Frank Davies est réveillé en pleine nuit par sa femme, Lenore, qui lui annonce que le grand moment est arrivé. Après avoir déposé leur fils chez un ami du quartier, ils se rendent à la maternité pour la naissance de leur nouvel enfant. Un heureux événement qui va se transformer en un cauchemar inattendu…
Ayant apprécié BONE, le premier film réalisé par Larry Cohen, Samuel Z. Arkoff propose au cinéaste de mettre en scène BLACK CAESAR, un film dans le style Blaxploitation. Larry Cohen s'est déjà engagé avec Warner pour LE MONSTRE EST VIVANT lorsque Samuel Z. Arkoff lui propose de tourner une suite à BLACK CAESAR, LE PARRAIN DE HARLEM qui a fait une belle performance au box-office. Plutôt que de refuser l'offre, Larry Cohen s'engage à tourner CASSE SUR LA VILLE durant les week-ends puisqu'il tourne la semaine LE MONSTRE EST VIVANT. A de nombreuses reprises, il partagera donc les décors, des membres de l'équipe technique ou même des acteurs entre les deux films.
Bien que Warner ait donné carte blanche à Larry Cohen pour mettre en boîte avec un petit budget LE MONSTRE EST VIVANT, pendant le tournage, les dirigeants du studio ont été remplacé. Une fois le film entre leurs mains, ils n'y croient plus vraiment et ne savent pas vraiment quoi en faire. Il est donc décidé de distribuer le film de façon limitée avec une campagne publicitaire restreinte et peu évocatrice. Le film se voit ainsi affublé d'une accroche passe-partout : «Whatever it is, IT'S ALIVE» («Quoi que ce soit, c'est vivant !»). Le film ne rencontre pas son public et est retiré rapidement des écrans.
Le temps passe et Larry Cohen apprend que LE MONSTRE EST VIVANT fonctionne plutôt bien en Europe et surtout en Asie. Coup de chance, les exécutifs de Warner ont une nouvelle fois été remplacé. Il fait le forcing et trouve une oreille assez attentive pour faire le pari de relancer le film avec une nouvelle campagne publicitaire. Trois ans et demi après sa première sortie dans l'indifférence, LE MONSTRE EST VIVANT devient numéro 1 au Box Office américain et deviendra le plus gros succès commercial de Larry Cohen à ce jour. Warner confie alors à Larry Cohen l'écriture des VAMPIRES DE SALEM en vue de produire un film de cinéma. Finalement, la copie rendue par le scénariste ne sera pas du goût de Warner qui paiera tout de même Larry Cohen. Le projet verra finalement le jour sous la forme d'une mini-série télévisée qui ne retiendra rien du script déjà écrit hormis l'apparence du vampire, un hommage à NOSFERATU présent dans le scénario de Larry Cohen.
Au début des années 70, aux Etats-Unis, la fracture entre la jeunesse et les adultes est de plus en plus importante. Le conflit est aggravé par la prolifération des drogues qui deviennent un autre sujet à même de séparer les générations. Certains parents ont même l'impression d'avoir enfanter des monstres en raison de leurs comportements qu'ils ne comprennent pas. De ce constat, Larry Cohen tire donc le scénario du MONSTRE EST VIVANT. Ses observations des bébés, qui ont besoin d'un long apprentissage avant de s'insérer complètement dans la société, lui font imaginer ce qu'il se passerait si l'un d'eux était horrible et doué d'une plus grande force. De prime abord, LE MONSTRE EST VIVANT a tout d'un film de monstres mais les nombreux thèmes développés dans le film renvoie carrément à l'étude sociale !
Le scénario développe donc astucieusement toute la thématique familiale par de subtiles petites touches au fur et à mesure du déroulement de l'histoire. Ainsi, le début du film laisse à penser que nous sommes devant la description d'une famille modèle américaine. Ils ont déjà un enfant et leur intérieur douillet est déjà prêt à accueillir avec le sourire le nouveau-né. Par la suite, la perfection semblera bien moins rose puisque l'on apprendra que le premier enfant a fait naître des tensions et que le second aurait très bien pu ne jamais voir le jour via une possible intervention médicale. Mais le film ne se focalise pas seulement sur les problèmes familiaux de la famille. Le policier en charge de traquer le bébé est lui-même dans l'attente d'un nourrisson après des déconvenues, ou bien l'ami de la famille a lui-même des soucis avec ses enfants.
Le tableau familial dépeint par Larry Cohen paraît à première vue d'un grand pessimisme. Le policier lâche même un effarant «Ceux qui n'ont pas d'enfants ne savent pas la chance qu'ils ont !». Le personnage de Frank Davies prend même le parti de refuser la paternité de son enfant monstrueux. Cela ne peut pas être son enfant puisqu'il est anormal. Le film fait d'ailleurs une embardée pour enrichir toujours plus son récit en évoquant justement le problème de l'acceptation des enfants handicapés. Pour Frank Davies, cet enfant est le pire des obstacles dans sa carrière professionnelle qui lui tient à cœur. La solution radicale de Frank est donc de l'éliminer et de faire partie de ceux qui vont le traquer. Pourtant, le pessimisme de l'histoire, traité parfois non sans humour, prend un tournant assez surprenant à la fin du film sans pour autant verser dans un happy end mielleux.
Le talent de Larry Cohen pour l'écriture d'un scénario est une évidence à la vision du MONSTRE EST VIVANT. Comme si les éléments déjà explicités ne se suffisaient déjà pas à eux même, le film réussit à ajouter à tout cela d'autres observations et critiques sociales bien amenées (les méthodes pernicieuses d'une journaliste en herbe qui essaye de répondre aux attentes de la curiosité malsaine, la froideur du milieu hospitalier et de ses employés, la condescendance et l'hypocrisie dans le monde du travail…). Le problème, c'est que si Larry Cohen est un excellent scénariste rodé à l'écriture pour la télévision et le cinéma, il n'est pas encore très expérimenté dans le domaine de la réalisation lorsqu'il prend les commandes du MONSTRE EST VIVANT.
En effet, si toutes les idées du film sont développées habilement, il faut bien avouer que certains passages se traînent un peu en longueur même pour un film des années 70. Ce problème est largement pallié par la richesse thématique du film, qui est traité sobrement et naturellement, ainsi que par plusieurs scènes réalisées avec une grande efficacité. L'accouchement joue ainsi pour beaucoup avec l'imagination des spectateurs ce qui ne diminue absolument pas le côté horrible et percutant de la scène. Le final dans les égouts de la ville est, lui aussi, une grande réussite.
Ami de longue date de Larry Cohen, ils se sont connus à l'armée, James Dixon apparaît dans quasiment tous les films mis en scène par le cinéaste de BLACK CAESAR à L'AMBULANCE. Il joue d'ailleurs le plus souvent un policier comme dans MEURTRES SOUS CONTROLE ou bien EPOUVANTE SUR NEW YORK. Dans LE MONSTRE EST VIVANT, il interprète donc un policier et il tiendra encore à deux reprises le rôle du lieutenant Perkins dans LES MONSTRES SONT TOUJOURS VIVANTS et LA VENGEANCE DES MONSTRES. Mais l'acteur le plus surprenant dans le film est sans conteste John Ryan qui offre une incroyable performance de père ébranlé par ce qui lui arrive. La maman du monstre, bien moins mise en avant par le film, est jouée avec un talent comparable par Sharon Farrell.
L'édition DVD ne respecte pas totalement le cadrage cinéma prévu normalement en 1.85. Le disque propose en effet un format 1.78 qui remplit complètement un cadre 16/9. Rien de préjudiciable surtout que le DVD retranscrit parfaitement l'image du film ce que d'ailleurs Larry Cohen confirme dans le commentaire audio. Quelques petits défauts de pellicule font leur apparition mais cela s'avère bien anecdotique tout comme le grain inhérent au tournage.
Les pistes sonores sont toutes codées sur un seul canal et donc en mono. La piste française d'époque est bien plus limitée et artificielle que la version originale anglaise qui offre une dynamique plus probante surtout en ce qui concerne la retranscription de la musique de Bernard Herrmann. Un panel de sous-titrage dont, bien entendu, le français peut être affiché pour visionner le film. Par contre, il faudra se passer de ce sous-titrage pour le commentaire audio !
Le disque contient aussi trois bandes-annonces qui donnent chacune un aperçu des trois films de la série. Mais le véritable supplément informatif est un commentaire audio de Larry Cohen. Le cinéaste y parle bien évidemment de la double distribution du film, de ses points de vue sur le cinéma d'aujourd'hui qui ne laisse plus de place à l'imagination du spectateur ou bien encore le fait que des passages de son film aient été repris dans E.T. ou LA MUTANTE. Même s'il s'interrompt longuement à quatre reprises, c'est un véritable plaisir d'écouter Larry Cohen raconter des anecdotes concernant certains lieux de tournage (sa propre maison), l'apparition du chien de sa fille qui remplace le bébé monstrueux ou bien encore une soirée à la Cinémathèque française en compagnie de Bernard Herrmann. Il parlera d'ailleurs assez longuement de Bernard Herrmann à propos de leur travail commun sur le film ou bien encore de ses obsèques pour lesquelles de nombreuses personnalités étaient présentes dont François Truffaut qui avait fait un rapide aller et retour en avion pour assister à la cérémonie. Mais tout cela, vous ne pourrez peut être pas en bénéficier en raison de l'absence de sous-titrage !
Avec son petit prix, moins de quinze euros, cette édition DVD du MONSTRE EST VIVANT est plutôt attractive, surtout qu'elle contient un commentaire audio informatif de Larry Cohen. Malheureusement ce supplément est dénué de sous-titrage français, ce qui constitue le seul point noir de ce DVD. Celui-ci permet en tout cas de redécouvrir le film dans de bonnes conditions avant de s'intéresser à sa suite, LES MONSTRES SONT TOUJOURS VIVANTS, très réussie.