va pourtant apparaître qu'un an après la sortie de ce long métrage. Chaque fois que Robert Kraft plante une épingle noire sur une tombe dont le propriétaire s'avère encore vivant, celui-ci meurt peu de temps après. Au début, il croit à une coïncidence, mais, progressivement, il se montre de plus en plus convaincu qu'il est doué de pouvoirs surnaturels le dépassant. Dans son entourage, personne ne le croit !
Fort de ce sujet, I BURY THE LIVING a néanmoins été mis en boîte avec des moyens limités. Les décors sont peu variés et les personnages peu nombreux. On regrette le manque d'ampleur dans certaines séquences fantastiques (particulièrement à la fin du métrage). Néanmoins, cette économie de moyens permet de se concentrer sur le personnage principal et de jouer sur une quasi-unité de lieu (la remise où se trouve le plan du cimetière) afin d'apporter une homogénéité et une force remarquables à la narration.
Les décors sont utilisés avec astuce pour générer une ambiance des plus inquiétantes. Le cimetière, d'abord présenté comme un lieu diurne et banal, devient de plus en plus nocturne et fantastique au fur et à mesure que le métrage se déroule… Surtout, un véritable travail de mise en scène se déploie dans la maisonnette où est affiché le plan du cimetière. Progressivement, cette carte s'avère de plus en plus grande, de plus en plus lumineuse, tandis que les autres meubles sont progressivement écartés ou détruits. A la fin du métrage, Robert Kraft se retrouve confronté seul à l'immense plan sur lequel le tracé des routes évoque quelques signes cabalistiques et hypnotiques. I BURY THE LIVING devient alors une plongée dans la folie, et sa mise en scène, d'abord neutre et solidement réaliste, vire à l'expressionnisme le plus fascinant (très gros plans, surimpressions…).
Bon sujet fantastique, bonne interprétation, bonne mise en scène… Il n'en faut guère plus pour faire du bon cinéma, comme nous le prouve ce I BURY THE LIVING, petite perle du cinéma fantastique restée inédite dans les salles françaises.
En DVD, I BURY THE LIVING a eu droit à des sorties américaines chez des éditeurs peu fiables, habitués aux sorties de titres libres de droit. Finalement, MGM lui a offert une sortie très honorable en 2001 dans sa mythique collection "Midnite Movies" (zone 1, NTSC).
Ce disque MGM propose I BURY THE LIVING dans une copie au format 1.33 d'origine (avec un télécinéma pour écran 4/3), en noir et blanc. Même si la définition se montre parfois en retrait (léger moirage, lignage horizontal perceptible) et si quelques petites saletés sont visibles, ce travail s'avère de très bonne qualité, avec une jolie restitution des contrastes et des nuances de gris.
La bande-son est en anglais uniquement, en mono codé sur deux canaux. Le résultat se montre à la fois agréable, bien équilibré et d'une belle propreté. Des sous-titres français et espagnols sont disponibles.
Par contre, pour tout supplément, il faut se contenter d'une bande-annonce d'époque. Au vu de la qualité de la copie et du prix de vente très raisonnable des Midnite Movies, on aurait néanmoins tort de faire la fine bouche.