L'Américain Robert S. Fiveson intègre la section cinéma de l'University of South California après des années de formations turbulentes, notamment passées à voyager en Europe et en Afrique du Nord. Aux Etats Unis, il se fait connaître en signant divers courts-métrages expérimentaux et, finalement, décide de transposer en long métrage un script de science-fiction écrit par Bob Sullivan, autre étudiant de l'USC. Fiveson en fait donc un scénario qu'il développe avec l'aide de Myrl A. Schreibman, par ailleurs producteur du film.
S'il ne s'agit que d'un projet indépendant, ne disposant que d'un budget très limité, CLONUS s'offre toutefois la présence d'une vedette : Peter Graves (la série TV MISSION IMPOSSIBLE), qui passe quelques jours sur le tournage pour incarner Jeffrey Knight, candidat aux élections présidentielles américaines. L'autre vedette du film, c'est Dick Sargent, bien connu des amateurs de fantastique pour avoir succédé à Dirk York en 1969, dans le rôle de Darrin (alias Jean-Pierre en France) Stephens, le mari de Samantha dans la série MA SORCIERE BIEN AIMEE. CLONUS met aussi en scène des célébrités en devenir, tel le blond Frank Ashmore, appelé à devenir un interprète régulier de la série "V".
Dans un camp étrange, où ils sont nés et où ils ont grandi, des jeunes gens passent leurs journées à faire du sport et à suivre des cours. A la fin de leur formation, on les autorise à rentrer en Amérique, pays où ils vont enfin pouvoir s'épanouir. Tout du moins, c'est ce qu'on leur fait croire. Car, quand l'un d'eux croit qu'il va rentrer en Amérique, il se retrouve en fait attaché sur une table d'opération, vidé de son sang et congelé ! Richard, un des jeunes gens ayant vu le jour dans ce lieu étrange, commence à soupçonner que quelque chose de louche s'y trame…
Ainsi commence CLONUS, description d'une étrange colonie médicale peuplée par des jeunes gens infantilisés, déresponsabilisés, étroitement surveillés et conditionnés pour se montrer le plus docile et le plus obéissant possible. Cette peinture sans concession d'un régime totalitaire, aux apparences paternalistes et bienveillantes, nous plonge en plein dans la science-fiction sociale et critique des années 1970, prolongeant ainsi des titres tels que THX 1138 ou L'AGE DE CRISTAL. Toutefois, Fiveson n'a ni le talent du réalisateur du premier, ni les moyens du second. Cette société "idéale" sent le déjà-vu et paraît un peu manquer de mordant, voire d'originalité.
Pourtant, au fur et à mesure qu'il décline son intrigue, CLONUS s'oriente habilement vers le thriller médical et la politique-fiction. Panachant anticipation et élections, le scénario rappelle par moment UN CRIME DANS LA TETE et, surtout, MORTS SUSPECTES ou SOIF DE SANG (titre vidéo). Toutefois, il se distingue de ces films grâce à son sujet central : les manipulations génétiques et le clonage, des thèmes appelés à être traités largement au cours des années 1990 et 2000 (JURASSIC PARK, MES DOUBLES, MA FEMME ET MOI, LE CLONE, A L'AUBE DU SIXIEME JOUR, GODSEND, A TON IMAGE…).
Certes, CLONUS trahit un certain manque de moyens mais, petit à petit, il parvient à imposer des péripéties et des rebondissements assez palpitants, tout en s'interrogeant sur les différents problèmes liés à l'emploi de la génétique dans un cadre médical. A notre époque, alors que les débats sur le "clonage thérapeutique" font rage, CLONUS semble un film on ne peut plus précurseur, et reste, encore aujourd'hui d'actualité.
A sa sortie, CLONUS (alors titré THE CLONUS HORROR) ne fit pas vraiment d'étincelles au box office, pas plus qu'il n'en fit par la suite lors de son exploitation vidéo (parfois sous le titre PARTS, THE CLONUS HORROR). Il semble d'ailleurs être totalement inédit en France. Aux USA, il devient tristement célèbre en se voyant moqué par la fameuse émission Mystery Science Theater 3000. Dans celle-ci sont projetés des films fantastiques présumés "nanardeux" que commentent désobligeamment quelques rigolos… Par la suite Fiveson se reconvertit dans le domaine du documentaire.
En DVD, ce film avait déjà été proposé en Grande-Bretagne, mais dans une copie recadrée en 4/3. Heureusement, l'éditeur Mondo Macabro vient à la rescousse de ce petit film de science-fiction en lui offrant une édition digne de ce nom (NTSC, multizone) !
Sur ce disque, CLONUS (c'est le titre que souhaitaient lui donner ses créateurs à sa sortie) est proposé dans un télécinéma au format 1.66 (avec option 16/9) d'excellente qualité. Pour commencer par les réserves, on remarque, certes, qu'une poignée de plans nocturne vire un peu à la bouillie de pixels, mais ils se comptent vraiment sur les doigts d'une main. La plupart du temps, l'image de ce DVD offre un résultat extrêmement naturel, restituant sans tricher la granulation naturelle de la copie ainsi que ses couleurs et ses contrastes.
En guise de bande-son, on trouve la piste anglaise mono d'origine, codée sur le seul canal central (et non en "stéréo", contrairement à ce qu'annonce la jaquette). Certes, il ne faut pas s'attendre à un résultat éblouissant, mais le résultat sonne très correctement pour la piste optique d'un film à petit budget. Les dialogues sont ainsi toujours parfaitement limpides.
Lorsque vous mettez un DVD Mondo Macabro dans votre lecteur, il n'est pas rare que vous ne connaissiez à peu près rien au sujet du film. Et quand vous l'en sortez, vous êtes devenus incollables à propos de ce titre ! C'est aussi ça la magie Mondo Macabro, sans doute le label de référence en ce qui concerne la qualité et l'érudition de ses suppléments ! Nous trouvons d'abord une interview récente de Robert S. Fiveson qui, discutant durant 35 minutes avec Pete Tombs de Mondo Macabro, nous apprend tout sur sa carrière et son film. Un commentaire audio, réunissant à nouveau Fiveson et Pete Tombs, accompagne aussi CLONUS et s'avère extrêmement riche en informations en tout genre. Outre ces deux "gros morceaux", on trouve aussi des bonus plus classiques, tels qu'une galerie réunissant photos de plateau et jaquettes vidéos, ou une bande-annonce.
Un film rare, méconnu et intéressant, à découvrir dans une très bonne édition : on ne voit pas ce qu'on peut demander de plus, pour les anglophones en tout cas…