D'origine indienne, Keoma retourne à la maison de son père adoptif pour découvrir que la région est à présent sous la coupe du despotique Caldwell…
Enzo G. Castellari commence sa carrière en donnant la main sur les tournages de Marino Girolami, son propre père, et devient bien vite assistant réalisateur. Pour éviter la confusion lorsqu'il deviendra metteur en scène, il finira par changer son nom de Enzo Girolami en Enzo G. Castellari en utilisant le nom de jeune fille de sa mère et en gardant le «G» central en mémoire de son véritable nom. A 25 ans, sur le tournage en Espagne de QUELQUES DOLLARS POUR DJANGO produit à moitié par Marino Girolami, il s'impose si bien auprès des financiers espagnols qu'il réalise une grande partie du film, qui restera officiellement attribué à Léon Klimovsky. Il signera de son nom les cinq Western suivants : JE VAIS… JE TIRE… ET JE REVIENS, 7 WINCHESTER POUR UN MASSACRE, AUJOURD'HUI MA PEAU, DEMAIN LA TIENNE, DJANGO PORTE SA CROIX et TUEZ LES TOUS, ET REVENEZ SEUL ! Ensuite, il tournera encore des Westerns à diverses périodes dans une filmographie où se télescopent polars (LA POLICE ACCUSE, LA LOI ACQUITTE…), giallo (COLD EYES OF FEAR), l'horreur maritime (LA MORT AU LARGE), l'action post-apocalyptique (LES NOUVEAUX BARBARES, LES GUERRIERS DU BRONX…)…
Alors que le Western est un genre en pleine déliquescence en Europe, Enzo G. Castellari décide pourtant de remettre le couvert. Le réalisateur trouve le nom de Keoma dans un livre à propos des indiens et décide le producteur Manolo Bolognini ainsi que Franco Nero de participer à l'aventure. Auteur de l'idée originale, Luigi Montefiori, plus connu sous le nom de George Eastman, doit en écrire le scénario mais la copie qu'il rend à trois jours du tournage part aux oubliettes d'un commun accord entre le réalisateur et Franco Nero. Pas de script et il faut tout de même tourner un film ! Toutes les bonnes volontés sont sollicitées et toutes les suggestions sont prises en compte, que ce soit de la part des acteurs ou de l'équipe technique. Tout le monde met donc son grain de sel dont l'acteur / scénariste John Loffredo, devenu depuis Joshua Sinclair, qui s'occupe d'écrire les dialogues.
KEOMA naît comme DJANGO d'une écriture au jour le jour ! Et quitte à le faire, tout le monde essaye de placer ce qu'il a apprécié dans différents films ou autres œuvres artistiques. DJANGO est d'ailleurs repris dans les grandes lignes pendant la première partie du film. Le style de Enzo G. Castellari est comme souvent influencé par Sam Peckinpah mais aussi Sidney J. Furie, le réalisateur avoue d'ailleurs avoir énormément appris en visionnant L'HOMME DE LA SIERRA. Mais les influences de KEOMA se perdent aussi du côté de cinéastes plus inattendus comme Ingmar Bergman ou Elia Kazan, plus particulièrement L'ARRANGEMENT pour les flashbacks. KEOMA est donc un gigantesque melting-pot, le plus souvent réalisé avec une grande maîtrise.
Les influences se perdent jusqu'à la musique, Franco Nero pense à Leonard Cohen en référence à McCABE & MRS MILLER de Robert Altman alors que de son côté Castellari apprécie la musique de Bob Dylan sur les images de PAT GARRETT ET BILLY LE KID de Sam Peckinpah. Ce sont donc les directions données à Guido et Maurizio De Angelis pour écrire la partition musicale du film. Pendant ce temps, des chansons de Bob Dylan et Leonard Cohen sont utilisées, y compris jusqu'au montage final du film dont la première projection s'est faite avec ces musiques ! A l'arrivée, la musique du film est des plus surprenante avec l'utilisation assez répétitive, et pas toujours bienvenue, d'une chanson où se croisent une chanteuse et un chanteur à la voix très grave (le même que sur le morceau de MANNAJA ?).
Le point fort de KEOMA est, sans nul doute possible, la réalisation de Castellari. Le réalisateur expérimente des plans assez étonnants pour ce type de film, comme lorsque Keoma et son père tirent sur une cible. Encore plus déroutant, certaines idées de montage très particulières des scènes font penser à du Steven Soderbergh avec vingt ans d'avance ! Plus fort encore pour un film inventé au jour le jour, les divers flashbacks sur l'enfance de Keoma sont intégrés avec une déconcertante aisance. Le passé vient à se mélanger avec le présent donnant une atmosphère encore plus insolite au film, déjà habité par une étrange vieille femme qui ne serait autre que la mort !
Au générique, on retrouve donc Franco Nero mais aussi d'autres figures européennes du cinéma italien telles que Olga Karlatos (L'ENFER DES ZOMBIES…), Donald O'Brien (SALUDOS HOMBRE, LA TERREUR DES ZOMBIES…) ou William Berger (SABATA, LE DERNIER FACE A FACE…). Et de façon fortuite, ce qui est expliqué dans les interviews, l'américain Woody Strode s'est retrouvé sur le tournage de KEOMA pour le plaisir de tout le monde. Bien que l'acteur ait joué dans pas mal de films très différents (SPARTACUS...), il restera une des figures du Western : LE SERGENT NOIR de John Ford, LES PROFESSIONNELS de Richard Brooks ou LA COLLINE DES BOTTES. Il apparaîtra aussi dans un minuscule rôle dans le générique d'IL ETAIT UNE FOIS DANS L'OUEST de Sergio Leone. Avant de disparaître, il interprétait encore de petits rôles dans POSSE, LA REVANCHE DE JESSE LEE et MORT OU VIF de Sam Raimi.
Bien qu'il semble évident que la source de KEOMA soit la même que celle du DVD américain, certains défauts de pellicule apparaissent aux mêmes endroit, l'image du disque français n'est pas pour autant identique ! Les couleurs sont un peu moins affirmées, ce qui est assez courant dans le sens où le NTSC utilisé sur les disques américains donne souvent des couleurs plus chaudes, ce qui est parfois en contradiction avec l'image cinéma. Mais le disque français a une image qui est un poil moins bien définie que sur le disque américain. Cela reste largement honnête bien que l'on pourra trouver l'image un peu trop douce.
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La plupart des acteurs, y compris Franco Nero, ont participé au doublage anglais du film. Il est difficile de dire s'il s'agit de la raison pour laquelle le disque ne contient que cette version anglaise aux côtés du doublage français, alors que tous les autres Westerns de Wild Side proposaient en plus la version italienne (à chaque fois pour des versions intégrales non doublées dans d'autres langues, il faut dire !). Comme sur les autres disques, il semblerait que le doublage français ait fait l'objet de soins plus attentionnés puisqu'elle sonne un peu mieux.
Parmi les suppléments, on retrouve la bande-annonce du film et quelques filmographies. Mais pour en apprendre plus sur KEOMA, il faudra se diriger soit vers le livret de 24 pages inséré dans le boîtier ou alors se tourner vers un montage d'interviews, réalisées spécialement pour l'occasion, de Enzo G. Castellari, Franco Nero et Joshua Sinclair (anciennement John Loffredo). Anecdotes et souvenirs sont ainsi dispensés à propos du tournage du film.
Il existait un commentaire audio d'Enzo G. Castellari où le réalisateur avait pas mal d'autres anecdotes à donner comme, par exemple, le fait d'avoir tiré parti d'une pluie inattendue pour la séquence où Franco Nero est attaché à la roue. Dommage que cette piste sonore n'ait pas été reprise car elle était fort sympathique. En dehors de cela, l'édition française fait bien mieux en matière de suppléments avec en plus un petit cadeau. Le disque contient aussi ORME ROSSE, un court métrage, qui est un hommage aux Westerns spaghetti. Sa présence étant due au fait que son réalisateur est Andrea Girolami, le fils d'Enzo G. Castellari.
Dans le livret déjà évoqué inclus avec KEOMA, seulement la moitié est dédiée au film de Enzo G. Castellari. Le reste étant consacré à EL CHUNCHO puisque le film de Damiano Damiani est vendu avec KEOMA. Tout comme pour DJANGO et 4 DE L'APOCALYPSE, cette association permet de visionner deux films assez différents alors qu'ils sont pourtant tous deux désignés comme des Westerns spaghetti. Bon plan, donc !