Header Critique : COUNTESS DRACULA (COMTESSE DRACULA)

Critique du film et du DVD Zone 1
COUNTESS DRACULA 1970

COMTESSE DRACULA 

Les années 1970 et 1971 ont été placées, pour la Hammer, très clairement sous le signe de l'angoisse et de l'étrange. Ainsi, sur les quatorze films distribués au cours de ces deux années, seule la comédie ON THE BUSES (transposition d'une série TV britannique) n'aurait pas sa place sur DeVil Dead. Au cours de cette période, pas moins de six films de vampires gothiques sortent du studio. Parmi eux, la série des Dracula avec Christopher Lee reste la plus populaire, avec UNE MESSE POUR DRACULA de Peter Sasdy et LES CICATRICES DE DRACULA de Roy Ward Baker. Pourtant, le cycle le plus prolifique est la trilogie inspirée de la nouvelle Carmilla de Le Fanu, à savoir : THE VAMPIRE LOVERS de Baker, LUST FOR A VAMPIRE de Jimmy Sangster et LES SÉVICES DE DRACULA de John Hough.

On trouve encore, début 1971, COMTESSE DRACULA. L'idée de ce film vient d'un article, lu dans un journal, dédié au cas de la sanglante comtesse Bathory, une cruelle aristocrate hongroise du XVIème siècle. Le récit du film est écrit par deux hongrois, justement, exilés en Grande-Bretagne et liés à la Hammer : d'une part, Alexander Paal (co-producteur de FOUR SIDED TRIANGLE, réalisé par Terence Fisher) ; d'autre part, le réalisateur Peter Sasdy (dont UNE MESSE POUR DRACULA est la première oeuvre destinée au cinéma). L'ensemble est retravaillé et mis en forme par le scénariste britannique Jeremy Paul.

Ingrid Pitt, comédienne d'origine polonaise repérée par James Carreras, a déjà tourné deux films d'épouvante anglais, à savoir le Hammer THE VAMPIRE LOVERS et l'Amicus LA MAISON QUI TUE, deux titres liés au vampirisme. Elle tient absolument au rôle de la COMTESSE DRACULA, et Carreras finit par l'imposer, quand bien même il semble que Sasdy, choisi pour réaliser le film, aurait préféré Diana Rigg. Le capitaine Dobi, amant de la comtesse, est interprété par Nigel Green, silhouette familière du cinéma britannique des années 1960 (il est, par exemple, l'Hercule de JASON ET LES ARGONAUTES), tandis que, parmi les seconds rôles, on trouve des comédiens fort populaires en Grande-Bretagne, comme Maurice Denham ou Peter Jeffrey. Le tournage se déroule dans les studios de Pinewood, où l'équipe fait de saines économies en récupérant les décors de ANNE DES MILLE JOURS, une grosse production historique que venait de tourner Charles Jarott.

Au XVIIème siècle, en Hongrie... La comtesse Elisabeth Nodosheen, vieille veuve, laide et méchante, découvre par hasard qu'en répandant du sang de jeune fille sur son corps, celui-ci redevient beau et juvénile. Mais elle comprend aussi que les effets de ce remède se dissipent rapidement. Pour obtenir le sang nécessaire à ses soins corporels, elle doit donc, avec l'aide de ses fidèles serviteurs, enlever et assassiner régulièrement des jouvencelles parmi les paysannes et les bohémiennes de la région. Pour ne pas éveiller les soupçons, Elisabeth se fait passer pour sa fille Ilona, qu'elle fait kidnapper et séquestrer hors de la ville. De plus, elle s'éprend du jeune lieutenant Imre Toth, qui, convaincu d'avoir affaire à une jeune femme comme les autres, l'aime en retour. Il ignore qu'il courtise la terrible Elisabeth Nodosheen, dont les fermiers des environs se souviendront comme de la sanglante "Comtesse Dracula" !

Comme on l'a vu plus haut, le scénario de COMTESSE DRACULA s'inspire d'un véritable personnage historique : la redoutable Ersebeth Bathory qui vécut de 1560 à 1614. Cette comtesse hongroise fut condamnée, aux alentours de 1610, à être enfermée à vie après qu'il ait été établi qu'elle enlevait et assassinait des jeunes femmes par cruauté, mais aussi pour se baigner dans leur sang, auquel elle attribuait des vertus curatives, capables notamment de la faire rajeunir. Cet authentique personnage monstrueux (elle aurait fait plus de six cents victimes) a notamment servi d'inspiration à Sheridan Le Fanu pour sa nouvelle Carmilla, nouvelle qui inspira, de son côté, un certain Bram Stoker, auteur du roman Dracula.

COMTESSE DRACULA n'est pas le seul film à s'être inspiré du personnage d'Ersebeth Bathory, et on retrouve cette femme maléfique dans le surréaliste LES LÈVRES ROUGES de Harry Kumel (sous les traits de Delphine Seyrig), dans CONTES IMMORAUX de Borowzyck, ou encore dans LA FURIE DES VAMPIRES avec Paul Naschy. Elle a aussi inspiré, d'un peu plus loin, de nombreux personnages féminins du cinéma d'horreur, pour LES PRÉDATEURS de Tony Scott par exemple, ou VAMPYRES de Jose Ramon Larraz.

Etait-il légitime, dès lors, d'appeler ce film COMTESSE DRACULA ? En fait, pas vraiment. Cet intitulé (repris par un personnage du métrage pour désigner Elisabeth) est en fait purement commercial, la Hammer cherchant alors à exploiter au mieux le succès de sa série-phare. Qui plus est, la comtesse n'est pas à proprement parler un vampire. Elle ne possède aucun des pouvoirs, ni ne subit aucun des inconvénients, liés à cette forme de survie après la mort. Certes, elle conserve la jeunesse en se baignant dans du sang, mais il s'agit plutôt d'une pratique de magie noire que d'une malédiction la condamnant à l'immortalité. L'argument n'a, d'ailleurs, rien de nouveau en lui-même. Des récits très semblables avaient déjà été illustrés au cinéma. Dans LES VAMPIRES de Bava et Freda, une comtesse, aidée par un savant, échappe au vieillissement grâce au sang récupéré sur de jeunes victimes. Dans le film gothique Hammer THE MAN WHO COULD CHEAT DEATH de Terence Fisher, un chirurgien, (Anton Diffring), récupère des glandes prélevées sur des cadavres afin de fabriquer un élixir de longue vie. LA FEMME SANGSUE d'Edward Dein découvre qu'elle peut jouir d'un physique éternellement juvénile en absorbant le contenu de glandes pinéales de jeunes hommes fraîchement assassinés...

Toutefois, COMTESSE DRACULA a le mérite de connecter un récit classique à la légende de la comtesse Bathory, avec lequel il forme un mélange gothique et surnaturel à priori fort intéressant. Autre point fort du film, le portrait de la comtesse Elisabeth propose un personnage original, dont les motivations sont assez éloignées des habituels vampires de la Hammer. Veuve laide et aigrie, elle revient littéralement à la vie en découvrant qu'elle peut rajeunir. Dès lors, si elle sombre dans le crime et la violence, ce n'est pas par goût de la cruauté, ou à cause d'une psychopathologie, mais parce qu'elle est sensuelle, avide de de bonheur et d'amour, amour auquel elle n'aurait plus accès si elle redevenait une vieille femme. La comtesse Elisabeth n'est donc pas un personnage "méchant". Elle paraît plutôt incapable de mesurer la conséquence de ses actes, et se montre prête à tout pour vivre le grand amour avec son jeune et beau hussard. Certes, tout cela repose sur une caractérisation non dénuée de stéréotypes, mais la comtesse n'en devient pas moins, par la force des choses, attachante.

Personnage intéressant, beaux décors, acteurs de qualité... Tout semble aller pour le mieux dans le monde de l'Horror et COMTESSE DRACULA a tout pour être une réussite. Hélas, il n'en est rien. D'abord, la reconstitution historique laisse un peu à désirer : malgré des moyens évidents (costumes très variés, empruntés aux réserves de la BBC), tout cela sent trop le carton-pâte, le gros accent et la barbe postiche pour être vraiment crédible. Les éclairages et la réalisation sont soignés, mais ils restent toujours banals, et semblent éviter tout débordement expressionniste. De même, les séquences d'horreur sont extrêmement rares, et souvent elliptiques, ce qui, pour un film Hammer, laisse un peu sur sa faim. Et puis, si Ingrid Pitt et Nigel Green sont convaincants, on ne peut pas en dire autant d'autres acteurs, comme, notamment, le jeune premier Sandor Elès, particulièrement fade.

Que reste-t-il, dès lors, de cette COMTESSE DRACULA ? Bien sûr, il s'agit tout de même d'un produit Hammer soigné, d'un film au potentiel très intéressant. Mais trop timide dans le domaine de l'horreur, et trop sage dans sa mise en scène, il ne décolle jamais vraiment et laisse un arrière-goût d'inachevé et de légère déception. C'est, en tous cas, le dernier film de la Hammer interprété par Ingrid Pitt. Sasdy, de son côté, dirigera ensuite pour cette firme, LA FILLE DE JACK L'ÉVENTREUR.

En DVD, COMTESSE DRACULA a eu droit à deux éditions intéressantes : la première est un disque anglais, publié chez Carlton (zone 2, PAL), qui propose le film au sein d'un coffret Hammer incluant aussi LES SÉVICES DE DRACULA et LE CIRQUE DES VAMPIRES. Toutefois, on n'y trouve qu'un sous-titrage anglais et l'interactivité dédiée à COMTESSE DRACULA se limite à une bande-annonce.

Plus récemment, MGM a sorti, dans son incontournable collection américaine "Midnite Movies", un DVD "double feature" proposant COMTESSE DRACULA et THE VAMPIRE LOVERS. Le disque (zone 1, NTSC) est double-face et propose chaque film gravé sur une seule couche.

COMTESSE DRACULA est montré dans son format panoramique 1.66 d'origine, sans option 16/9. Il s'agit de la version complète du film, et non de celle, tronquée, sortie aux USA dans les années 1970. Le télécinéma est globalement correct, avec une image plutôt propre malgré quelques rares défauts d'état (rayures ou saletés). Toutefois, la pellicule paraît souvent excessivement granuleuse, tandis que les couleurs trahissent une très légère dominante orangée sur les rouges. On a vu mieux dans cette collection, mais il n'y a tout de même pas de quoi fouetter un chat. Cela reste plutôt convenable.

La bande-son est proposée en anglais (mono d'origine en Dolby Digital 2.0), sur une piste tout à fait satisfaisante. On a accès, pour le film, à des sous-titres anglais, espagnols et français.

Les bonus dédiés à COMTESSE DRACULA se limitent à une bande-annonce d'époque et, plus intéressant, à un tout nouveau commentaire audio auquel participent le réalisateur Peter Sasdy, le scénariste Jeremy Paul et Ingrid Pitt en personne. Cette dernière participe assez peu aux interventions, tandis que Sasdy et Paul font de nombreux commentaires sur l'écriture et la production du film. Tout cela n'est pas extrêmement dense, mais reste une source d'informations intéressante.

Bref, cette édition "Midnite Movies" est sans doute la plus complète et la plus accessible (sous-titrage français) actuellement disponible pour COMTESSE DRACULA.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
50 ans
1 news
667 critiques Film & Vidéo
1 critiques Livres
On aime
Deux films pour le prix d'un
Un film Hammer original
On n'aime pas
Une oeuvre un peu décevante
RECHERCHE
Mon compte
Se connecter

S'inscrire

Notes des lecteurs
Votez pour ce film
Vous n'êtes pas connecté !
6,17
6 votes
Ma note : -
Autres critiques
L'édition vidéo
COUNTESS DRACULA DVD Zone 1 (USA)
Editeur
Support
DVD (Double face - simple couche)
Origine
USA (Zone 1)
Date de Sortie
Durée
1h30
Image
1.66 (4/3)
Audio
English Dolby Digital Mono
Sous-titrage
  • Anglais
  • Français
  • Espagnol
  • Supplements
    • THE VAMPIRE LOVERS
      • COUNTESS DRACULA
      • Commentaire audio de Peter Sasdy, Jeremy Paul et Ingrid Pitt
      • Bande-annonce
    Menus
    Menu 1 : COUNTESS DRACULA (COMTESSE DRACULA)
    Autres éditions vidéo