Sœur Marie est considérée comme la plus pure et la plus vertueuses des nonnes du couvent. Mais, un jour, elle rencontre sur sa route un bien étrange berger qui éveille en elle des désirs et pulsions qu'elle aura bien du mal à contrôler…
Les nonnes sont fort nombreuses dans le cinéma mondial. Dans le registre de l'exploitation, nous vous avions déjà parlé du très joli LE COUVENT DE LA BETE SACREE d'origine japonaise. Avec SATANICO PANDEMONIUM, c'est le Mexique qui nous offre sa vision des couvents d'Amérique du Sud. Contrairement au Japon, toucher à la religion en Amérique du Sud est un sujet des plus délicats puisque la plupart des pays sont de fervents catholiques. Gilberto Martínez Solares n'est pas pour autant un précurseur puisque Luis Bunuel a déjà connu des problèmes auparavant avec VIRIDIANA au Mexique alors que Jose Mojica Marins a déjà tourné au Brésil, depuis bien longtemps déjà, son très provocateur A MINUIT, J'EMPORTERAI TON AME. Il n'en reste pas moins que SATANICO PANDEMONIUM est un film très osé qui pousse encore un peu plus loin la provocation.
Pour mettre en image son histoire, Gilberto Martínez Solares s'attache aux images d'Epinal des nonnes et de la religion. Le film est ainsi baigné dans de magnifiques couleurs radieuses et on nous présente le personnage principal en train de cueillir innocemment des fleurs des champs. Rien ne pourrait obscurcir cet idyllique paysage si ce n'est le diable lui-même. Celui-ci prend les traits d'un beau jeune homme qui aime à croquer des pommes. Un fruit qui reviendra régulièrement tout au long du film et qui renvoie bien entendu à la pomme du jardin d'Eden symbolisant rien de moins que le péché consommé. Une idée intéressante mais pas forcément très subtile à force de nous montrer des pommes entamées à plusieurs reprises (le péché est partout ?). Même l'idée de nommer la nonne du prénom de la vierge Marie, mère du Christ, n'est certainement pas un hasard.
Quoi de mieux que d'utiliser le décorum naïf et lumineux de la religion pour insérer le ver dans la pomme (justement) d'un univers où la répression de certains instincts est constant. Petit à petit le monde de Sœur Marie bascule et sa raison vacille totalement à force de visions et d'événements étranges. Elle va donc se laisser aller aux désirs sexuels en essayant d'allumer le désir chez un berger adolescent allant même jusqu'à le violer. Comme tout le monde ne se plie pas à ses nouvelles obsessions, elle finit aussi par commettre des meurtres ou aider une nonne à se suicider. Pendant ce temps-là, le diable s'amuse avec l'infortunée nonne pour gagner son âme. Plusieurs séquences pourraient d'ailleurs être rapprochées de LA DERNIERE TENTATION DU CHRIST de Martin Scorsese. Par exemple, à un moment, le diable offre un choix cornélien accompagné de visions de ce qui pourrait arriver si Marie prend la «mauvaise» décision. Outre cette analogie, SATANICO PANDEMONIUM réserve d'autres surprises qui en font un film en avance sur son temps.
Bien que l'issue du film soit une façon de se dédouaner auprès de la censure et de l'église pour Gilberto Martínez Solares et son fils co-scénariste, SATANICO PANDEMONIUM est pour le moins immoral et n'hésite pas à mettre les pieds dans le plat de la religion. A l'intérieur de l'église, on laisse entrevoir que tout le monde n'est pas égal et que le racisme est très présent. Ou bien que la foi aveugle dans la hiérarchie ecclésiastique peut mener à des aberrations. Enfin, les ouailles sont vues littéralement comme des moutons par les serviteurs de l'église. Mais c'est surtout la fin du film qui surprend avec un épilogue qui laisse supposer que face à la souffrance, même après des années de dévotion, il est plus facile de céder à la tentation. En réalité, le film s'attaque bien plus au clergé qu'à la religion en elle-même. Néanmoins, comme déjà dit, l'interprétation peut être vue différement avec une vision pervertie de la réalité par le diable. A chacun de se faire son opinion.
Si les couleurs sont joliment retranscrites et la définition de l'image réussie, il y a un drôle de soucis sur les contours horizontaux qui, heureusement, s'oublient au fur et à mesure que le film se déroule. Toutefois, le résultat est de grande qualité comparé à la dernière scène du film et son générique de fin qui affiche de nombreux défauts de pellicule. Il y a fort à parier que le matériel d'origine était en mauvais état et que Mondo Macabro a essayé de restaurer au mieux le film tout en laissant le générique de fin en l'état.
D'origine mexicaine, le film est donc proposé ici en version espagnole d'origine. La piste mono ne fait pas de miracle mais reste largement écoutable. On notera ici ou là des différences de niveaux ou des coupures abruptes, assez rares, lors de certains changements de scènes. Le résultat reste tout à fait honorable pour découvrir SATANICO PANDEMONIUM. Evidemment, un sous-titrage anglais servira ceux qui n'ont pas de notions d'espagnol.
Une interview de Nigel Wingrove devrait nous ouvrir les portes de la Nunsploitation. En réalité, elle est séparée en deux parties où deux aspects sont abordés. La première s'intéresse effectivement à la Nunsploitation mais d'un point de vue purement théorique, l'intervenant se borne donc à expliquer pourquoi un tel courant a pu émerger ce dont on peut se douter tout en insistant bien sur LES DIABLES qui pour lui est un des films les plus marquants. La deuxième partie s'intéresse purement aux travaux cinématographiques de Nigel Wingrove qui s'avère être le dirigeant du label anglais Redemption. Il a donc réalisé deux métrages, VISIONS OF ECSTASY et SACRED FLESH, mettant en avant des nonnes, ce qui lui valu des soucis avec la censure anglaise en plus de ceux qu'il pouvait déjà avoir en essayant de diffuser certains films en vidéo. Cette interview, accompagnée d'extraits des films sus-cités mais aussi d'ALUCARDA et de THE SINFUL NUNS OF ST VALENTINE, n'est pas inintéressante mais ne remplit pas vraiment ses objectifs, tout du moins pas ceux du titre annoncé. Il faudra avoir un bon niveau d'anglais pour tout comprendre puisque Nigel Wingrove a un accent anglais très prononcé.
Il sera moins difficile de comprendre Adolfo Martínez Solares puisqu'en raison de son origine mexicaine, il parle sans se hâter tout en prononçant chaque mot de la meilleure façon possible. Il revient sur son travail avec son père, Gilberto Martinez Solares, et bien évidemment sur leur collaboration lors de la création de SATANICO PANDEMONIUM. Cette interview contient pas mal d'anecdotes sur les acteurs, certaines des actrices étaient en fait des prostituées recrutées dans des bordels de luxe, ou sur les conditions de tournage du film.
Etrangement, la Nunsploitation est largement mieux abordée dans un texte d'Anthony Hartman du site Nunsploitation.net. Il dresse ainsi un historique de ce genre particulier qui remonte en fait aux débuts du cinéma. On peut au passage trouver une filmographie des films de nonnes mais, malheureusement, seulement ceux produits au Mexique. On peut donc y retrouver, parmi tous les titres cités, ALUCARDA déjà disponible chez Mondo Macabro. Il aurait été toutefois plus pertinent d'aller plus loin dans l'idée en nous offrant une filmographie mondiale du genre. Enfin, on peut trouver une biographie de Gilberto Martinez Solares. Le tout se clôt après une belle galerie de photos, comme tous les disques de l'éditeur, par un clip composé d'extraits des titres sortis ou à venir chez Mondo Macabro. A noter que le menu principal des suppléments a une logique bien à lui mais il s'agit certainement d'un gag de la part de l'éditeur.
SATANICO PANDEMONIUM reste avant tout un film d'exploitation. La Nunsploitation est une affaire de fétichisme et il faut bien reconnaître que le film de Gilberto Martinez Solares réussit avec brio dans ce domaine tout en évitant la vulgarité la plus gratuite. Enfin, si la promotion essaye de tisser un lien avec Quentin Tarantino, sachez que le seul point commun entre SATANICO PANDEMONIUM et UNE NUIT EN ENFER est d'utiliser le titre du premier pour un personnage du second.