Au tournant des années 1990, l'Allemand Andreas Schnaas s'est déjà fait un nom dans le cinéma gore indépendant en signant plusieurs films en vidéo. Parmi eux, les deux premiers volets de la saga VIOLENT SHIT, dans lesquels il interprète le tueur Karl le boucher connaissent une certaine renommée chez les fans du genre. En 1998, il revient avec un projet de remake : ANTHROPOPHAGOUS 2000 dans lequel il revisite ANTHROPOPHAGOUS, le classique de Joe D'Amato. Dans ce titre-culte du cinéma gore, on se souvient que George Eastman, halluciné, allait jusqu'à dévorer ses propres entrailles ! Avec la clairvoyance des plus grands, Schnaas anticipe donc dès la fin des années 90 la vague des remakes de classiques du cinéma fantastique des années 1970-1980 qui fait actuellement fureur aux USA !
Pour lui, cet ANTHROPOPHAGOUS 2000 constitue une occasion de se tourner vers un travail plus sérieux. Il a ainsi recourt aux services de comédiens professionnels ayant derrière eux des expériences à la télévision et au théâtre. Qui plus est, il s'agit d'un titre tourné à l'étranger, et plus particulièrement en Italie. Toutefois, il n'est pas filmé en 35 mm, mais en vidéo numérique.
Des touristes allemands se rendent en camping car dans un petit village de Toscane pour y passer leurs vacances. Une fois arrivés sur place, ils découvrent que le lieu est désert et qu'il a été le théâtre d'un sanglant massacre. La région est en fait hantée par Nikos Karamanlis, un fou qui tue et dévore les êtres humains…
Dans ses grandes lignes, ANTHROPOPHAGOUS 2000 se montre respectueux du film concocté par Joe D'Amato et George Eastman. Des voyageurs, parmi lesquels une femme enceinte, se rendent dans une région reculée (la Toscane remplace l'île grecque du film original) et y découvrent un lieu désert. Dans une maison, ils retrouvent une jeune fille aveugle, qui a survécu à la tuerie, ainsi que des indices, lesquels vont les aider à comprendre les sinistres évènements se déroulant à la ronde. Un homme, devenu fou après avoir dû, pour survivre à un naufrage, dévorer les cadavres de sa fille et de son épouse, a sombré dans la démence et a semé la mort dans son village !
Le rôle de Nikos Karamanlis l'anthropophage, Andreas Schnaas l'interprète lui-même. Affublé d'un maquillage restituant fidèlement les stigmates de grand brûlé arborés par George Eastman, il adopte une démarche raide, une grimace crispée et des yeux hagards et écarquillés, lesquels tournoient dans ses orbites de dément !
S'il respecte grosso modo le déroulement d'ANTHROPOPHAGOUS, ANTHROPOPHAGOUS 2000 se distingue en se montrant bien plus prolixe en matière de gore. Le film de Joe D'Amato devait sa réputation à deux séquences mémorables (une dégustation de foetus et la mort de Nikos), mais celles-ci intervenaient assez tardivement dans le métrage, le film jouant avant tout sur une ambiance pesante et quasiment gothique. Ici, Schnaas nous convie à de généreuses scènes de découpage à la hache, à des étripages et à d'autres empalements, bref, il va autrement plus loin que D'Amato. Toutefois, les effets spéciaux, particulièrement inégaux, cassent l'efficacité de certains passages (le foetus n'est qu'une poupée maladroitement animée, certains moulages en papier mal mâché font peine à voir…).
Malgré ses maladresses, ANTHROPOPHAGOUS 2000 fait preuve d'une mise en scène relativement sobre et soignée. Cadrages précis, mouvements de caméra rigoureux, éclairages professionnels… Tout concourt à donner à ce titre une finition plutôt satisfaisante. Toutefois, il peine à restituer l'atmosphère malsaine et si particulière du film de Joe D'Amato. Le village toscan a bien moins de personnalité que l'île grecque, tandis que la villa du dénouement paraît d'une effarante banalité comparée au superbe manoir du film original. Et, si Schnaas respecte le récit d'ANTHROPOPHAGOUS, il renoue aussi avec ses lenteurs et son rythme parfois laborieux.
Les limites du support vidéo, particulièrement pour capter les atmosphères lumineuses, sont patentes, tout comme la faiblesse de certains effets gore. Et pourtant, globalement, cet ANTHROPOPHAGOUS 2000 reste un hommage satisfaisant, rendant consciencieusement hommage à un titre fétiche du cinéma d'horreur malsain. Hélas, lorsque ANTHROPHAGOUS 2000 est distribué, Joe D'Amato vient de décéder, en janvier 1999. Le film lui est dédié.
ANTHROPHAGOUS 2000 a déjà été publié en Allemagne, d'une part dans une édition à destination germanique (zone 2, Pal, en allemand non sous-titré) et d'autre part dans une édition internationale (NTSC, multizone, en allemand sous-titré en anglais). Il arrive en France dans la nouvelle fournée de l'éditeur Uncut Movies. Le film est présenté dans une copie au format panoramique 1.66 (4/3), tout à fait correcte si on veut bien se rappeler qu'il s'agit d'un produit tourné en vidéo, en 1999.
La bande-son est disponible en version originale allemande, en stéréo. Là, par contre, on remarque des soucis de mixage dus notamment à une prise de son directe maladroite, provoquant une répartition latérale des sources sonores sans grand rapport avec ce qu'on peut voir à l'écran. Il s'agit toutefois d'un défaut d'origine, et on ne peut pas l'imputer à l'éditeur de ce DVD. La musique est, elle, bien rendue. Un sous-titrage français est disponible et amovible à volonté.
En guise de supplément, Uncut Movies nous propose une bande-annonce et deux petites interventions récentes d'Andreas Schnaas, en anglais, tournées spécifiquement pour cette édition. Une première présentation de 30 secondes permet à Schnaas d'inviter rapidement les spectateurs à visionner son film. Une interview d'environ 9 minutes revient sur cette oeuvre, ainsi que sur l'actualité du metteur en scène allemand. L'idée est sympathique, mais Schnaas paraît mal à l'aise avec la langue de Shakespeare et ne semble plus se rappeler grand chose du tournage d'ANTHROPOPHAGOUS 2000. Dommage !
Enfin, les bandes-annonces de tous les DVD sortis chez Uncut Movies au cours des précédentes livraisons peuvent être visionnées. Cet "ANTHROPOPHAGOUS reloaded" bénéficie donc désormais d'une édition made in France tout à fait honorable !