D'origine germanique, le metteur en scène Mike Nichols commence dans le show business en travaillant dans des cabarets new yorkais puis en faisant le metteur en scène à Broadway. Ses débuts au cinéma se concrétisent par deux triomphes : QUI A PEUR DE VIRGINIA WOOLF ? avec Richard Burton et Elizabeth Taylor en 1966, puis LE LAUREAT en 1967. Les deux titres sont couverts de récompenses et connaissent des succès publics réels, si bien que Nichols se voit considéré comme un des plus talentueux et des plus audacieux jeune metteur en scène oeuvrant aux Etats Unis. Par contre, CATCH 22 et CE PLAISIR QU'ON DIT CHARNEL, ses deux films suivants, provoquent un moindre retentissement.
Lié contractuellement au producteur Joseph Levine pour lequel il doit encore mettre en boîte un long métrage, il se tourne vers le livre de science-fiction "Un animal doué de raison" du français Robert Merle. Ce projet n'était pas nouveau pour Hollywood, puisque Polanski envisagea de s'y atteler après ROSEMARY'S BABY et avait même commencé à chercher des décors naturels pour le tourner. Il abandonna définitivement cette production après la mort de son épouse Sharon Tate. Mike Nichols confie l'écriture de cette adaptation à Buck Henry, son scénariste et complice pour LE LAUREAT et CATCH 22. Les deux hommes considèrent ce projet comme un défi les confrontant à des domaines auxquels ils sont étrangers comme le thriller, le cinéma d'aventure ou le mélodrame.
LE JOUR DU DAUPHIN va être une grosse production, tournée en grande partie en extérieur avec un budget de huit millions de dollars. Le rôle principal est confié à la Star George C. Scott, comédien exceptionnel et à la personnalité volcanique. Il vient d'ailleurs de recevoir un Oscar pour son interprétation de PATTON, récompense qu'il refuse en arguant qu'il ne se sent en compétition avec personne. A ses côtés, Trish Van Devere, que le comédien vient d'épouser, incarne sa femme à l'écran. Enfin, Paul Sorvino, habitué des rôles de gangsters et de mafieux, fait ici une de ses premières grandes apparitions en prêtant sa silhouette joviale à un mystérieux journaliste…
Le docteur Jake Terrell travaille sur une île retirée où il étudie l'intelligence et les moyens de communication des dauphins. Ainsi, il a isolé depuis sa naissance un jeune dauphin nommé Alpha et lui a progressivement appris à s'exprimer dans la langue des humains ! Jusqu'à maintenant, il est parvenu à garder secret le résultat de ses recherches. Mais, les pressions de la fondation qui finance son travail et les manoeuvres louches de journalistes trop curieux l'inquiètent…
S'il faut bien reconnaître une qualité au JOUR DU DAUPHIN, c'est sans doute l'originalité de son sujet. Un savant tente de comprendre l'intelligence des dauphins, leurs facultés de perceptions supérieures à celle des humains, ainsi que leurs capacités intellectuelles réputées très évoluées. Mike Nichols, metteur en scène compétent, parvient à mettre ce sujet en images de façon élégante et sensible, particulièrement au début du film qui s'avère à la fois énigmatique et fascinant.
George C. Scott, impérial, impose un scientifique entretenant un rapport à la fois intime et secret avec "Fa", le dauphin qu'il a élevé comme son fils. Personnalité farouchement indépendante, visionnaire et détaché des hommes, il règne sur son île-laboratoire comme sur un paradis naturel où l'homme, au service de la nature, vit en parfaite harmonie avec elle. Surtout, dans un scope magnifique, Nichols nous offre des images aquatiques d'une beauté et d'une élégance hallucinantes, qu'on regrette de ne pas avoir découvertes au cinéma, sur écran géant !
Enfin, l'élément le plus éblouissant du JOUR DU DAUPHIN reste sa splendide musique signée par Georges Delerue, musique simple, sereine, en parfaite harmonie avec le sujet, et tout simplement inoubliable. Les qualités de ce long métrage se trouvent ainsi synthétisées au cours du ballet sous-marin bouleversant de Jake et Fa, dans le réservoir du laboratoire.
Alors, LE JOUR DU DAUPHIN est-il une grande réussite oubliée ? Hélas non, c'est un ratage ! Un ratage attachant, certes, mais un ratage tout de même. Car il faut bien le dire, si les premiers contacts qu'on a avec le laboratoire de Terrell s'avèrent des plus fascinants, à partir du moment où Fa s'exprime en langage humain, affublé d'une voix ridicule qu'on croirait sortie d'un dessin animé, le film perd toute crédibilité. De plus, quand le scénario s'engonce dans une sombre histoire de thriller et d'espionnage, l'ennui et la consternation finissent par l'emporter. Hélas…
Raté et extrêmement inégal, mais aussi unique et attachant, LE JOUR DU DAUPHIN fut un échec commercial, lequel poussa Mike Nichols à s'éloigner temporairement du cinéma. En DVD, il est d'abord sorti dans une très mauvaise édition allemande (pan et scan, pas de version originale), mais depuis, un disque américain (zone 1, NTSC) de bonne qualité a été publié chez Home Vision Entertainment. Sur la jaquette, on retrouve le fatidique logo studiocanal qui nous rappelle que cette société française détient les droits de quantités de titres fantastiques qui sortent partout dans le monde, sauf dans notre pays !
Le disque américain propose une très bonne qualité d'image, avec un beau télécinéma 16/9 restituant sans faille la photographie en scope 2.35 d'origine. A part quelques petites saletés par ci par là, il n'y a vraiment rien à reprocher.
Tourné initialement en mono, LE JOUR DU DAUPHIN est fourni avec deux pistes. Une première, la plus recommandable, propose un mixage 3.0 (faisant fonctionner les voix avants centrale, gauche et droite) qui offre un bel équilibre entre ampleur et précision. Une autre piste nommée malicieusement "h2o" s'avère en fait une bande-son stéréo plus classique. Dans les deux cas, c'est du très bon travail.
Enfin, nous trouvons quelques suppléments pour compléter le visionnage. Le boîtier contient un feuillet revenant, de façon très fantaisiste et humoristique, sur la production du JOUR DU DAUPHIN. On peut encore consulter les biographies des deux dauphins qui ont incarné "Alpha" et "Beta" dans le film, ainsi que des interviews récentes et intéressantes du scénariste Buck Henry (assez critique sur le film) et des comédiens Leslie Charleson et Edward Herrmann qui incarnaient des assistants de Jake Terrell. Enfin, une amusante galerie de "trivia" énoncent de nombreux "faits" liés au film, à ses créateurs, voire aux dauphins en général. En farfouillant dans cette section, on peut tomber sur d'autres petits suppléments, tels une bande-annonce allemande ou une publicité pour pâte dentaire interprétée par Leslie Charleson.
Voilà donc une belle petite édition, bien faite et agréable qui, sans nous saouler avec des heures de bonus vides et répétitifs, nous permet de voir LE JOUR DU DAUPHIN dans des conditions techniques extrêmement satisfaisantes.