Le fourbe Pélias renverse et tue Aristos, Roi de Ioctos. Mais
le prince Jason, jeune fils d'Aristos, échappe au massacre. Une
fois atteint lâge adulte, il veut reconquérir le
trône de son père. Pour pouvoir prendre la tête dune
armée, il sait quil lui faut un symbole fort : il décide
de partir en quête de la Toison dOr, objet magique protégeant
le royaume de Colchide et surveillé par une hydre terrible. Afin
de mener à bien ce projet, Jason recrute des héros en
provenance de toute la Grèce et les emmène à bord
du navire lArgos : les aventures de Jason et les Argonautes commencent
Jason est un personnage de la mythologie grecque dont les aventures ont été narrées dans "LES ARGONAUTIQUES" d'Appolonios de Rhodes au IIIème siècle avant Jésus Christ. Afin de reconquérir le trône de Thessalie, usurpé par son oncle Pélias, Jason part à la recherche de la mythique Toison d'Or avec ses compagnons, les Argonautes (parmi lesquels on trouve Castor et Pollux, Hercule, Orphée ). En Colchide (située en Asie mineure), il rencontre la prêtresse Médée qui, par amour pour lui, va trahir son peuple et son père, le Roi de ce pays. Une fois Ioctos reconquise, Jason fait de Médée sa Reine ; mais lorsqu'il se lassera de son épouse et s'intéressera à d'autres femmes, Médée se vengera de manière bien cruelle (ce qui inspirera à Euripide la tragédie classique "MÉDÉE"). Les aventures de tous ces personnages ont évidemment été portées plusieurs fois à l'écran. Ainsi, dans le péplum mythologique fondateur LES TRAVAUX D'HERCULE, date-clé du cinéma fantastique italien, Hercule fait un bout de chemin avec Jason et ses argonautes, quitte à participer activement à des épisodes auxquels, selon la mythologie grecque, il n'a même pas assisté (la conquête de la Toison d'or par exemple). A la suite de ce succès, le "muscle-opera" mythologique explose en Italie, et il est donc naturel que Riccardo Freda consacre le péplum LE GÉANT DE THESSALIE à l'expédition de Jason et de ses argonautes.
Plus tard, Pier Paolo Pasolini portera à l'écran ces personnages dans MÉDÉE, adaptation de la tragédie d'Euripide dans son style très personnel : Laurent Terzieff y incarne Chiron, le sage centaure précepteur de Jason durant son enfance. On y retrouve le grand acteur italien Massimo Girotti, qui incarnait Orphée dans LE GÉANT DE THESSALIE mais c'est surtout la présence de Maria Callas, la plus célèbre cantatrice du vingtième siècle, dans l'interprétation muette de la magicienne Médée qui est le grand événement du film : ce sera le seul rôle de la Diva pour le cinéma. Plus tard, Lars Von Trier fera aussi un MÉDÉE pour la télévision, avec, dans le rôle de Jason, son acteur-fétiche Udo Kier (bien connu par ailleurs des amateurs de cinéma populaire européen des années 70 : CHAIR POUR FRANKENSTEIN ). Enfin, Hallmark consacre à ces héros un de ses fameux téléfilm-fleuves : JASON ET LES ARGONAUTES avec, entre autres, Dennis Hopper.
Entamée avec LE MONSTRE VIENT DE LA MER, la collaboration hors du commun entre le producteur Charles H. Schneer et le créateur d'effets spéciaux Ray Harryhausen finit par mener à un gros succès populaire : LE SEPTIÈME VOYAGE DE SINBAD. Les compères vont alors mettre au point une formule qui ne variera guère jusqu'à leur ultime projet, LE CHOC DES TITANS. Il s'agit de proposer des aventures fantastiques et merveilleuses mettant en valeur les trucages inventés par Ray harryhausen, et notamment ses monstres créés et animés, image par image. On économise sur les vedettes (ces films ne mettront jamais des stars au premier plan), mais on attire les spectateurs en adaptant des aventures de héros bien connus grâce à la littérature et à la mythologie. Se succèdent donc LES VOYAGES DE GULLIVER d'après Jonathan Swift, L'ILE MYSTÉRIEUSE d'après Jules Verne, et enfin, JASON ET LES ARGONAUTES.
Les vedettes de JASON ET LES ARGONAUTES sont, bien plus que les héros humains, les monstres créés par Ray Harryhausen. Construits avec un soin méticuleux (notez le rendu sidérant des textures, notamment le bronze de Talos), ces créatures qu'affrontera Jason sont animées de A à Z par Harryhausen lui-même (il refusera toujours de travailler avec des assistants). On croise donc un colosse de bronze, des harpies, une hydre à sept têtes et, surtout, une troupe de squelettes belliqueux. C'est cette dernière séquence qui est la plus fameuse : alors que LE SEPTIÈME VOYAGE DE SINBAD mettait déjà en scène un tel guerrier décharné, Harryhausen, comme souvent dans sa carrière, choisit d'amplifier la difficulté en faisant s'affronter plusieurs squelettes et trois humains. Cinq mois d'un travail effroyablement complexe seront nécessaires pour mettre cette bataille sur pellicule. Mais le résultat est là. Notons au passage que des séquences au cours desquelles Jason se rendait aux enfers pour y affronter Cerbère étaient prévues, mais qu'elles n'ont finalement pas été tournées, le métrage étant déjà bien rempli de péripéties : on retrouvera néanmoins le fameux molosse polycéphale dans LE CHOC DES TITANS.
Certes, ces effets spéciaux exigeaient des superpositions et des tirages multiples : les changements de coloration et de granulation entre les plans ne passent pas inaperçus. Mais par rapport à des créations en images de synthèse, la netteté des contours, l'inscription très naturelle des figures dans l'espace, la précision des mouvements, la variété des textures et l'expressivité des figures restent stupéfiantes. Harryhausen crée un bestiaire unique, très varié, et lui donne vie avec une maestria ici à son sommet. La bataille avec les squelettes reste toujours aussi éblouissante par son rythme et par la variété des angles de prise de vue.
Les extérieurs sont tournés en Italie et la réalisation est assurée par Don Chaffey, bien que Harryhausen supervise les séquences auxquelles des effets spéciaux seront ajoutés. On remarque que la scène des harpies a été tournée sur le site de Paestum, où des colons grecs ont bâti des temples au Vème siècle avant Jesus Christ ! Dès qu'il a vu KING KONG, dont la bande originale était composée par Max Steiner, Harryhausen a saisi que la combinaison d'effets sonores spectaculaires et d'une musique très soignée rend encore plus efficace des scènes à effets spéciaux. A partir du SEPTIÈME VOYAGE DE SINBAD, il s'adjoint donc les services de rien de moins que ceux de Bernard Hermann ! Ce dernier aligne alors des partitions excellentes, dont celle de JASON ET LES ARGONAUTES est un vrai modèle d'invention, de rigueur et de puissance.
Mais JASON ET LES ARGONAUTES n'est pas qu'un scénario prétexte à aligner des séquences spectaculaires. Remarquablement interprété par un casting homogène (on évitera la version française qui ne lui rend pas justice), le récit reprend la structure générale des aventures mythologiques de Jason, tout en les modifiant souvent dans le détail : Talos devient donc un géant de bronze, Jason vainc l'hydre à l'issue d'un combat à l'épée au lieu de prendre la Toison d'Or pendant le sommeil du monstre... A travers la description de l'Olympe et de ses dieux aux comportements très humains, JASON ET LES ARGONAUTES propose une vision pertinente et touchante des dieux mythologiques : adorés par les humains pour leurs pouvoirs immenses, ils savent que leurs adorateurs sont destinés à s'émanciper de leurs puissances et, comme des enfants ingrats, à se détourner d'eux, en les laissant sombrer dans l'oubli. Ainsi, Jason, personnage typique de la mythologie, va devenir véritablement un héros quand, sans recourir à l'aide d'aucun Dieu, il vaincra l'hydre et lui prendra la Toison d'Or. Il contre ainsi par ses seules forces les plans de Zeus et trace lui-même les contours de son destin.
La qualité de l'image est globalement excellente. La lumière et les couleurs sont vives et propres, tandis que la compression est absolument irréprochable. On note toutefois quelques légères saletés sur la pellicule, mais pour un film de 1963 contenant autant de surimpressions, c'est vraiment excellent.
Le DVD propose des bandes-son originales anglaise, française, espagnole, italienne et allemande en mono : elles sont toutes de bonne qualité, même si la française et l'italienne sont un peu trop criardes. Le tout est accompagné d'une vingtaine de sous-titrages européens, dont un français, bien sûr.
Parmi les bonus, on trouve une bande-annonce en anglais sous-titré, des filmographies partielles de Ray Harryhausen et de Charles Schneer et une interview de Harryhausen par le réalisateur John Landis dédiée à JASON ET LES ARGONAUTES. On retrouve le même documentaire consacré à la carrière de Ray Harryhausen que sur LE SEPTIÈME VOYAGE DE SINBAD :c'est un peu décevant, mais il faut reconnaître qu'il est en tout point excellent, avec notamment de nombreuses séquences animées rares (travaux pour la télévision, études pour des projets non concrétisés...).
Les films de Schneer et Harryhausen ont énormément influencé l'industrie du cinéma en proposant des magnifiques divertissements populaires mettant en vedette des séquences d'effets spéciaux toujours plus complexes et spectaculaires. Ce sont donc les ancêtres de ce qu'on appelle aujourd'hui, parfois avec mépris, les blockbusters. Parmi les réalisateur de films fantastiques, les admirateurs de Harryhausen sont innombrables : George Lucas, Sam Raimi, Peter Jackson, John Landis, Stephen Sommers, Joe Dante... n'ont pas manqué de tirer leur chapeau à ce très grand Monsieur du cinéma. Si il ne travaille plus sur des films depuis le début des années 80, il se ballade encore de convention en rétrospective à travers le monde, avec, sous le bras, une valise pleine de Krakens, de squelettes et de cyclopes en tout genre... JASON ET LES ARGONAUTES est peut-être sa plus grande réussite, en tout cas son oeuvre la plus populaire.
Harryhausen y a illustré avec génie, aux moyens des technologies les plus pointues de son époque, les légendes éternelles de la mythologie grecque, comme l'ont fait en leur temps des maîtres de l'Art antique tels que le sculpteur Phidias ou le peintre Exekias. Mais, il a aussi émerveillé et fait rêver des générations d'enfants avec ses magnifiques spectacles fantastiques : Ray Harryhausen a donc bien mérité de trôner dans l'Olympe du cinéma fantastique aux côtés de Méliès, John P. Fulton et de Willis O'Brien !